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La leçon de patriotisme de Hosni Kitouni

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Je venais à peine de publier un article sur "les Ratages patriotiques" que je découvre cette lettre à coeur ouvert de Hosni Kitouni...en réponse à l'appel à la désertion d'Amira Bouraoui, le coqueluche de réseaux sociaux indigènes...Cette contribution de mon ami et collègue Hosni Kitouni remet toutes les pendules à l'heure...s'il faut lutter c'est ici et en toute responsabilité...et nulle part ailleurs...
c'est aussi ça la flamme de Novembre...

Kitouni Hosni 

Chère Amira Bouraoui, laissez moi vous conter une autre histoire un peu différente de la vôtre. J'avais 5 ans, mon père était tailleur de profession, il possédait deux magasins l'un à Skikda l'autre à Constantine. C'était un homme respecté, diplômé de l'école de Paris en haute couture. Il gagnait très bien sa vie, avait une famille de quatre enfants. J'étais son aîné. Son fils aimant. Un jour il disparaît. Je n'ai rien compris sur le moment, ma mère n'a voulu rien me dire. Du jour au lendemain les deux magasins sont fermés et nous nous retrouvons sans le sou pour vivre. C'est alors que commence l'enfer au quotidien: la police tous les jours, l'armée sur le toit de notre maison toutes les nuits,ils cherchaient père. Les interrogatoires, les convocations au commissariat. Ma mère en larmes, désespérée ne sachant que faire. C'est ainsi que j'appris que mon père a rejoint le maquis. En 1957, le 19 octobre exactement en sortant de l'école j'ai aperçu la photo de mon père sur le journal la Dépêche de Constantine.On y lisait qu'il a été tué aux abords de la ville. Je rentre à la maison où je trouve mère en train de laver le linge dans la cours. Je lui annonce alors que mon père est mort. C'est moi qui lui apprend la tragédie survenue. C'est ainsi que nous sommes définitivement devenus orphelins.Une mère analphabète, qui n'avait aucun membre de sa famille vivant. Ce sacrifice , le plus grand qui soit , le don de la vie, Père l'a fait en abandonnant carrière et famille. Et que dire de Benboulaid, BenMhidi et de tant d'autres. "Il n'est jamais rien donné à l'homme, ni sa force ni sa faiblesse", dit le poète. 
 
Certes les temps sont durs , mais c'est parce qu'ils sont durs que le combat mérite d'être mené. Oui comme vous, je suis envahi par le désespoir, mais en regardant au loin le combat de nos aînés, je me dis que rien n'est impossible. Ils sont grands parce qu'ils ont accompli une grande chose. Le plus magnifique exemple est à cet égard Belouazdad, c'est la figure la plus emblématique du sacrifice et de l'engagement, son visage illumine le ciel de l'Algérie, tuberculeux, démuni il a mené le combat militant jusqu’au dernier souffle. Que vaut notre sacrifice auprès du sien. Ce sont ces visages qui doivent nous servir d'exemple. C'est pour poursuivre leur combat et sauver leur idéal qu'il faut maintenir la flamme allumée. Les larmes , elle sont belles quand elles envahissent le visage d'une femme courageuse. Vous êtes une femme courage et ils sont très nombreux à vous aimer. En toute amitié voici une photo de cet enfant dont je vous parlais, il est là avec son père , une dernière fois réunis.

La fin des légitimités

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 Face à la haine qui s'installe à l'ombre de la Macronie, un intellectuel ose une autre approche, plus pragmatique et plus humaine. Ici, Olivier Le Cour Grandmaison, prend sur lui démonter le mur de la haine que d'anciens ministres et autres intellectuels fortement marquée du racisme primaire tentent d'imposer à une France frileuse...et tentée par la bête immonde...

"En réponse à leurs attaques passées, réitérées et à venir, notre résistance doit être constante, déterminée, unitaire et conduite sur tous les fronts. En nous stigmatisant, ils veulent nous réduire au silence et à l’inaction. Contre ces nouveaux censeurs emportés par un prurit toujours plus autoritaire, il est urgent d’écrire, de parler et d’agir. Donc acte."

 

En réponse aux signataires de l’Appel contre « le séparatisme islamiste »

Le 19 mars, Le Figaro a publié une tribune intitulée : « L’appel des 100 intellectuels contre le séparatisme islamiste ». Je réagis aujourd'hui : «Sans être d’accord, je pensais que j’allais humer l’air vif des sommets ; je n’ai fait que respirer les remugles d’eaux troubles et grasses, agitées par des poncifs rebattus qui courent comptoirs et rues».

« Il était réservé à notre temps de voir des hommes de pensée ou qui se disent tels faire profession de ne soumettre leur patriotisme à aucun contrôle de leur jugement, (…) déclarer traîtres à leur nation ceux de leurs compatriotes qui gardent à son égard leur liberté d’esprit ou du moins de parole. (…) Ces remarques expliquent la volonté si fréquente chez l’écrivain français contemporain de prendre une posture politique, mais non pourquoi elle est si ponctuellement, encore que plus ou moins franchement, dans le sens autoritaire. C’est ici qu’intervient un second facteur : la volonté, chez l’écrivain pratique, de plaire à la bourgeoisie, laquelle fait les renommées et dispense les honneurs. » Julien Benda, La Trahison des clercs
L’heure est grave ! Que dis-je, idiot utile, inconscient et aveugle au front bas que je suis, elle est extrêmement grave. Oyez bons Français et fiers patriotes : un spectre hante l’Europe et notre beau pays menacé par le « totalitarisme islamiste » qui ne cesse de progresser. Hier, des quartiers populaires sont passés sous la coupe de musulmans radicaux, selon certains qui pensent être des visionnaires éclairés et éclairants. Aujourd’hui, c’est plus terrible encore, des forces françaises antirépublicaines s’activent pour relayer les actions de ces mahométans et détruire « la paix civile. » Après les coups de menton, les menaces sans fondement juridique du ministre de l’Education nationale, qui pourrait fort légitimement remplacer l’actuel Sinistre[1] de l’Intérieur, et ses diatribes policières contre SUD Education 93 voué aux gémonies pour avoir osé organiser – crime de lèse-république - une réunion consacrée au « racisme d’Etat » et des ateliers en « non-mixité raciale », les signataires de l’Appel précité s’en prennent de nouveau à cette organisation syndicale. Original et courageux, n’est-ce pas ? Subtile répartition des tâches. Jean-Michel Blanquer a ouvert les hostilités, avec l’approbation d’une majorité aux ordres, du gouvernement et de Jupiter, les signataires de cet Appel poursuivent la traque, organisent la meute, fouettent les passions en espérant un sursaut de l’opinion publique, comme on dit, et peut-être de nouveaux anathèmes ministériels contre ce syndicat honni. N’oublions pas Frédéric Potier, récemment nommé délégué à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah). En bon petit soldat soucieux de donner des gages de soumission et d’orthodoxie lexicale et politique à ceux qui l’ont désigné à ces nobles fonctions, il a déclaré : « Il n’y a pas de racisme d’Etat. Cette notion, c’est une aberration.[2] » Ivresse du pouvoir et vanité puérile qui font croire à celui qui l’exerce qu’il peut ruiner un concept par quelques phrases prétendument assassines. Dérisoire et risible.
Eu égard à la gravité de la situation, une cohorte d’hommes et de femmes venus d’horizons politiques différents ont donc décidé d’unir leurs forces et de faire fi de leurs divergences. Formidable courage qui témoigne, laissent-ils entendre, de leur capacité à s’émanciper de leurs opinions singulières pour faire triompher l’intérêt général et la défense de la République menacée. Admirable union sacrée. Plus admirable encore la qualité des signataires. Juristes, avocats, professeurs, philosophes, docteurs, agrégés, essayistes pressés, - c’est un pléonasme -, chroniqueurs divers que réunissent des obsessions communes : l’islam, les quartiers populaires « gangrenés par la charia » et les jeunes « issus de l’immigration », l’inévitable I. Rioufol[3] et la subtile E. Lévy, bien sûr, quelques académiciens, qui pensent que depuis qu’ils siègent sous la coupole, leurs travaux sont devenus immortels, et deux anciens membres de gouvernement. Un prétendu ami de la sagesse et de la vérité, L. Ferry, qui a oublié qu’on ne peut servir deux maîtres, la philosophie et le(s) pouvoir(s), et qui depuis longtemps préfère le(s) second(s) à la première. Un humanitaire revenu de tout sauf de lui-même, B. Kouchner, prêt à soutenir quiconque lui ouvre les portes du prestigieux Quai d’Orsay comme il en a fait la démonstration servile. Avec raison, l’un et l’autre prennent soin d’exhiber leur titre de ministre car beaucoup de lecteurs n’ont aucun souvenir de leurs fonctions passées. Une loi, une décision ou action mémorables ? Que nenni ! Ils n’ont fait que passer.
Mais qu’importe. L’addition de ces personnalités intellectuelles, et de ces esprits forts et cultivés laissaient augurer un texte puissant, servi par des plumes inventives et brillantes. Sans être d’accord, je pensais que j’allais humer l’air vif des sommets ; je n’ai fait que respirer les remugles d’eaux troubles et grasses, agitées par des poncifs rebattus qui courent comptoirs et rues. Quant au clinquant des titres et des notoriétés affichés, il ne change rien à l’affaire ; il prouve seulement que ceux qui se croient haut pensent bas, quelquefois. Pensent-ils seulement ? Non. Ils lestent des opinions communes d’une légitimité académique susceptible de les faire passer pour des réflexions importantes. J’ignore qui a tenu le clavier mais le résultat pourrait laisser croire qu’un communicant affairé, et dépassé par les éléments de langage qui lui ont été imposés, s’est attelé à cette tâche en débitant avec empressement lieux communs, amalgames, raccourcis grossiers, confusions inacceptables que certains professeur-e-s signataires ne tolèreraient pas de leurs étudiant-e-s. Et les voilà conduits sur cette pente où, pour paraphraser L. Wittgenstein, les savoirs acquis au cours d’études longues et difficiles « n’améliorent en rien » leur « façon de penser (…) les questions importantes de la vie de tous les jours » ce pourquoi ils se font démagogues vulgaires en utilisant « des expressions dangereuses que les gens de cette espèce utilisent pour leurs propres fins. »
SUD Education 93 et quelques autres sont ainsi accusés de favoriser, par leurs initiatives, « le séparatisme islamiste » et de se battre pour « accorder » aux prétendus « dominés » des « privilèges » singuliers en lieu et place des beautés immarcescibles des lois républicaines, celles-là mêmes qui sont au fondement de l’unité de la « communauté nationale. » En effet, comme chacun devrait le savoir, les dispositions législatives, la justice et les possibilités offertes aux citoyens de ce pays sont égales pour tous. Nulle discrimination raciale et/ou religieuse n’affecte l’existence des uns et des autres car tous peuvent s’épanouir librement et également en constatant chaque jour l’effectivité de la sublime devise inscrite au fronton des bâtiments publics. La police, quant à elle, est au-dessus de tout soupçon puisque républicaine, agissant dans le cadre de la Constitution, respectueuse des lois, des règlements et des circulaires, elle n’effectue aucun contrôle au faciès et use de la violence avec discernement, toujours. Admirables syllogismes et puissance de la raison étayée par des connaissances précises et variées ? Piteux triomphe de la “pensée” défaite qui dégénère en idéologie où les faits, les événements et les nombreuses enquêtes menées depuis longtemps, corroborées par plusieurs institutions indépendantes et sûres – le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) – sont traités en chiens crevés dès lors qu’ils sont susceptibles de contredire si peu que ce soit les affirmations péremptoires des signataires.
Les faits sont têtus, affirmait un homme politique célèbre. Présentement il y a plus têtus qu’eux puisque dans le monde enchanté des mêmes, ni dominé-e-s, ni discriminé-e-s n’existent ; seuls demeurent des citoyens vivant dans le subtil éther républicain où tout n’est que liberté, égalité et fraternité. Les réalités sont autres ? Qu’importe. Au mieux, elles sont euphémisées, au pire elles sont niées. La preuve de l’existence d’un phénomène idéologique ? Son caractère rebelle à toute falsification et sa persévérance quels que soient les éléments factuels et les savoirs mobilisés pour l’infirmer. Les auteurs de cet Appel en font la démonstration probante. Pour eux, les analyses, les catégories et les termes non conformes à leurs présupposés ne sont qu’inventions de militants radicaux et irresponsables auxquels des universitaires et des chercheurs, contaminés par la sociologie, l’histoire et/ou la philosophie critiques, ces pauvres filles de la « pensée 68 », apportent leur soutien et leur insupportable « culture de l’excuse. » Pis encore, ceux qui prétendent combattre le racisme institutionnel et les discriminations, qui n’existent que dans leur imagination, sont les fourriers d’un « apartheid d’un nouveau genre » et d’une « ségrégation à l’envers. » Acmé de l’argumentation ? Echolalie sommaire de la rhétorique réactionnaire et de la thèse bien connue de « l’effet pervers » où « toute tentative pour modifier l’ordre existant produit des effets strictement contraires au but recherché. [4] »
SUD Education 93 et ses alliés supposés deviennent ainsi de dangereux activistes qui encouragent « la haine la plus caractérisée à l’égard de notre pays et de la démocratie », et font peser sur la douce France des menaces existentielles. Des adversaires ? Non, des ennemisà bien lire ceux qui souscrivent à ces formulations radicales bien faites pour susciter cette passion souvent mauvaise qu’est l’indignation. Nous ne leur ferons pas l’injure de croire qu’ils ne savent pas ce que les mots veulent dire.
Les signataires de cet Appel s’en prennent de façon toujours plus violente aux femmes, aux hommes et aux organisations diverses qui défendent un antiracisme politique. N’oublions pas les animateurs du « Printemps républicain. » « Hiver » serait plus adéquat pour qualifier cette petite mais influente cohorte conduite par un professeur de sciences politiques reconverti dans la vigilance tweetesque qui lui a permis d’accéder à une certaine notoriété dont il n’avait jamais jouie jusque-là. Ne négligeons pas la puissance de leur alliance objective et de leur proximité idéologique ; beaucoup d’entre eux ont micros et caméras ouverts dans les médias où ils se répandent à qui mieux-mieux tout en prétendant subir la censure des « bienpensants » et des « islamo-gauchistes. » Les uns et les autres ont déjà gagné de nombreuses batailles et rallié à leur cause des soutiens multiples, conséquents et quelquefois surprenants. En réponse à leurs attaques passées, réitérées et à venir, notre résistance doit être constante, déterminée, unitaire et conduite sur tous les fronts. En nous stigmatisant, ils veulent nous réduire au silence et à l’inaction. Contre ces nouveaux censeurs emportés par un prurit toujours plus autoritaire, il est urgent d’écrire, de parler et d’agir. Donc acte.
  1. Le Cour Grandmaison, universitaire. Dernier ouvrage paru : L’empire des hygiénistes. Vivre aux colonies, Fayard, 2014

[1]. A l’attention de celles et ceux qui penseraient qu’il s’agit d’une insupportable et impardonnable faute de frappe, je précise qu’il n’en est rien.
[2]. Le Monde, 20 mars 2018, p. 7.
[3]. I. Rioufol, « 2017, l’ultime année du sursaut espéré. », Le Figaro, 6 janvier 2017, p. 15. Après avoir écrit que « l’Occident évitera la débâcle s’il renoue avec l’autorité, la force » et « la guerre », critiqué la trahison de « Merkel », qui a ouvert « les portes [de l’Europe] à plus d’un million de musulmans », et « l’islamophilie d’Obama », qui a « accentué la vulnérabilité du monde libre », le même salue les positions courageuses de François Fillon, de Marine Le Pen et de Donald Trump. Charmante coalition ! De haute tenue, aussi.
[4]. A. O. Hirschman, Deux siècles de rhétorique réactionnaire, Paris, Fayard, 1991.


  • De Boabdil à Sidi Mejdoub

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    Autant je comprends la tristesse et la douleurs de ceux qui ressentent très sincèrement cette issue comme une agression contre leur patrimoine, autant je ne comprends pas pourquoi ont n'a rien fait pour sauvegarder ces lieux remplis d'histoire...
    Je connais cet endroit depuis l'année 1971...je connais la plupart des familles qui y possédaient une maison ou un cabanon, j'ai appris à connaitre le passé glorieux de ce lieux d'histoire et de patriotisme...j'ai été choqué lorsque l'ex wali Maabed avait pris la décision de procéder aux expropriations, puis je n'ai pas cherché à comprendre pourquoi de nombreux propriétaires ont accepté les offres d'expropriation...j'ai soutenu les groupe présidé par mon ami Mejdoub Kaid Omar...nous avons longuement discuté de ce qui était possible de faire pour sauver le site...puis j'ai vu les premières démolitions et j'ai eu le coeur serré...maintenant il faut se dire les choses frontalement, est- ce Kharrouba Plage était encore digne de représenter la fierté des Mostaganémois? Vu l'état de délabrement avancé, était il juste de laisser les choses se dégrader au point où plus personne ne reconnaissait l'endroit où il a grandi et appris à nager...Franchement la situation était devenue insoutenable...Faut il continuer à se lamenter? A mon humble avis, il serait plus constructif de se retrouver, de s'organiser solidairement et d’impulser une développement harmonieux qui garde le cachet ancien et qui préserve ce site magnifique...Il est plus que temps de s'impliquer afin que les aménagements soient à la fois harmonieux et modernes....un site qui serait une belle copie de celui de Sidi Boussaid en Tunisie, avec en plus une belle et spacieuse marina...des boutiques pour artisans, des maisons d’hôtes, des restaurants, des aires de détente...tout ceci sera possible, ensemble, nous pourrons faire de Sidi Mejdoub un havre de paix où les familles de Mostaganem, de Tobbana ou de Tigditt pourraient venir se prélasser sans se faire agresser par la laideur et par la désolation...Je ne suis pas toujours d'accord avec l'APC, mais je sais qu'elle se compose de personnes ouvertes au dialogue et à la concertation...je sais aussi que Mosta possède de bons, voire de très bons architectes qui auront à coeur de donner à leur ville un exutoire balnéaire digne du passé glorieux de ses habitants...Il faut aussi y inclure une promenade en la forme d'un belvédère qui partirait de Sidi Mejdoub jusqu'au site de l'ancien restaurant La Sirène...il serait possible de prolonger la route et les jusqu'au rocher dit des "Trois frères" et pourquoi ne pas prolonger la promenade jusqu'à la plage du Chéliff "Sonaghter"? 
    Pour cela, il faut se mobiliser dans la sagesse et le sérieux et travailler avec tous les responsables, tout en tenant la population informée de toutes les démarches...c'est ça le vrai développement! et surtout éviter les calamiteuses constructions de Salamandre et des Sablettes...Voilà un projet qui projetterait Mostaganem dans le futur et qui en fera très certainement une petite perle dans la méditerranée...Cessons nos lamentations et prenons le taureau par les cornes, il y a du travail pour tous...de grace mes amis, ne faisons pas comme Boabdil, ne pleurons plus sur les ruines...

    De la Saoura à Amarna, la résitance en marche

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    Dans une réponse à une petite incursion dans l'histoire de la vallée de la Saoura, à travers un texte sublime emprunté à Leilla Assas et publié dans Babzman, le réalisateur Larbi Lakehal, que j'avais incidemment cité dans mon post, m'a fait cette réponse bouleversante : 

    Merci cher ami Azziz, je peux dire aujourd'hui après mon passage et cette excellente expérience de Mostaganem, que j'ai gagné une grande amitié dans cette ville dont tu es, Azziz ma grande fierté...Merci pour tout ce que tu as fait pour la réussite de notre projet. 

    Larbi Lakehal

     

     Ce texte d'une grande densité ne pouvait pas me laisser insensible. J'ai laissé les choses se décanter toute la nuit du 30 et 3 mars 2018. Ce matin, je me suis dis qu'il fallait au moins répondre à cette générosité et le dire en quelques mots. Et puis, au fil des mots, je me suis laissé guider pour produire ce long texte. Comme d'habitude, ceux qui ont la chance de pouvoir écrire le savent très bien, l'appétit se nourris de lui meme. Alors je me suis retrouvé à remonter dans le temps...et parler de quelques instants de félicité que j'ai personnellement vécu dans ma chair au moment du tournage...un aide mémoire à verser à cette formidable épopée, sur les terres singulières des Amarna, à l'ombre bienfaitrice de Sidi Abdallah...Voici une autre page de ce fabuleux projet cinématographique autour de la résistance de la Zaouia Rahmaniya...à travers ses valeureux héros, Si Ahmed Bensalem, Lalla Fadh'ma N'soummer, Cheikh Boubaghla, Cheih Ahaddad, Cheikh Mokrani...et l'incontournable Emir Abdelkader, l'icone de la résistance et le fondateur de l'Etat National moderne...
     

     

    Mon Cher Lakehal Larbi, merci pour tes mots si gentils envers ma modeste personne...a tes cotés, j'ai appris la générosité, l’abnégation et surtout l'élégance...sur ce tournage très particulier, car traitant d'un sujet dont la portée symbolique est cardinale pour la connaissance de nos combats et de ceux de nos aieux, tu a fais preuve d'engagements feutré et de discernements incisifs...face à l'adversité des éléments et parfois, hélas, des hommes, tu as été la Timonier qui nous a évité les nombreux et si agressifs récifs, pour nous mener à bon port...avec à la clef, avec si peu de moyens et si peu de soutiens, des images et des séquences d'une enivrante beauté...de ce petit hameau des Amarna, tu as réussi la grande gageure de produire de quoi offrir aux publics cinéphile et aussi universitaire, culturel et journalistique, une œuvre d'une insoutenable beauté plastique...et Historique...

     

    Avec ton équipe technique chevronnée,compétente et très disponible,- je cite dans le désordre Zinou, Abdo, Rachid, Tahar, Zoubir, Farida, Nabila...et tous les autres-, tu as su soutirer le meilleur de chacun, pour aboutir à une oeuvre collective d'une troublante intensité...je me souviens aussi de la grande symbiose que tu as créée entre les acteurs et les figurants de Mosta et les habitants du hameau des Amarna et de Sidi Abdallah...je me souviens particulièrement de la première journée à Sidi Abdallah...avec les enfants de Salsabil - clin d'oeil à Hadj Braham Benkritly et à Abed Djamel Eddine Bensaber- lorsque tu as transformé ces freles enfants en véritables acteurs à part entière... je les ai vu frémissants, accepter dans l'allégresse, de troquer leurs tenues, en costumes d'époques...comment te dire mon émotion,comment justifier mes larmes, celles d'un orphelin qui se projette dans son passé et qui se remémore les moindres gestes de soutien...et cette rencontre avec ce groupe d'étudiants, qui une fois dans leurs tenues de soldats français, se mirent à douter...certains voulaient meme ne pas incarner ces militaires sanguinaires venus semer la haine, la mort et les enfumades...et qui se glissèrent sans broncher dans leurs rôles respectifs, acceptant de se partager des selfies, en costumes militaires...cette transformation radicale est le fruit de ton travail...certes, elle ne passera pas à l'écran, mais elle marquera les esprits, car elle a fait franchir à ces jeunes étudiants,une étape considérable, décisive et irréversible...vers la lumière...

     

    Ces hommes des Amarna, venus retrouver leur hameau abandonné et qui se glissèrent avec panache dans les rôles que tu leur avais concocté...à la tombée de la nuit...cette symbiose que tu a parfaitement accomplie, restera dans toutes les mémoires...voir ces centaines de figurants se replonger avec engouement dans le 19ème siècle, prendre individuellement conscience de participer à la réincarnation de faits historiques, n'est pas une mince affaire...que d'y avoir modestement participé, surtout à tes cotés et aux cotés de toute l'équipe de tournage, restera pour moi une belle consécration dans ma quête perpétuelle de réappropriation de notre Histoire chevaleresque...ça n'est pas rien dans la vie d'un militant...surtout que j'avais à mes cotés, ma propre fille Samira, qui a appris plein de belles choses et qui a été fortement impressionnée par le rythme de travail et la grande application osmotique de l'ensemble de l'équipage...Dont tu es le seul et véritable capitaine...Merci Monsieur Lakehal Larbi...le faiseur de miracles...

    Aziz Mouats, Mostaganem, le 31 mars 2018.

     
     

    Voici l'article de Leilla Assas:

    Si mon pays m'était conté...
    La vallée de la Saoura.

    C'est une région enclavée, que l’erg occidental serpente. Située au sud-ouest de l’Algérie, elle doit son nom à l’Oued Saoura formé par la confluence de Oued Zousfana et Oued Guir.
    Les gravures rupestres vielles de plus de 30.000 ans (Ghar diba, la « grotte de la louve ») nous renseignent sur la vie préhistorique, faite d’élevage et de cueillette.
    Plus tard, la vallée devint grâce à son emplacement géographique, un passage incontournable des caravanes et un carrefour important, rapprochant la méditerranée à Afrique de l’ouest. On raconte à ce sujet, que le Sultan Noir (Lakhel ) Abû al-Hasan `Alî le sultan mérinide de Sijilmassa y séjourna .
    La vallée de la Saoura est reconnaissable entre mille, grâce à ses caractéristiques géographiques, ses couleurs et sa diversité affirmée par la présence d’un sable ocre, qui contraste avec les paysages lunaires des régions du nord-ouest. Le chapelet des ksours de la vallée est quant à lui, le théâtre de célébrations mystiques.
    Mysticisme et spiritualité

    La vie des ksours s’articule autour d’un mysticisme cultivé depuis des ères lointaines. L’architecture des ksours est vielle de plus de 15 siècles, elle est l’emblème du génie de l’homme qui a réussit à dompter une terre aride et peu clémente. La construction, et l’aménagement des ksours illustrent et consolident la configuration sociale.
    Parmi les principaux ksours, on compte celui d’ El Bayadh (el fantasia), on y célèbre encore aujourd’hui la parade des chevaliers, symbole du passé chevaleresque de la région. Par ailleurs, le ksar fut marqué par le passage de Cheikh Bouamama.
    L’antique kenadssa, constitue le siège des Ziani, une confrérie fondée par Sidi Mohamed Ziane. La ville forteresse, compte certains édifices religieux tels que la mosquée De Sidi Ahmed Abderhamne, construite au XVII siècle. Aux alentours, Seule Béchar, une ville coloniale anciennement appelée Colomb-Béchar est de création récente .
    La fameuse Taghit, dite « l’enchanteresse » la perle du grand erg occidental, est quant à elle célèbre pour la fête du moussem, célébrée au mois d’octobre à l’occasion de la fin des travaux agraires.
    Enfin, Beni abbès, constitue l’épicentre de la région; c’est un véritable foyer de pèlerinage, qui chaque année rassemble des milliers de fidèles venus de toute part pour Evènement majeur de la vallée de Saoura.
    Toutes les zaouïas des ksours de la vallée se réunissent lors de la célébration du Mawlid (fête religieuse commémorant la naissance du prophète Mohamed); pendant laquelle les principaux pôles spirituels de la vallée de la Saoura ( Zaouia de Sidi M’hamed Ben Bouziane de Kenadsa, de Sidi Slimane Ben Bousmaha de Béni-Ounif, et celle de Sidi Ahmed Benmoussa Moulay de Kerzaz) convergent et célèbrent l’événement. Les bougies ornent les maisons et les chants liturgiques et prières résonnent jusqu’à l’aube .
    « Par la célébration du mawlid, la communauté redevient contemporaine du Prophète. Elle « assiste » à la naissance de celui auquel elle doit son existence en tant que communauté ».* Le fait religieux comme vecteur social marque la société, et jalonne la vie quotidienne des contrées du Sahara; lla vallée de la Saoura ne déroge pas à cette règle. Le rite de par sa double fonction : célébration et communion, assure la pérennité du tissus social .

    Leilla Assas pour Babzman
     

    Ghaza, l'autre épine indigène

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     La célébration de la journée du Retour à la Terre, organisée à l'initiative des habitants de Ghaza, s'est traduite par une répression féroce et sanglante de la part d'Israel...Devant la déformation des faits et le blocus que se sont imposés les médias français et ...algériens ( voir la page d'accueil de l'APS publiée par Adlène Meddi), ils ont été rares ceux ont pris sur eux de dénoncer et les crimes de l'armée israélienne et les silences complices des médias et autres officines...Journaliste freelance, installé à Paris, mon ami Ivan Mouton fut parmis les tout premiers à dénoncer ce traitement de l'information...sur sa page facebook, il a fait l'objet d'attaques iniques et odieuses de la part de sionistes et de leurs relais...Ayant repris et partagé sa publication sur mon mur, j'ai ouvert un débat sur le role des intellectuels algériens...un fâcheux contre temps a fait disparaitre - momentanément?- ce riche et parfois brulant échange...C'est à la fois pour pérenniser ce débat et pour le poursuivre que je le  reproduis ici sur mon blog... S'il est vrai qu'il concerne la Palestine, cet échange nous permet, à nous Algériens et par extension et respect à nos amis du Maroc et du Maghreb de continuer à dialoguer sur le devenir de nos pays respectifs et sur l'inéluctable unité maghrébine...qui ne se fera que si un minimum démocratique s'instaurait dans la région...La Palestine, reste pour nous une terre de spoliation et d’en murement qui doit nous interpeller à tous les instants, nonobstant nos nombreuses et parfois utiles, voire futiles, divergences indigènes...



    | Le blocus de la bande de Gaza, imposé illégalement par Israël depuis 10 ans, prive 2 millions de personnes à un accès digne à l’eau potable, à l’électricité, à la nourriture, aux services de santé et à la scolarité entraînant également un chômage de masse. Ils sont 2 millions à tenter de survivre sur un territoire de 40 kilomètres de long sur 12 de large ! C’est pour prévenir une catastrophe humanitaire imminente (aux alentours de 2020 selon l’ONU) que des manifestants se sont rassemblés à la frontière de l’enclave. Réponse d’Israël, des pelotons d’exécution composés de tireurs d’élite. 16 mort. Le droit à vivre dignement est refusé par un état qui viole les conversations et accords internationaux. Et on me demande pourquoi je me focalise sur cette cause... Ivan Mouton  Publication du 31 mars 2018 


    Ainsi faisant, cher Ivan, tu participes à lever le blocus, non seulement de Ghaza, mais de l'ensemble du microcosme médiatique français...c'est d'abord à Ton Honneur...et c'est aussi à l'Honneur des hommes libres de France et d'ailleurs...la réaction des excités du bocal est naturelle...celle des intellectuels français qui gardent honteusement le silence sur des crimes d'Etat, l'est beaucoup moins...'Histoire sera implacable...une cause juste ne meurt jamais...parce que, il se trouvera toujours quelqu'un comme toi, pour la défendre dans l'adversité...



    Zahia Zahou Benabid C'est bien plus de dix ans. Avant que le blocus ne soit officiellement instauré, il eut des coupures systématiques et volontaires par Israel en eau, en électricité dans les écoles et à l'Université et même des coupures de routes pour empêcher les Ghazaouits de se soigner et aux enfants de se rendre à l'école

    Zahia Zahou Benabid Qui sont ces intellectuels français? Finkielkraut, Kouchner, Ferry et 97 autres abonnés au Crif ?

    Aziz Mouats on peut ajouter sans rougir, Sansal, Bachi et Kamel Daoud...et d'autres moins visibles...et tout aussi indigènes

    Zahia Zahou Benabid Les sous-officiers de la troupe

    Ahmed Hammoumi ET que dire de l'auteur de "L'attentat" où une palestinienne tue des enfants israéliens DANS SON Roman. Une mort fictive qui est mise en balance avec des atrocités quotidiennes et des assassinats d'enfants bien vrais et cruellement réels

    Ahmed Hammoumi Après avoir commis "ce que le jour Indépendance doit à la nuit coloniale.

    Aziz Mouats je n'ai pas aimé l'Attentat pour son aspect larbiniste...mais j’hésite à mettre Yasmina Khadra dans la meme short list...nous avions eu des échanges houleux à propos de son séjour au Bahrein...Moulesshoul se cherche une place au soleil...je ne le cois pas encore capable de félonie vis à vis de son pays....mais je lui fais par ailleurs bcp de reproches...mais PAS celui de rouler pour la fachosphère néocoloniale....ce que le jour doit a la nuit, le roman plagié et surtout le film Arcadié...je les ai trouvé insipides...d'autant que j'ai les meilleures relations du monde avec Youcef Driss, l'auteur des Amants de Padovani...

    Dounia Djafer Et bla bla bla......

    Sinan Zwina vous avez raison. des e-militants qui ne savent pas quoi faire de leur temps libre. du blabla...

    Saci Belgat un drame sans commune mesure de l'histoire de l'humanité - oui je suis "terroriste" palestinien oui je suis ce jeune qui avec une pierre part à la reconquête du territoire de ses parents - que peut bien faire un juif polonais, russe ou français sur ce territoire - faut -il remonter dans ce cas à l'homme africain et logiquement le globe est à nous et à nous seul africain puisque incontestablement nous avons donnés vie sur la terre bleue.

    Saci Belgat merci Aziz pour ce relaie des fellagas

    Sam Samou Samétant petite j ai toujours entendu dire de ma grand mère il n y a pas grand lâche "jayah" comme le juif en grandissant je les voyait tuer .opprimér un peuple entier .je me demandais comment ce juif lâche qui ne s intéresse qu'à l argent pouvait il faire tout ça dubpeuple palestinien ...avec le temps j ai compris que le mutisme la complicité des arabes des chefs d état arabes des pseudos intellectuelles arabes et musulmans à fait la force des israéliens ...
    honte à nous complices par mutisme

    Aziz MouatsSam Samou Sam il n'est pas juste de confondre entre un juif et un sioniste...tous les juifs ne sont pas sionistes et je compte un grand nombre d'amis juifs antisionistes...je suis tres fier de leur amitié...

    Sam Samou Sam Je ne confonds pas du tout seulement à cette époque on parlait pas de sionistes plutôt de juifs mais je sais pertinemment que les juifs ne sont pas tous sionistes .
    Je parlais plus du mutisme des Arabes qui a donné lys de pouvoir aux criminels

    Sinan Zwina vous evoquez le silence des intellectuels français. Mais avant les intellectuels français parlez d'abord des intellectuels arabes qui sont sur facebook. kamal daoud et les autres tordus. Au lieu de voir le mal en vous vous vous tournez toujours vers la France qui vous ignore. putain j'ai vu des intello hier partager des blagues pendant que les palestiniens tombaient comme des mouches. arretez votre hypocrisie et reconnaissez que vous n’êtes plus rien dans ce monde. que des consommateurs abrutis

    Saci Belgat honte à l'intelligentsia arabe , algérienne oui honte à des intellectuels sans mémoire - pour moi ils représentent le passé colonial et non rien à voir avec la bravoure des rebelles algériens

    Sam Samou Samétant petite j ai toujours entendu dire de ma grand mère il n y a pas grand lâche "jayah" comme le juif en grandissant je les voyait tuer .opprimér un peuple entier .je me demandais comment ce juif lâche qui ne s intéresse qu'à l argent pouvait il faire tout ça dubpeuple palestinien ...avec le temps j ai compris que le mutisme la complicité des arabes des chefs d état arabes des pseudos intellectuelles arabes et musulmans à fait la force des israéliens ...
    honte à nous complices par mutisme

    Le moment venu ces assassins ne trouveront même pas d’arbres pour se cacher...


    Saci Belgat Sifaoui un transfuge du DRS reconverti en supplétif de la pire espèce islamophobe confondant islam religion d'un milliard d'humains et des terroristes crées par les services de ses employeurs - il me fait pitié de le voir trémousser sur les plateaux - il se trouve que des organisations de la gauche algérienne l'invitent à animer des débats sur l'islamisme- alors que ses connaissances sur le sujet sont primaires et d'une médiocrité intellectuelle à faire vomir les érudits de la question et nous en avons en algérie de sérieux débatteurs de la question

    Nadhir Birtouta Les néo harkis pseudo intellos

    Patricia Houiche Sinan Zwuina ...! Et si les pays et dirigeants arabes ne peuvent plus rien faire, c'est bien parce que les occidentaux aidés des yankees ont détruits tout sur leurs passages et sous leurs bombes, trop facile après celà de venir déclarer "et vous les arabes" et patati et patata, quand aux vrais arabes d'Arabie ce sont toutes des tantouses vendues aux plus offrants, rien à voir avec ces hommelettes...!!! Nous sommes seul, sans véritable dirigeant, que nos tripes pour nous exprimer contre cette vermine sionistes...!

    Sinan Zwina je ne parlais pas des dirigents mais des intellectuels - enfin s il y en a-. Avant de critiquer les intellectuels francais, il faut voir ou sont les intellectuels algériens ? Sur facebook entre un hypocrite soutien par un like a la Palestine, et deux Like pour la journaliste alcoolique en décolleté et pantalon moulant. Voila la realité.
    marre de voir la France critiquée alors que tout le monde veut s'y etablir.

    Sinan Zwina et puis je rappelle que l'aide de la France et de l europe en général à la palestine est beaucoup plus importante que celle des pays arabes. Alors bouclez là bande d'ignards

    Zahia Zahou Benabid Qui êtes vous Sinan Zwina ??? avant de vous mêler de ce qui ne vous regarde point, avant de déguainer sans déliberer sur un terrain que vous ignorez, mais que vous vous permettez de juger . J'ai parcouru la liste du partage, vous n'y êtes même pas. Vous êtes marocaine, occupez vous de ce qui vous regarde

    Nachida Baba Aïssa Bonjour Aziz dites moi le débat n'est pas très serein par ici... je n'arrive pas à comprendre comment on peut prétendre échanger en s'écharpant et en s'envoyant des méchancetés à la figure! Bonne journée!

    Nachida Baba Aïssa Je suis toujours étonnée de voir la violence des propos des personnes qui n'affichent pas leur vrai nom mais un pseudo!

    Aziz MouatsSinan Zwina Tout le monde ne rêve pas de s'y établir, combien même la France reste un tres beau pays, avec bcp de banlieues...pour les Algériens, le lien à la France n'est pas du tout une sinécure....il est construit sur des massacres et des décombres...personne ne nous a fait de cadeaux...sauf empoisonnés!...c'est la France qui est venue nous chercher...alors si nous y sommes, c'est aussi à cause de l'histoire...nos aieux ont construit ce pays...qui s'est servis d'eux comme maçons et comme chair à canon...c'est loin d'etre aussi bancal que le laisse entendre votre désinvolte post...Les Algériens sont chez eux en France et en Provence...ne vous en déplaise...Ceci étant, c'est l'Algérie qui paye les salaires de l'ensemble de l'administration palestinienne....sans broncher....et sans rechigner...Sinon, vous êtes la bienvenue...chez Nous, ici et là bas...c'est ainsi, l'histoire s'assume elle ne s'ajuste pas à postériori...

    Zahia Zahou BenabidNachida Baba Aïssa Il n'y a pas de violence madame, c'est juste une réponse, ne nous cherchons pas les poux sur la tête

    Aziz Mouats Bonjour Nachida Baba Aïssa ...vous savez très bien les défauts des qualités de facebook...le débat reste libre, pour peu que chacun respecte les régles minima de bienséances et de courtoisies...j'ai appris avec le temps que ceux qui nous dénigrent sous anonymat sont souvent nos meilleurs alliés, car il cristallisent notre force et réveillent nos convictions quant à la justesse de notre cause et de notre patrimoine....ce que les égyptiens nous reprochent le plus, c'est notre maitrise impériale de la langue de Voltaire... et surtout notre attitude hautaine à l'égard de l'ancienne puissance coloniale...

    Aziz Mouats Meme un garçon comme Benzema, qui n'a rien d'un foudre de geurre en matière de patriotisme, il ne s'est jamais empêché de mettre en évidence ses racines Algériennes...car ce sont des Valeurs sures...

    Zahia Zahou Benabid Aziz, si tvous trouvez que mon commentaire est violent je le retire, vous me connaissez depuis longtemps pour comprendre que je ne me laisse pas marcher sur les pieds ni n'agit par hypocrisie afin que d'autres se fassent une bonne idée de moi.

    Aziz Mouats SUREMENT PAS Zahia Zahou Benabid ...je me délecte de vos contributions...TOUTES Vos contributions...


    Aziz Mouats C'est moi chère Zahia


    Naïma Smili Hamad ohhhhh!!!!!!!!il y a de quoi fuir sans placer un mot !!!

    Aziz Mouats Bonjour Naïma...ce ne sont pas ces joutes intermaghrébines qui vont te décontenancer...tu y occupe une place cardinale...

    Nachida Baba Aïssa Oui mais Aziz a raison c'est à lui de décider qui peut intervenir sur son mur et d'apprécier, sauf que ça ne donne pas envie d'intervenir dans le débat alors que Aziz Mouats lance souvent des discussions intéressantes et quand on me dit qu'il n'y a pas de violence et qu'il ne faut pas chercher de poux dans la tête...

    Naïma Smili Hamad Bonjour Aziz !!!tu es le phénix des hôtes de ce bois ,, comme d'habitude !!!,,,décontenancée , non ,,un peu agacée car effectivement tu proposes des débats intéressants qui nécessitent une sorte de de retenue dans l'expression !

    Zahia Zahou Benabid Nous parlons de la Palestine, je ne comprends pas pourquoi l'Algérie en a été mêlée ? Nous avons donné des avis sur le silence des intellectuels français, et là au lieu de réorienter le débat et revenir au sujet initial on tente de manipuler. Tout ça est malsain et je m'arrête là

    Aziz Mouats Violences verbales seulement Nachida Baba Aïssa...nous sommes tous en apprentissage perpétuel...moi aussi il m'est arrivé de me faire descendre...gratuitement...mais j'encaisse...car c'est ça ou rien...bien sur qu'il faut fixer des lignes ROUGES...et j...Voir plus

    Aziz MouatsNaïma Smili Hamad c'est aussi dans ce bois que nous nous sommes connus!

    Nachida Baba Aïssa Pourquoi vous sentez vous visée Zahia vous n'êtes pas du tout en cause relisez certaines interventions elles sont pour moi violentes diffamatoires et ne servent pas du tout la cause du sujet débattu ici les palestiniens! Le problème et je le dis en toute quiétude c'est que malheureusement certains algériens (nes) mélangent tout lorsqu'ils débattent d'un sujet sensible comme celui de la Palestine ou politique... il y a encore beaucoup de choses à régler dans la psyché de notre pays...

    Zahia Zahou Benabid Pour vous Aziz ce document pour revenir à la Palestine et sa souffrance


    Aziz Mouats Chère Naïma Smili Hamad...lorsque tu daigneras revoir ces lieux, je te montrerais des spécimens de Thuya...qui feront flamber la bourse des visiteurs de Hobous...promis juré...meme Samira ne les a jamais vu...pourtant, nous passons souvent pas très loin...et tu pourras déguster le plus délicieux miel de la rive sud...tu vois j'ai zappé l'Atlantique...

    Aziz Mouats Assurément Nachida...c'est aussi en raison des manipulations du sionisme international que certains algériens se laissent entrainer dans un débat avilissant...et pas du tout stérile...puisque porteur de germes sécessionnistes.....

    Aziz Mouats Coucou Naïma, Nachida, Zahia..ma publication est accessible à à Mosta...d'où je vous salue copieusement...


    Nachida Baba Aïssa à Aziz Mouats

    Aziz votre publication à disparu l'avez vous supprimée?
    Naïma Smili Hamadje pense que oui !!! c'est préférable , sur le mur de Aziz il ne devrait y avoir que des échanges de qualité , par considération pour l'homme courtois et correct qu'il est !!
     
    Aziz MouatsNON je n'ai rien supprimé...
     
    Nachida Baba AïssaNon Aziz Mouats ton com n'est pas accessible, il n'est plus sur ton mur, en tous cas je n'y ai pas accès!
     
    Aziz MouatsJ'y retourne, ça m'intrigue doublement
    Mina OudaiBen oui ,constaté cela ,,,F book est un Fbiya3 pro sioniste
     
    Nachida Baba AïssaBizarre bizarre...
     
    Aziz Mouatscertains com ont été retirés...je suis en train de remonter tout ça...

    Aziz Mouatsmais il faut se le dire, facebook France est parfaitement organisé....Chapeaux bas les mecs...
    Nachida Baba AïssaAlors tu n'as pas retrouvé ta publication non plus? Mais as tu reçu un message de Facebook te le signalant?
    Aziz MouatsNON ...Nachida Baba Aïssa, la publication est encore visible, seuls quelques commentaires ont disparus...FB ne m'a rien notifié...
    Nachida Baba AïssaC'est encore plus bizarre alors!!!
     
    Nachida Baba AïssaDonc quelqu'un m'a supprimé l'accès à cette discussion, car je vois encore tes autres publications sur FB mais pas celle-là mais ce n'est pas bien grave...


    Nos Femmes dans la guerre

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    Très surprenant article de notre ami, l'ancien sénateur, le patriote incontesté et incontestable, l'enfant du Sersou, M. Djamel Eddine Belhadj...Parlant du livre "La Maquisarde" de Nora Hamdi, il dit sa déception de lire à la page 133 que
    " Sans les femmes, la guerre d'Algérie n'aurait pas été gagnée "
    ....Ceci lui a valu une série de réactions de réprobations que je reproduis pour la plupart d'entre elles, car elles constituent un  panel de témoignages aussi poignants que précieux. Je ne suis pas certains que ça n'était pas le but recherché par Ssi Djamel...puisqu'il a décidé de poursuivre la lecture de l'ouvrage...et nul doute qu'il engloutira le second tome qui serait en préparation...
     

    Belhadj Djamel Eddine‎ à Forum des Libertés.

    LA MAQUISARDE de Nora HAMDI, édition Sédia, 2015, 141 p.
    Je viens de finir la lecture de cet opuscule, mais je ne suis pas allé jusqu'à la page 141, je me suis arrêté à la 133, ligne 12. La raison ? Cette phrase " Sans les femmes, la guerre d'Algérie n'aurait pas été gagnée ". Je lis un peu de tout et surtout les auteurs algériens, mais là à lire n'importe quoi, je considère ça de la perte de temps.






    Kitouni Hosni :

    Si vous vous êtes arrêté de lire, Mr Belhadj Djamel Eddine c'est parce que sans doute votre conscience ne vous permet pas d'envisager un fait qui dépasse votre entendement. En tous les cas, pour la wilaya que je connais, la II ( Nord Constantinois) Oui si les femmes n'avaient pas été là, la révolution aurait échoué: L'intendance, l'infirmerie, le secrétariat ce sont les femmes qui s'en occupaient. Outre cela, leur présence même était un encouragement incroyable aux combattants. Elle assurait parfaitement l'arrière garde vigilante d'un combat qui avait la particularité d'être une guerre non conventionnelle. Ne nous arrêtons pas aux préjugés. Oui Mr Belhadj Djamel Eddine pour ce que je connais, je puis affirmer que les femmes algériennes ont été la moitié du ciel.




    Rachid Badache:

     Les femmes ont eu leurs rôles dans la révolution aux côtés de l'homme , elles ont été de toutes les besognes , l'alimentation des djounouds , le transport d'armes , de messages , de bombes , certaines ont même prit les armes et combattu , certainement que leur participation a été déterminante mais sans les hommes il n'y aurait même pas de guère . La femme n'a pas démérité ,moi je dirais qu'elle était l'égale de l'homme dans le combat avec peut-être un peu plus d'applications allah yerhem echahidates wechouhadas

    Madjid Tigziri 

    Dans notre région à Ain El Hammam(Michelet) un grand nombre d'habitants ont pris le maquis au déclenchement de la révolution.Ceux qui sont restés se faisaient torturer à chaque descente des militaires Français dans le but d'indiquer où se cachaient leur frère.Peu à peu, ces derniers rejoignent aussi le maquis et le peu qui restait soit ils ont fui le village ou ils ont émigré en France.Après l'opération jumelles, je peux témoigner qu'il ne restait plus que les femmes en Kabylie et quelques rares vieux ou handicapés.Je me rappelle bien que les derniers Moudjahidine qui sont tombés au champs d'honneur ont été enterrés par les femmes



    Belkacem Oumedjkane  

    Je confirme tes dires mon cher frère. Des femmes ont procédé aux enterrements des djounouds pour ne pas les laisser à la merci des chacals.

    Nasreddine Baghdadi 

    La femme algérienne la maquisarde battue, brûlée, aveuglée, rompue, la plupart des moudjahidates fidayiette n'ont pas parlé; elles ont brisé le cercle du Mal et réaffirmé l'humain, pour elles, pour nous, pour l'Algérie tout entière gloire à nos martyres allah yarham chouhada...

    Taki Salim 

    On vous a descendu en flammes Mr Belhadj Djamel Eddine vous n' auriez pas du minimiser ni le rôle ni le nombre de la femme durant la révolution car elle même est féminin .


    Aziz Mouats 

    Étonnant est votre étonnement Ssi Djamel Belhadj Djamel Eddine...Totalement d'accord avec le post de Kitouni Hosni...je trouve votre com tres surprenant même! Ayant été témoin de l'insurrection du 20 aout 1955...ma famille ayant participé activement à sa préparation et à son exécution pour ce qui est de la ville de Philippeville (Skikda)...je témigne que lorsque les deux colonnes se sont ébranlées vers la ville à partir de Sidi Ahmed, ce sont toutes les femmes de notre douar qui les ont accompagnés de leurs hululements stridents et soutenus...et ce durant toute la procession qui a duré au bas mot une heure...lorsque le 23 aout, notre mechta a été détruite et nos hommes enlevés, ce sont les femmes qui ont continué à assurer l’approvisionnement du maquis de la région durant toute la guerre d'indépendance...C'est ma mère, sœur du fellaga Lyazid Mouats qui était responsable du Markaz qui se trouvait au niveau de la ferme de Roger Balestrieri, sur les hauteurs du Béni Mélek...je me souviens également que lorsque les Moudjahidines venaient à la ferme, ce sont Toutes les femmes et les jeunes filles qui préparaient de la galette pour toute la troupe...durant une grande partie de la nuit... 

    Je cite à la barre Bendif Allaoua...dont la maman faisait partie du groupe...enfin, je signale qu'aucune femme de notre famille n'a été autorisée à déposer un dossier de Moussabila...parce que, un responsable originaire de Azzaba, le sieur Rezagui en avait décidé ainsi...il est vrai que dans l'affaire, les Mouats et alliés ont en payé le plus lourd tribut...




    La fin du gachis?

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    Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
    Portrait du président d’un pays en ruine



    Par Boubakeur Hamidechi
    hamidechiboubakeur@yahoo.fr
    On le décrivait, à l’époque du coup d’Etat de 1965, comme un dandy plein de fatuité qui plastronnait dans un conseil de la révolution austère.
    L’on disait même de lui qu’il était dénué du socle idéologique susceptible de le classer comme le ferait un marqueur des itinéraires personnels. Porté par la vague de la notoriété que connut l’Algérie dans ces années-là, il devint un VIP indispensable qui rassurait les chancelleries des capitales occidentales. Une sorte d’icône et de gage de fréquentabilité de ces «tiers- Etats» nouvellement décolonisés. Sa notoriété internationale qui lui a valu une longévité exceptionnelle dans le poste de chef de la diplomatie allait, plus tard, lui servir pour s’imposer comme la dernière alternative du système. Alors que la séquence de la décennie 90 n’en finissait pas de dévorer les hommes qui s’y sont succédé à la tête de l’Etat, l’armée se rallia à l’évidence qu’il pourrait bien sortir le pays de l’ornière. De l’origine de son ascension nous nous limiterons à ces brèves annotations qui attestent, sans l’ombre d’un doute, que sa cooptation en 1999 était essentiellement l’œuvre de la caserne. En effet, dans les laboratoires de profilage des hommes utiles à la perpétuation du régime, il présentait les atouts qu’il fallait à la succession impromptue de Zeroual. Civil, de connivence ancienne avec la hiérarchie kaki, n’avait-il pas de surcroît la réputation d’être inclassable doctrinalement et par conséquent de posséder l’entregent politique nécessaire au déverrouillage de la terrible situation que connaissait l’Algérie. Crédité du capital de rassembleur ne l’a-t-on pas, en effet, présenté comme une personnalité au-dessus de la mêlée et un affranchi vacciné des apriori qui avaient fait du pays un champ d’affrontements mortels. Ni démocrate de vieille extraction ni islamiste sectaire et de récente conversion, on lui attribuait la capacité de ramener la paix. Durant ses deux premiers mandats, la propagande officielle n’a eu de cesse, justement, d’encenser les retombées de sa politique «réconciliatrice » et «amnistiante» tout en s’interdisant le devoir d’inventaire, si nécessaire à la morale de l’Etat. Sur le volet d’une paix douteuse tout comme sur celui de la relance économique, ses quatorze années de présidence ne sont-elles pas d’ores et déjà qualifiées par la plupart des observateurs comme une suite d’échecs, voire de gâchis sans pareil. Même la plus conciliante des publications étrangères souligne désormais ce désastre typiquement algérien. Et c’est ainsi que dans sa dernière livraison Jeune Afrique consacre un dossier dont le titre est tout à fait parlant : «L’Algérie, un géant qui a peur de son ombre.» Ramenée à notre président, cette «peur de l’ombre» pourrait illustrer son silence gêné dont il ne sait plus comment s’en expliquer publiquement. Car au mépris des exigences de sa charge, Bouteflika semble étalonner le temps politique sur une grille qui déroute même les prétoriens qui le soutiennent. L’on est dorénavant bien loin de la fiction à l’origine de son ascension. Celle d’un président éminemment consensuel dans tous ses arbitrages. En somme un dirigeant attentif aux pulsations de la société et réactif en toutes circonstances. Or le voilà aujourd’hui inidentifiable jusqu’à l’incohérence. Dire de lui qu’il est en train de dilapider les dernières actions de son capital-confiance au sein de la société est tout juste un euphémisme. En clair, un chef de l’Etat introuvable comme l’est d’ailleurs globalement sa gouvernance, peut-il encore avoir des projets pour un pays en voie de déshérence ? Car dès l’instant où un pouvoir est plombé par la multiplication des turpitudes en son sein, il devient de fait illégitime. C’est par conséquent maintenant que ce pays vacillant dans ses institutions et ruiné par la gabegie de sa classe dirigeante doit chercher son salut dans le changement afin de ne pas désespérer un peu plus une société appauvrie économiquement, clochardisée culturellement et surtout méfiante à l’encontre de la politique. L’urgence serait d’imposer par tous les moyens une alternance à la direction de la nation avec en perspective la naissance d’une nouvelle république. 2014 est précisément l’année-clé pour rompre avec des mœurs politiques ravageuses. Car, à moins de renoncer à ce songe ancestral qui avait permis à cette presqu’île poétique (El Djazaïr) de devenir la nation algérienne, il est venu le temps de solder un Etat avorté. C’est le devoir d’inventaire, dont seuls les sujets peuvent l’exercer, qui est à l’ordre du jour ; et à partir duquel doit s’organiser une résistance au fait accompli qui se dessine un peu plus chaque jour.
    B. H.

    Une agriculture pragmatique, est-ce trop demander?

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    Dans une élégante contribution, en marge des scandaleuses assises sur l'agriculture à l'initiative du gouvernement, nous notons les propos très mesurés et très rassembleurs (voir en infra le texte de Sid Ahmed Ferroukhi à l'université de Tlemcen) de Ferroukhi Sid Ahmed ... ex ministre de l'agriculture, actuellement député d'Alger...et c'est loin d’être négligeable comme approche pragmatique...Un économiste qui devient pragmatique c'est tellement rare qu'il est jouissif de le souligner. Cependant, et de nombreux intervenants l'ont souligné, il reste qu'en dépit de toutes les contraintes, il existe une petite lame de fond qui fait que le pays arrive à maintenir une réelle croissance dans la filière. On le doit à la conjonction de deux facteurs: celui de la vigueur du marché, la consommation des ménages reste forte et la demande se maintient malgré la dérive du dinar...et celui de la réelle capacité des acteurs - petits fellah et exploitants de plus grande envergure- à s'approprier des techniques et des intrants de l'agriculture productiviste des pays avancés...Bien entendu, il apparait clairement que cela se fait en l'absence quasi morbide de la formation et de la recherche agronomique...tout récemment, grâce au groupe Syngenta, nous avons pu voir des étudiants de l'Ecole Nationale Supérieure Agronomique -ex INA d'El Harrach, en villégiature chez des fellah de la région de Mascara, exalter la qualité du couscous offert généreusement par leurs hôtes...aucun commentaire sur les cultures, les techniques, les rendements, les fléaux, les intrants, les marchés, les surplus, la main d'oeuvre, la mécanisation, la viticulture, l’œnologie, l'oléiculture, la greffe pastèque sur courgettes...l'élevage des vaches américaines à Brézina...dont plus personne ne parle...curieux tout de même! Merci Monsieur le ministre au sourire ravageur...il faut garder espoir....le barrage du Fergoug est envasé à 99,99%...et les agrumes de Mohammadia se laissent distancer par d'autres régions...enfin la zone des Bordjia qui continue d'engloutir des millions de tonnes de tuf...pour la sortir de l'eau...du moment que le couscous était bon...comme si on pouvait encore douter des potentialités culinaires et patriotiques des gens de Mascara...dont les plus téméraires ont migré vers le sud est sans crier gare...


    Aziz Mouats Mostaganem le 03/05/2018





    Contribution de  Ferroukhi Sid Ahmed


    LES AVENIRS ... DE L’AGRICULTURE EN ALGÉRIE ?
    Penser et débattre de l’avenir de l’agriculture et de la transformation des produits agricoles en Algérie ? Est la question centrale posée par le séminaire National organisé à l’initiative du département des Science agronomiques de la faculté des sciences de la nature et sciences de la terre de l’Université de Tlemcen.
    Plusieurs approches sont alors possibles pour répondre à cette question :
    - Penser ce futur à partir du passé présupposant une linéarité et une projection à l’identique de l’existant …
    - Penser ce futur en intramuros, en excluant le monde, ses influences, ses évolutions ….
    - Penser ce futur englué dans nos difficultés techniques, nos retards de performances dans certaines filières sans remise en cause de nos modèles de production et d'accompagnement …
    - Penser ce futur en se préoccupant des raréfactions des ressources naturelles : le foncier, l’eau, les patrimoines génétiques… mais en oubliant le devenir socio-économique des anciens,nouveaux et futurs : agriculteurs, éleveurs, pêcheurs, des petits et grands d’entre eux. Ils sont les principaux acteurs de la sécurité alimentaire durable …
    - Penser ce futur autour d’une démarche administrative donnant peu de place aux acteurs, à leur intelligence naturelle , à leur liberté d’agir, d’innover et les condamnant à un rôle de figurant passif de leur propre avenir …
    - Penser ce futur dans une démarche classique, valorisant jusqu’à l'épuisement des ressources conventionnelles oubliant leur « alter ego » non conventionnelle dans les domaines de l’eau, de l’énergie, de la terre …etc.
    - Penser ce futur dans une approche techniciste, fragmentaire reproduisant des modèles de croissance, d’intensification agricole, de consommation alimentaire, de développement des produits ultra transformés…
    - Penser que les impacts des changements climatiques sur l’Afrique du nord ne demanderont qu'une simple adaptation des enseignements , des savoirs agronomiques et des pratiques agricoles ...
    - Penser ce futur sans ses nouveaux outils et matériaux : l'intelligence artificielle, la révolution digitale , les objets connectés, la robotisation et l'automatisation ...
    - Penser ce futur en pensant que l'on peut tout acheter : modernité , innovations, technologies et savoir faire et savoir être ...
    S’inscrire et faire le choix d’une prospective de la sécurité alimentaire durable en Algérie impose de s’éloigner de ces orientations sus décrites et des avenirs non souhaitables quelles engendrent.
    Il faut privilégier plutôt des démarches innovantes, ouvertes, centrées et impliquant les acteurs, anciens et jeunes , valorisant les nouvelles ressources non conventionnelles, permettant l'appropriation des innovations , appuyant la création de nouveaux savoirs agronomiques, mobilisant les intelligences naturelles et artificielles , revisitant les modèles de croissance en préservant les diversités naturelles, humaines, et les finalités de santé humaine et des écosystèmes …
    « Il faut protéger le futur, du passé … » Laurent Haug , expert , Management Innovation
    (par Sid Ahmed FERROUKHI, mai 2018)

    Ma lettre à Walid Oudaï

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    Lorsque je suis venu sur vos terres, dans le Dahra Oriental, pays des Ménaceur, je ne savais rien de toi. Par contre je connaissais parfaitement tes aïeux. Avec ta soeur ainée Mina, ton papa Mohamed et tes nombreux cousins, j’ai découvert ces lieux de mémoire et d’histoire. J’ai ainsi appris, grâce à la bienveillance de Kamel Bouchama - moi je lui préfère Bouchmaa- que sur vos terres de Y’oudaiène, était né un certain Macrin, qui fut Empereur de Rome...là haut sur la montagne, à quelques encablures de Cherchell, c’est ton papa et son cousin Mohamed qui m’ont guidé vers les tombes de ton grand père Larbi Oudai...et de celle de Belkacem Allioui, un pur citadin de Césarée...tombé au combat alors qu’il était aux cotés de ta grand-mère, la célèbre moudjahida Zoulikha Oudai...dans le maquis de Y’oudaiène...c’est pourquoi, lui, l’enfant de la ville, a été enterré sur la montagne...celle qui fait ostensiblement face au pic Menaceur...ensuite, nous sommes allés sur les traces de Zoulikha...sur la berge droite de l’oued Aïzer…là où elle fut exposée, le 10 octobre 1957, aux habitants des douars environnants, dont bien entendu, un grand nombre sont tes cousins…Puis, avec Mohamed Younès et ton papa, nous sommes allés à la rencontre des Oulhandi…cette famille combattante qui a donné 4 martyrs et de nombreux moudjahidines…c’est ici, dans cet amas de maisons que ta grand-mère Zoulikha venait se mettre à l’abri…et prenait ses instructions auprès de Hmimed Ghebalou…le véritable organisateur des maquis de la région. Le voisin discret et affable de tes grands parents à la maison familiale de Aïn Q’siba…Combien de fois, lors des multiples séjours dans la région, n’ai-je pas souhaité te croiser…mais ton travail à Alger était devenu un obstacle à notre rencontre. Car entretemps, les liens très profonds se sont tissés avec ta famille proche et aussi tes autres cousins et autres amis de la famille. Si bien que la plupart des familles patriotiques de Cherchell et des Béni Ménaceur me sont devenues si familières…si chaleureuses…pendant longtemps, alors que j’arpentais les chemins ardus et les ruelles étroites, n’ai-je pas espéré tomber nez à nez avec toi. Au point où j’en faisais une obsession…
     
    Tout récemment, j’ai eu l’insigne honneur de faire la connaissance de Said Chemmi, l’époux éploré de ta tante Khadidja…son sourie affable, son regard d’une douceur caline et son verbe juste et bon, m’ont fait croire un instant que j’arrivais enfin vers toi…j’en avais l’intime conviction…puis je me suis résolu à ne rien faire pour hater cette rencontre. Je me disais qu’elle était inéluctable…car entre temps, le texte que je m’échinais à rassembler prenait de la consistance…Said Chemmi m’ayant apporté une contribution magistrale à travers son lucide et très précieux témoignage, il ne faisait plus de doute que toi Walid, tu allais m’aider à conclure cette aventure livresque…avec ton sourie…en fait, comme tu es le seul garçon de la fratrie, je voulais juste t’entendre…et peut etre trouver en toi un trait de caractère, une attitude, une gestuelle, un sourire…que tu auras hérité de ton grand père et de ton oncle Lahbib…ce n’était pas qu’une simple coquetterie d’écrivain…non, c’est une quete ancrée en moi depuis que je me suis appliqué à faire un détour par l’épigénétique…oui je sais, ça parait prétentieux, voire déplacé…mais j’avais cette profonde conviction que ce qui fut le trait de caractère de tes grands parents, il était anomal que tu n’en soit pas un réceptacle. Il aura fallu cette terrible journée du 25 décembre, à ton enterrement, pour que je sois définitivement fixé sur toi…sur ton héritage génétique…sur ton lignage directe avec les Oudaiène…ce trait de caractère, c’est ton immense générosité…c’est incontestablement le caractère qui personnifie le plus ton grand père Larbi…et comment en suis-je arrivé à cette conclusion ? Tout simplement en regardant l’immense foule venue à tes obsèques…il y avait cette jeunesse, dont la plupart de sa composante était à l’orée de l’adolescence. Bien sur qu’on va aux funérailles par convenance, entre gens de la meme famille, de la meme corporation, de la même tranche d’âge…il se trouve qu’en ce matin brumeux, à l’entrée du cimetière de Cherchell, à quelques pas de la tombe d’Assia Djebar, dans la foule qui se pressait, il y avait ces centaines d’enfants et d’adolescents….il y avait cet ami venu depuis le très lointain Canada…cet autre ami venu depuis Tlemcen ou Batna…mais il y avait ces enfants aux regards hagards venus des bas quartiers de Cherchell…à ton enterrement, c’est toute la ville de Cherchell qui est venue suivre ton cercueil… dans un silence froid, ils t’ont accompagné jusqu’au dernier cyprès, là où tu reposes désormais au coté des cendres de ton arrière grand père.
    Tu sais Walid, delà où tu es, tu dois te dire que cette foule d’inconnus n’était pas là juste pour te pleurer…ils étaient aussi venus, parfois de très loin pour te dire combien ils ont été sensibles à ce sourire dont tu ne les a jamais privé, à cette main toujours tendue pour venir en aide à la vieille en détresse et au malade en fin de vie, à ces tapes amicales dont tu n’as jamais privé tes amis et tes proches…en cherchant un chemin de traverse pour rejoindre le cimetière, j’arrive dans un profond ravin. Devant moi se dressait une pente. Du paquet de maison en construction, sort un vieil homme, un nonagénaire. Je m’approche de lui pour demander le chemin du cimetière…
    • Qui est mort ? me damande-t-il ?
    • Le fils de Mohamed Oudai, le militaire…
    • Allah Akbar…ne me dites pas que c’est Walid ?
    • Oui Walid...
    • Quel malheur, quel malheur…il était si jeune !
    • Vous le connaissiez ?
    • Qui ne connait pas Walid ?
    Aziz Mouats
    Cimetière de Y'Oudaiène, là où sont enterrés Belkacem Allioui et Larbi Oudaï

    Ali Ghédiri, Cap sur Novembre

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    Déclaration de candidature à l’élection présidentielle d’avril 2019 de Ali Ghediri

    Algériennes ! Algériens !

    L’Algérie traverse une phase décisive de son histoire. Au désespoir que vit notre peuple, notamment sa jeunesse, s’ajoute la déliquescence de l’Etat et de ses institutions. Le constat est amer : Etat de non-droit, vieillissement de sa composante humaine, injustice sociale, rente érigée en système de gouvernance, népotisme et corruption gangrènent notre société. L’insécurité qui menace quotidiennement les Algériens est aggravée par le trafic et la consommation de drogues de plus en plus dures. L’autoritarisme empêche l’émergence d’une réelle démocratie. Le clanisme et la prédation ont érigé le régime politique en oligarchie.

    Face à cette situation qui menace l’existence et la cohésion nationales, la résignation n’est pas une fatalité en soi. Un sursaut salutaire est possible.

    J’ai décidé de relever le défi en me portant candidat à l’élection présidentielle d’avril 2019.

    Ce défi majeur ne peut se réaliser sans l’adhésion et l’implication du peuple. Il consiste en une remise en cause, sans tabou, de l’ordre établi, tant les conditions actuelles sont des plus complexes et des plus périlleuses pour la nation. Il s’inscrit, pour sa réalisation, dans le cadre d’un projet novateur, qui s’articule autour d’un objectif : la rupture sans reniement.

    La rupture est certainement un mot fort, qui fait peur aussi bien à la minorité qui, s’accommodant de ce système – ou de ce qui en reste –, œuvre pour le perpétuer, qu’à l’écrasante majorité qui, tout en appelant le changement de tous ses vœux, en redoute les retombées. A cette majorité, je dis que, ce dont ils doivent avoir légitimement peur, ce sont les maux générés par ce système qui poussent nos enfants à fuir leur pays et qui empêchent ce peuple d’y vivre sereinement dans le confort et le bien-être et de profiter pleinement des richesses qu’il est potentiellement en mesure de leur offrir.

     Algériennes ! Algériens !

    La rupture s’impose à nous, si nous voulons aller de l’avant. La question se pose en termes existentiels pour la nation,  pour renouveler le serment avec ceux de novembre et sauver l’Algérie pour laquelle tant de sacrifices ont été consentis. Cette rupture, je la perçois comme démarche salvatrice. Je la scande comme voie, non pas pour choquer les esprits, mais parce que j’estime qu’elle est, au point où en est le pays, le seul remède contre les maux qui rongent notre nation, notre société et nos institutions entamant dangereusement notre base sociale et mettant en péril réel la République. Je l’envisage sans reniement des valeurs de Novembre. De ces dernières, nous en sommes tous jaloux. Elles ont façonné la nation algérienne et l’Etat national naissant et donné sens à notre « moi » national ! Non seulement, ensemble, nous les restaurerons, parce que la déviance de la trajectoire novembriste les a ternies, mais nous en ferons le socle éternel de la Deuxième République que nous nous promettons d’édifier, pour mettre définitivement l’Algérie en phase avec ce que je pense être sa destinée.

    Algériennes ! Algériens !

    Général-major à la retraite sur ma demande depuis 2015, ma carrière a été une construction personnelle, sur la base de convictions personnelles profondes, ancrées dans mon subconscient par le milieu nationaliste et ouvrier qui a été celui de mon enfance et de ma jeunesse. Ces convictions ont, non seulement orienté mes choix fondamentaux, mais elles m’ont permis de trouver dans les rangs de l’Armée Nationale Populaire, que j’ai servie pendant quarante-deux ans, le terreau qui a raffermi, en mon for intérieur, l’amour de la Patrie et le sens du devoir envers la nation. Durant ma carrière militaire, j’ai vécu de mon salaire comme unique source de revenus, comme, présentement, je vis de ma seule pension de retraite et, j’en tire orgueil et satisfaction.



    Cette Deuxième République, qui représente le coeur de notre projet politique, nous la rebâtirons sur la base d’une réelle refondation démocratique et d’une totale reconfiguration institutionnelle dans le moule d’un projet de société moderniste, dont le peuple aurait participé à la définition de la philosophie autant qu’à la mise en œuvre. Ce projet ne saurait se réaliser sans l’indispensable jonction du peuple avec son élite. En cela, les « Six immortels » nous ont montré le chemin. Ils ont rêvé d’une Algérie libérée et indépendante. Elle l’est. Nous rêvons d’une Algérie réellement démocratique, fière, prospère et moderne. Elle le sera. Tel est notre pari.
    Algériennes ! Algériens !

    Ali Ghediri à travers ses écrits

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    Ali Ghediri à travers ses écrits

    La nation est d'abord une mémoire
    Point de vue
    Ali Ghediri Publié dans El Watanle 24 - 01 - 2016

    C'est l'illustration choisie par la rédaction du quotidien El Watan en une de son édition du 20 janvier 2016, pour son article «Campagne contre Zohra Drif et Yacef Saâdi : l'ignoble lynchage», qui a inspiré ma modeste contribution.
    Je me suis ainsi retrouvé invité, malgré moi, à un débat qui, quoiqu'on dise, ne saurait laisser aucun Algérien indifférent tant il y va de son histoire. Notre «moi» national ne gît-il pas en son lit ? De quoi pourrions-nous nous prévaloir sans elle ? De nos ressources ? De nos richesses ? De notre modèle socio-politique ? De notre modèle religieux ? De notre (nos) langue(s) ? De la grandeur de nos dirigeants ?
    A supposer qu'ils soient meilleurs que tout ce dont peuvent se prévaloir tous les autres peuples, ils demeurent, comme en mathématiques, des conditions nécessaires mais néanmoins insuffisantes. Notre histoire — elle seule — a, n'en déplaise aux uns et aux autres, conféré à ce peuple la dimension manquante. Elle seule l'a élevé au rang de nation.
    La nation, dit le philosophe et écrivain Ernest Renan, est «une âme, un principe spirituel (…). La nation est, comme l'individu, l'aboutissement d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitimes ; les ancêtres nous ont fait ce que nous sommes. Un passé héroïque, des grands hommes, de la gloire… voilà le capital social sur lequel on assied une idée nationale. Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent ; avoir fait les grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. On aime en proportion des sacrifices qu'on a consentis, des maux qu'on a souffert».
    L'histoire nationale est le fait d'hommes et de femmes qui, à l'image de cette adolescente illustrant l'article en question, ont pris leurs responsabilités et bravé la mort pour que cette nation naisse… Ils l'ont faite. Nos repères sont là. Nous existons grâce à eux. Au-delà de nos différences et de l'imperfection de ces hommes et femmes – qui ne sont, somme toute, que des mortels –, nous leur demeurons redevables pour ce socle laissé en legs aux générations présentes et futures, pour cette idée nationale qu'ils ont su nous inculquer.
    Pourquoi alors sommes-nous en train de les jeter en pâture, oubliant qu'en agissant ainsi, nous ne faisons, ni plus ni moins, que nous donner en spectacle et offrir aux prédateurs notre histoire en festin ? Est-ce là le serment fait à nos martyrs ? De grâce, arrêtons ce funeste spectacle ! Et, au lieu de vilipender la sénatrice Zohra Drif, observons plutôt cette image d'El Watan et tirons-en les enseignements qui s'imposent à nous en autant de jalons à notre mémoire collective.
    Attardons-nous sur cette frêle silhouette, scrutons son regard juvénile plein d'innocence et admirons son courage d'être là, debout, stoïque, bravant la mort pour les actes qu'elle a commis au nom de cette Algérie, pour qu'elle devienne libre et indépendante. Focalisons davantage sur sa bravoure et méditons sur son héroïsme. Admirons sa posture arrogante, mains nues, face à ceux qui l'entourent l'arme au poing… «On aime en proportion des sacrifices qu'on a consentis, des maux qu'on a souffert», avait dit Renan.
    Quant aux supputations sur ce qu'auraient pu lui arracher ses tortionnaires comme aveux, demandons-nous, avant de la condamner a posteriori – si tant est qu'elle ait parlé – qu'auraient fait ses détracteurs, à sa place, avec ce physique qui est le sien et à son âge, face aux moyens dont usaient ses bourreaux, les paras de Massu ? La question mérite d'être posée. La raison aurait voulu qu'on laisse d'elle, aux générations futures, cette image par trop expressive où elle incarne, à travers son regard, le défi de cette jeunesse algérienne à l'occupant. Hassiba Ben Bouali, Malika Gaïd et d'autres chahidate étaient ses compagnes.
    Disons-nous que si elle avait été exécutée pour l'acte héroïque qu'elle a accompli, nous l'aurions glorifiée autant en toute justice. Sûrement qu'elle aurait aimé faire partie de ce lot de martyrs, mais le destin en a décidé autrement. Elle est restée en vie et ce n'est pas pour autant qu'elle a démérité, à l'instar de tant de moudjahidine et de moudjahidate. Considérant peut-être que – encore Ernest Renan – la République est avant tout un régime politique et que la nation est l'adhésion à un ensemble de valeurs, elle a parlé.
    A tort ou à raison, elle a cru qu'en tant que moudjahida, la continuité du combat s'impose à sa génération par devoir et que le silence serait trahison. La conviction a guidé leurs premiers pas dans l'action militante, il serait naïf d'attendre d'eux qu'ils puissent se déjuger au crépuscule de leur existence.
    Aussi, quelles que soient la manière et la nature des revendications et des critiques qui pourraient en émaner, autant que leur objet, rien ne justifie, raisonnablement, qu'on puisse recourir à la vindicte et à l'opprobre, encore moins à l'internement pour faire taire ces voix.
    Il ne s'agit point pour moi de défendre Zohra Drif ni Yacef Saâdi ou tout autre moudjahid en tant que tel. Précisément, ceux-là, je ne les connais pas et je n'ai pas la prétention de m'ériger en leur avocat, malgré tout le respect que je leur dois en tant qu'aînés. Ils trouveront certainement en leurs frères d'armes d'hier de meilleurs défenseurs. Il s'agit pour moi de défendre «notre histoire» à tous, «notre mémoire», le socle de notre nation dont nous revendiquons le partage.
    Cette mémoire devrait être sanctifiée, car elle conditionne notre «être» autant que notre devenir et, à ce titre, elle ne doit, en aucune manière, être sacrifiée sur l'autel des querelles politiciennes du moment ou au nom d'ambitions individuelles ou claniques, affichées ou latentes.
    «Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent, avoir fait les grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple», avait dit Renan. Si nous voulons nous inscrire dans la trajectoire de la pérennité en tant que nation, préservons son passé et faisons barrage aux prédateurs pour qu'ils ne souillent pas nos mythes fondateurs. Telle est la voie, tel est le prix et tel est le véritable serment.



    La Nation et ses militaires

    Ghediri Ali Publié dans El Watanle 28 - 02 - 2016


    Par Ghediri Ali
    L'actualité internationale n'a de cesse, ces derniers temps, de nous interpeller, d'une manière directe ou indirecte, sur la place qu'il conviendrait de donner à l'armée et au rôle à lui assigner au sein de la nation, d'une manière générale, tant les défis sécuritaires présents, de par leur nature, transcendent les moyens traditionnels affectés par les Etats à cet effet. Chez nous, certains discours politiques, autant que certains événements ne sont pas sans placer, tout autant, cette institution au cœur de l'actualité nationale. Quoique les formes diffèrent, le lien causal est présent.
    De l'interrogation sur la nature de l'Etat national au traitement dont font l'objet certains officiers remis à la vie civile. Il en est ainsi du cas d'espèce que représente l'internement du général Benhadid Hocine et de sa décision d'observer une grève de la faim. A plus d'un titre et, en toute logique, cette situation n'est pas de nature à laisser indifférent qui que ce soit, civil ou militaire, cadre ou ouvrier. A fortiori, ses camarades, qu'ils soient en activité de service ou à la retraite, qui ont tous en partage certaines valeurs inculquées par le métier des armes et, quoique à des degrés divers, l'obligation de réserve.
    Les officiers à la retraite sont certes soumis à cette obligation, mais garder le silence, au moment où un frère d'armes est en train de mourir à petit feu, parce qu'on lui a refusé le droit d'être entendu et jugé comme le stipulent les lois de la République, ne serait-il pas un déni à ces valeurs qu'ils ont fait leurs en tant qu'anciens officiers en faisant de l'honneur et de la solidarité entre frères d'armes la pierre angulaire de leur premier serment ?
    Ne devons-nous pas nous rappeler que les officiers, aujourd'hui à la retraite, ont été les actifs d'hier, comme ceux, en activité aujourd'hui, seront les retraités de demain.Telle est la règle universelle qui régit les armées et tel est le destin de ceux qui, par vocation, conviction et engagement ont embrassé la carrière militaire, souvent à un âge où les choix fondamentaux n'étaient pas évidents. Il en est ainsi du général à la retraite Benhadid Hocine qui, à 17 ans, prit son destin en main et, comme tant d'autres moudjahidine et martyrs, est allé rejoindre la valeureuse Armée de libération nationale (ALN). Dans les rangs de son héritière légitime, l'Armée nationale populaire (ANP), il a participé, à l'instar de ses compagnons, à toutes les missions de défense de la Patrie, de lutte contre les hordes intégristes, d'édification nationale et d'éducation des jeunes générations.
    Ils ont, avec à leurs côtés les véritables patriotes que compte la Nation, au prix de leur sang et de leur sueur, fidèles au serment qu'ils ont fait à la Patrie, au nom de nos chouhada, fait rempart à tout ce qui était de nature à menacer notre intégrité territoriale, les institutions de la République et les valeurs de Novembre. Il en a été ainsi hier, il est de même aujourd'hui et il en sera ainsi demain. Tel est l'authentique message de Novembre 54 et – une certitude –, ils lui resteront fidèles, advienne que pourra.
    Que ceux qui se sont convertis au nationalisme au rabais, profitant du confort que la sécurité désormais retrouvée leur offre, méditent sur ce qu'aurait pu être cette Algérie sans ces hommes, de la trempe de l'interné d'El Harrach et de tant d'autres, qui, par l'humilité et par la décence qu'ils ont érigées en culture – autant dire en état d'être –, ont choisi de faire profil bas et de se taire, laissant faire les amnésiques… Ils se sont tus.
    Il s'agit d'une option. Ils ne veulent pas voir leur pays en ruine. Les images de la décennie noire les hantent et celles de la Libye, de la Syrie, du Yémen et de l'Irak, pour ne citer que ceux-là, sont là pour leur rappeler, au quotidien, qu'ils ont fait le bon choix.
    Toutefois, face aux voix, qui s'élèvent d'un peu partout, pour vouer aux gémonies, d'une manière systématique et particulière, tout ancien officier qui, d'une manière ou d'une autre, ose faire preuve d'outrecuidance, souvent à bon escient, pour dénoncer un fait, un geste, a fortiori, une politique, leur silence ne peut que prendre les allures d'un manquement à leur propre code d'honneur, voire les contours d'une trahison.
    La parole critique, au-delà de ses formes, parfois éthiquement condamnable et de son objectivité relative, ne saurait, quel que soit le motif, admettre autant de vindicte et d'opprobre, encore moins autoriser un usage aussi abusif de la force. Et ce n'est pas parce que le pouvoir politique en dispose en toute légalité qu'il faille aller jusqu'à pousser ses contradicteurs à recourir au suicide, en leur refusant ce que la loi fondamentale de la République leur garantit.
    A contrario, à ses thuriféraires, tout est permis, y compris l'insulte de ceux qui ont fait du service de la Nation un sacerdoce. C'est à tort que les premiers soient catalogués ennemis. Ils ne le sont ni ceux du pouvoir, encore moins de la Nation. Il leur arrive tout juste d'exprimer un avis parfois divergent en tant que citoyens, dans les formes qui sont les leurs. Que l'on ne focalise pas sur la manière… L'armée les a ainsi forgés ou, pour faire plus soft… formatés.
    A défaut, une question se pose.
    L'exercice de la politique serait-il devenu le monopole de ceux qui, pour s'être abreuvés aux auges de la rente, n'ont d'autre choix que de louer les mérites de leurs maîtres du moment ? Ce serait insulter l'intelligence de ces derniers que de croire qu'ils ne sont pas sans savoir que ces laudateurs feront de même, demain, avec les nouveaux arrivants. Telle est leur nature.
    L'horizontalité est leur posture, et le jappement leur mode d'expression. Même lorsqu'ils tentent l'ascension, ils empruntent aux reptiles leur mode de locomotion. Rien n'est de trop pour contenter le maître de céans. Le strapontin est leur idéal. Ils sont aux tenants du pouvoir ce que le lierre est au chêne. Pour autant, le pouvoir a-t-il besoin d'abattre tous les chênes pour que, de sa hauteur, il puisse admirer le lierre. Il lui suffit de baisser bien bas les yeux, le parterre en est jonché.
    La pensée est par définition dialectique.
    D'où qu'elle émane, elle ne saurait ne pas admettre sa mise en débat. Et c'est parce que le peuple l'a revendiquée que la liberté d'expression a été constitutionnellement consacrée. A l'évidence, il ne pouvait en être autrement, s'agissant de descendants de Gaïa, de
    Massinissa et de Jugurtha ; d'un peuple qui a enfanté Novembre 54 et d'une Nation enfantée par Novembre 54. Alors, pourquoi s'acharner contre un général qui, somme toute, a dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas ? Est-ce pour faire taire toute la corporation d'officiers retraités ? Lorsqu'on voit la liberté que prennent certains parvenus sur la scène politique nationale pour critiquer et les individus et les institutions, nous sommes en droit d'affirmer qu'il s'agit bel et bien de ça. Pourquoi ce qui est permis aux autres devient subitement illicite lorsqu'il s'agit de cette catégorie de citoyens ? Interrogeons-nous alors sur le sens à donner à la citoyenneté et à leur égalité constitutionnellement consacrée.
    En tout état de cause, si l'intention des décideurs est de leur imposer le silence, un seul général, même mort de faim dans sa cellule d'El Harrach, ne saurait atteindre le résultat escompté. Qu'il me soit permis de dire à tous que les officiers de la République, fussent-ils à la retraite, ne sauraient, en aucune manière, être assimilés à un produit marchand politique. Que ceux qui ont fait de la politique un métier, par vocation ou par effraction, sachent que les généraux auxquels ils s'en prennent aujourd'hui ont été là, jeunes officiers, debout, lorsque l'Etat et la République démocratiques vacillaient et, qu'à l'horizon, pointaient le khalifat et le salafisme. Sans eux, et sans le front nationaliste qu'ils ont contribué, dans une large mesure, à fonder avec tous les Patriotes de ce pays, d'aucuns n'auraient pas vécu assez pour pouvoir à présent verser dans leur lexique politique des termes, pour, pensent-t-ils, mieux haranguer les foules qu'ils croient asservies et amnésiques. Il en est ainsi de l'euphémisme «Etat civil».
    Est-ce pour ne pas dire «dictature» qu'ils y ont recouru, sachant pertinemment que le peuple est conscient qu'il n'en a jamais été ainsi en Algérie ? Les chouhada d'hier et d'aujourd'hui ne se sont pas sacrifiés pour que l'Algérie indépendante le soit et les moudjahidine qui, depuis le recouvrement de l'indépendance nationale président aux destinées du pays, ne l'auraient jamais permis. Sur un plan théorique, dans la philosophie politique, on n'oppose pas «Etat civil» à «Etat militaire». Pour s'en convaincre, la compulsion de l'œuvre monumentale de John Locke est fort indiquée à ces apprentis politiciens pour que les concepts auxquels ils pourraient avoir recours soient mis à l'endroit.
    Que la rente fascine, ceci relève d'une lapalissade, car ce qui est valable chez les autres, l'est aussi chez nous, quoique les formes et les niveaux diffèrent.
    Néanmoins, que ceux qui en ont fait une source de revenu et une raison de vivre sachent que son bénéfice induit une contrepartie qui, souvent, n'est d'aucune compatibilité avec les règles les plus élémentaires de la morale, de l'éthique et de la dignité humaine. Qu'ils la pratiquent à leurs aises, mais qu'ils laissent l'Armée Nationale Populaire en dehors de leur champ de prédation. Qu'on ne confonde pas Etat et régime, et armée et milice.
    L'Algérie, depuis le recouvrement de son indépendance, n'a jamais autant ressenti le besoin de disposer d'une armée forte et unie.
    La préservation de cette institution passe inéluctablement par celle de sa composante humaine – en activité et à la retraite – dont les officiers constituent la colonne vertébrale. C'est en effet vers eux que, lorsque la Nation aura besoin de tous ses fils, que son regard se portera. Inéluctablement, ils répondront présent à son appel, y compris ceux qui, parmi cette cohorte, à l'instar du général Benhadid Hocine, sont privés de leur liberté.
    Que la raison l'emporte sur les passions.
    Les hommes passent. Nous sommes tous mortels. Aucun cavalier n'a été enterré sur le dos de sa monture, dit le proverbe.



    La Nation et ses ennemis

    Ghediri Ali Publié dans El Watanle 29 - 05 - 2016

    J'ai quelque peu hésité sur le titre à donner à ma présente contribution. Fallait-il parler d'Etat ou de nation ? Au final, dans ce monde qui est le nôtre, où tout se confond, où tout s'entremêle, Etat-nation, pouvoir-régime, parti-clan, pouvoir-opposition, leader-parrain, opposant-ennemi, laudateur-nationaliste, convient-il de s'interroger sur l'usage du scalpel lorsque la hache est de mise ?
    Lorsque les hommes se mettent à se confondre avec l'Histoire qui les a faits, lorsque les lois qui régissent la chose publique et la vie en société sont bafouées, lorsque les individus se substituent aux institutions qu'ils sont censés servir, lorsque le vulgum pecus s'érige en tribun et s'arroge le droit de haranguer l'élite, la politique perd de son essence et est échue au rang de «travail», avait postulé H. Arendt dans sa hiérarchisation des activités humaines, considérant que, si le travail permet à l'homme de vivre, c'est dans l'action que s'exerce pleinement sa liberté et que, par son biais, il entre dans le monde politique.
    Et, c'est parce qu'agir signifie, au sens large du terme, prendre une initiative, entreprendre, mettre en mouvement, que la politique a ses règles et que sa pratique ne saurait se passer des valeurs censées la caractériser. A défaut, le grain de sable serait en droit de s'ériger en erg, voire d'en revendiquer l'immensité.
    C'est dire que, quelles que soient les conditions, les confusions énoncées ne sauraient trouver une quelconque légitimation, car ne s'inscrivant dans aucune logique de gouvernance saine. Néanmoins, en ces temps d'agitation extrême, les raccourcis semblent emporter la mise dans la dynamique sociale et les confusions font désormais office de certitude. Ce faisant, croit-on, sincèrement, que ce peuple est naïf au point de gober tout ce qu'on lui sert ?
    Interrogeons l'histoire pour nous rendre compte que ce peuple ne saurait être, en aucune manière, dupe. Si 132 ans de colonisation ne lui ont pas fait oublier ses origines, c'est que son socle identitaire est ferme et solide. Si les hordes fondamentalistes, encouragées et soutenues autant par l'Occident que par l'Orient, n'ont pas pu avoir raison de lui, c'est qu'il sait discerner entre bonnes et mauvaises causes. Si les «printemps arabes» ne l'ont pas entraîné dans leur sillage, ce n'est pas tant par lassitude, comme on s'est précipité pour expliquer sa posture, c'est, fondamentalement, parce qu'il a suffisamment muri.
    Que l'on se détrompe, s'il n'est plus sensible aux chants des sirènes — d'où qu'ils viennent —, c'est parce qu'il cultive toujours l'espoir de voir la raison l'emporter sur les passions des acteurs politiques, le souci du devenir de la nation, l'emporter sur les ambitions individuelles. Il s'arme de sagesse et cultive l'espoir, pour que ses jours à venir ne soient pas une éternelle reproduction de son amer passé lointain et récent. Sa vigilance est d'autant plus grande, qu'échaudé par ce qu'il a vécu, par ce qu'il a enduré, il craint que les abus dont il est spectateur — faussement passif, car conscient qu'il y va de son sort et de celui de sa descendance — ne soient exploités par des aventuriers qui usent et abusent de la conjoncture pour étouffer son aspiration au mieux-être et à la démocratie, ignorant, peut-être, que l'adversité rend aux hommes toute la vertu que la prospérité leur enlève.
    Pourtant, il suffirait de réexaminer les différentes échéances électorales pour apprécier le degré de maturité politique de ce peuple. Conscient que sa voix importe peu et que les jeux sont faits avec ou sans lui, il a toujours réagi à sa manière, faisant de l'abstention une manière propre à lui d'envoyer ses messages «politiques» aux décideurs. Et, s'il ne maîtrise pas la brasse ou le crawl, il excelle dans la «planche». Lorsqu'il lui arrive, de temps en temps, de s'agiter, c'est juste pour s'éviter la noyade. Telle est sa façon de lutter — avec intelligence — en attendant de voir venir les choses. Il se démène comme il peut pour rester à flot ! Quel grand peuple !
    A ce peuple, on devrait s'abstenir de lui montrer ses ennemis. Ses ennemis sont ceux de la nation. Les ennemis de la nation, il les connaît. Il suffit de le lui demander et de daigner l'écouter. Il en est autant de ses héros d'hier comme d'aujourd'hui. Observateur attentif, il se distingue par une avidité, sans limite, de gloire et de victoire. Qu'on scrute ses réactions à chaque fois que l'Armée nationale populaire assène ses coups mortels aux hordes terroristes. Il en tire fierté et exaltation. C'est vrai, dans la grisaille ambiante, la joie et l'allégresse ne peuvent provenir que de cette digne héritière de la glorieuse ALN.
    Sur le plan historique, s'il s'identifie volontiers et avec fierté aux «Vingt-deux» et aux «Six», tout en se revendiquant de ses héros numides, c'est qu'il est d'extraction digne. Malgré le temps d'incertitude et de vaches maigres qui caractérise — dans la durée — son quotidien, conscient de son potentiel réel, il demeure à l'affût de tout vent pouvant chatouiller son ego national à défaut de faire claquer son emblème. Qu'on se rappelle Omdurmanet, surtout, qu'on médite sur l'intérêt accordé par notre jeunesse au sacre de Leicester à la tête de la Premier League, au seul motif qu'un certain Ryad Mahrez ait contribué à son succès. A défaut de grives, on mange des merles, dit le dicton.
    Vraisemblablement, ce peuple reste incompris par ceux auxquels son destin est dévolu. Il fait malheureusement figure d'immature à leurs yeux. C'est ainsi qu'on assiste à des professions de nationalisme à l'emporte-pièce, où la menace est agitée à tout bout de champ et l'ennemi interne montré du doigt. Il en est ainsi de ceux qui voient en les officiers à la retraite son incarnation !
    Qu'ils se rassurent. Le sens de l'honneur est chez ces gens-là tel que, dans leur imaginaire, la représentation qu'ils se font de l'ennemi est qu'il soit toujours debout, armé, prêt à leur ravir leur propre vie. La verticalité est de mise dans leur subconscient. A en juger par la temporalité de l'«attaque» de ceux qui ont décidé de les désigner en tant qu'ennemis de la nation, on est enclin à affirmer que ceux-là, par contre, attendent que leurs sujets soient à terre pour leur crier «haro sur le baudet», que le céphalopode dont ils ont usé des tentacules dans leur ascension politique et sociale, soit hors de l'eau, pour lui cracher à la figure leur venin.
    Quel mérite et quelle ingratitude ! Quand bien même l'antagonisme politique soit la forme la plus forte de tout antagonisme, il ne saurait autoriser la haine, celle-ci relève de la sphère individuelle. Si on la ressent en tant que politique, c'est qu'on est primitif. Un homme d'Etat suppose, entre autres, une certaine conscience de l'entité qu'on est censé servir, à savoir une unité qui englobe tous les contraires. Sont-ils conscients qu'ils sont en train de préparer le terreau à l'hostilité au sein-même de la nation ? Ignorent-ils qu'elle est la matrice de la guerre, qui n'est rien d'autre que la négation existentielle de l'autre ? Nous voyons bien qu'il s'agit de deux représentations diamétralement opposées de l'ennemi. A ces officiers, on a toujours appris à ne pas tirer sur les ambulances, encore moins achever les blessés.
    On leur a par ailleurs appris qu'endosser la tenue et commander les hommes et agir en lâches relève de l'antinomie. Voyez-vous, le métier des armes est un véritable creuset de valeurs. Ceux qui ont opté pour cette voie ont, dans leur for intérieur, déjà répondu à la question fondamentale de savoir s'il faille servir la nation ou servir ceux qui s'en servent pour se servir ? Car telle est la véritable problématique et telle est la différence entre les serviteurs de la République et les obligés de ceux qui s'en servent.
    Lorsqu'on a pour toute idéologie la flatterie et qu'on s'investit éperdument dans la coterie, on devrait, en toute logique, s'interdire de se prévaloir d'une quelconque fidélité, notamment aux principes de novembre, lesquels ont été portés par une élite qui a fait du don de soi un sacerdoce. Les quelques survivants de cette génération racée, qui se démènent encore comme ils le peuvent pour préserver et perpétuer ce qui reste de ces valeurs, devraient être pris en exemple.
    Par l'acte. Le discours apologique à leur adresse, ils n'en ont cure. Ils sauront refuser, le moment venu, de servir de promontoire aux invertébrés et à ceux qui se sont inscrits dans la servitude, se complaisant dans le rôle de petites mains que leurs maîtres du moment leur ont assigné. Si tous les gens avaient compris le sens de l'honneur, ils seraient tous devenus honorables, avait dit, si justement, Hafed Ibrahim.
    Dieu reconnaîtra les siens, dit-on. Qu'on ne se méprenne pas sur le silence du peuple. Il saura, lorsque l'amplitude du tumulte dépassera celle du verbe flatteur, reconnaître les siens, car il a, de tout temps, dans les moments difficiles, su faire la différence entre le bon grain et l'ivraie.

    Par Ghediri Ali
    Général-major à la retraite



    Le sens des lumières
    Ghediri Ali Publié dans El Watanle 03 - 06 - 2017

    On m'a expliqué qu'il en est ainsi à chaque fois qu'il y avait un attentat terroriste à travers le monde… occidental, ai-je pensé en mon for intérieur, convaincu que les Occidentaux ne s'émeuvent que pour les leurs ; des autres, ils n'en ont cure. Réaction primaire, somme toute, tant, s'il fallait, rituellement, éteindre les feux de cet illustre monument pour exprimer la sympathie et la compassion de la Franceavec tous les peuples de la terre, les Parisiens se seraient retrouvés déambulant dans le noir, dans la ville des lumières. La rationalité est bel et bien née là-bas… me diriez-vous.
    L'Occident peut bien se défendre d'être aussi sélectif en la matière et arguer à l'adresse de ceux qui en doutent, qu'au lendemain de l'attaque au gaz dont ont été victimes, parmi tant d'autres, des enfants syriens, Donald Trump a bel et bien, solennellement, déclaré, après une salve nourrie de Tomahawks sur la Syrie, qu'il l'a fait pour qu'«aucun enfant de Dieu ne devrait jamais subir d'horreur pareille».
    Quel geste majestueux de compassion et d'humanisme ! Combien nous aurions aimé entendre ces professions de foi à chaque fois qu'un enfant, quel qu'il soit, tombe, sous quelque bombe que ce soit et où que ce soit. Crédules, que nous sommes ! Souvent enclins à oublier que l'Occident judéo-chrétien — c'est ainsi qu'il se définit — a sa propre logique.
    Il se nourrit de sa rationalité. Il sait toujours faire montre de discernement, y compris dans l'expression de ce dont il se prévaut, l'humanisme. Ses sentiments, il les distille au compte-gouttes, toujours à l'aune de sa perception du monde, de ses valeurs et de ses intérêts. Il a sa propre grille de lecture. Sa matrice à lui. Ses chrétiens à lui. Les Coptes d'El-Minyane seraient, somme toute, que des Egyptiens… Où se situe le problème, alors ? Devrait-on se poser la question.
    Le problème est bel et bien en nous.
    Les massacres, ce sont nos peuples qui les subissent. Ils les vivent dans leur chair désormais fortement meurtrie tant elle est tailladée au quotidien aussi bien par les «frères» que par les autres. Ce martyre, nous le vivons depuis des décennies. S'il est tout à fait dans l'ordre naturel des choses de méditer sur les auteurs de ces crimes et sur les voies et moyens pour nous extirper de cette spirale infernale, il l'est moins, sauf à accepter le ridicule qui en découle, lorsqu'il s'agit d'attendre que les Occidentaux fassent le deuil à notre place. Nous aurions été moins ridicules et, surtout, plus avisés.
    Ceci aurait certainement mieux servi notre cause en ce qu'il nous aurait permis de mieux situer nos responsabilités à la fois, en tant que gouvernants autistes et en tant que gouvernés attentistes. Au lieu de nous adonner à cet exercice de mémoire et d'autocritique, nous préférons, hélas, nous lamenter et attendre que l'on nous prenne en pitié, en éteignant un lampion ou en «regrettant» ce dommage, lequel, central ou latéral, est toujours vécu dans la même chair, la nôtre.
    Ce faisant, nous avons, peut-être, cédé à un élément singulier de notre culture. Car, en matière de lamentations, quoique nous ne disposons pas de mur pour y déverser nos larmes et y enfuir nos vœux, à l'instar d'autres peuples, notre patrimoine culturel peut s'enorgueillir — si je ne m'abuse — d'être le seul à jouir d'un genre littéraire E'ritha, poésie exclusivement dédiée aux morts, pour en vanter les mérites et nous faire bonne conscience. C'est dire, qu'en la matière, nous nous y connaissons…
    Les poèmes d'El Khansa', de par la beauté de la langue dans laquelle ils ont été écrits et la force du verbe choisi pour exprimer la douleur ressentie, peuvent fortement nous inspirer, si, tant est que cela puisse soulager ce ressentiment d'impuissance dans lequel nous trouvons… Chez nous, nos aïeux étaient plus avisés en ce qu'ils ont compris qu'il ne faille compter que sur soi pour changer l'ordre des choses. Ne dit-on pas qu'«il n'y a pas mieux que tes cils pour supporter tes larmes et que tes ongles pour égratigner tes joues»… Alors, pourquoi s'acharne-t-on encore à en vouloir à l'Occident de n'éteindre ses lumières que pour déplorer ses morts et pas les nôtres ?
    Par ailleurs, s'il fallait exiger des Occidentaux de compatir à notre douleur en éteignant leurs lumières comme ils le font par égard aux leurs, à chaque fois qu'un massacre est perpétré, suite à un attentat terroriste ou à un «dommage collatéral», survenant en Syrie, en Irak, en terre de Palestine, à Ghaza ou à Ramallah, au Yémen, en Libye, en Egypte, en Somalie, au Pakistan, en Afghanistan, au Nigeria, au Maliou dans tout autre pays arabe ou musulman, la Tour Eiffel se serait retrouvée drapée, le soir venu, depuis plus de deux décennies, dans le noir ! Et, s'il fallait aller plus loin dans l'extrapolation ? Si tous les pays occidentaux devaient suivre l'exemple français, pour éteindre, qui sa tour, qui son palais, qui… quoi … ?
    Nous aurons été les porteurs de ténèbres, en ces temps, alors que nos aïeux ont été, naguère en terre d'Occident, les porteurs de Lumières. On ne pourra pas avancer, les yeux rivés continuellement sur les rétroviseurs, m'objecterait-on… J'en conviens ! Mais, lorsque les ténèbres meublent notre espace et que le désespoir s'impose en sentiment partagé, les rais de lumière font figure de phares, dusse-t-on aller les chercher dans les entrailles de l'histoire.
    En toute logique, il ne pourrait nous venir à l'esprit d'exiger de l'Occident d'être magnanime à l'égard de nos morts et de compatir au sort de nos peuples comme ils le font pour les leurs. Si, nous-mêmes, nous demeurons insensibles au désarroi et aux malheurs de nos peuples ; si, nous-mêmes, nous ne ressentons pas les brûlures de la braise sur laquelle notre pied est posé, que sommes-nous en droit d'attendre des autres ? Encore moins, d'en exiger ?
    Cette passivité à l'égard de nos malheurs est devenue telle que nos territoires sont devenus un champ d'expérimentation aux armes les plus sophistiquées, les plus meurtrières et les plus destructrices. Il en est ainsi en Irak, en Syrie, au Yémen et en Afghanistan, où la bombe «conventionnelle» la plus puissante, pour des raisons de politique étasunienne interne, vient d'être expérimentée… Sans commentaires, encore moins de condamnations… Il ne peut s'agir, de toute évidence, que d'un silence complice qui en dit long sur l'état de déliquescence dans lequel le monde arabo-musulman est empêtré. Ses peuples font désormais figure de cobayes, sans que cela n'émeuve qui que ce soit, y compris — ou plutôt, notamment — ses propres dirigeants.
    Assuré de leur silence, l'Occident les brave au quotidien, sachant, qu'au pire, ils n'auront de cesse de lui signer des chèques couvrant des centaines de milliards de dollars pour qu'ils puissent continuer, en toute impunité, à mieux asservir leurs peuples et à disposer des richesses que leur offre leur sous-sol si riche, pour pérenniser leurs régimes. Plus loin, en Asie du Sud-Est, la Corée du Nord, quant à elle, continue à braver, en toute impunité, la toute puissante Amérique…
    Ce parallèle, que la chronologie des événements nous impose depuis la salve de Tomahawks américains sur la Syrie et celle des missiles balistiques que Pyongyanglance à titre d'essai sans trop se soucier de l'ire étasunienne, si incongru serait-il au regard des uns et des autres tant l'idéologie dominante a formaté les esprits, n'invite pas moins à méditer sur deux acceptions de la puissance et de l'ennemi, celle des régimes arabo-musulmans, et celle des autres Etats, telle que — à titre illustratif — la Corée du Nord.
    La politique désigne une certaine stratégie, c'est-à-dire une ordonnance particulière de moyens en vue d'une fin. Leur ennemi dûment identifié, les Nord-Coréens ont tiré les enseignements de leur histoire nationale et de l'histoire universelle, et partant, ils ont mis en place une stratégie de survie, voire de pérennisation de ce qu'ils considèrent comme le système qui réponde le mieux à leurs aspirations en tant que peuple. Notre débat ne porte pas sur le bien-fondé de leurs convictions, mais plutôt sur leur démarche. Ainsi, de la première, ils ont conclu que les nations se font dos aux crises et que la puissance n'a de sens qu'à travers son expression, c'est-à-dire l'usage qu'on en fait.
    Forts de ces postulats, ils se sont attelés à développer leur outil de défense auquel ils se sont adossés pour édifier et consolider leur système sociopolitique qui, quoi qu'on dise, se fait respecter, à défaut de se faire aimer. De la seconde, c'est-à-dire de l'histoire universelle, notamment après l'éclatement du bloc de l'Est, ils sont arrivés à la conviction que sans une force dissuasive conséquente en propre, il leur adviendra, tôt ou tard, ce qu'est advenu à la République démocratique d'Allemagne.
    Ils seront absorbés par leur frères ennemis du Sud et cesseraient alors d'exister en tant qu'entité géopolitique… Ils ont décidé que cela ne leur adviendra pas, et ils agissent en conséquence. Le corollaire de l'efficience de la puissance est l'usage raisonné du potentiel dont elle émane. Ce potentiel, c'est de l'acharnement de l'ennemi dûment désigné et de la volonté d'être qu'il se nourrit. Ne serait-ce qu'en cela, il est inépuisable.
    Pour les régimes arabes, notamment, l'ennemi est soit le pays «frère» voisin, soit le parti politique opposant, agréé souvent beaucoup plus par mimétisme des démocraties occidentales — ou sous leur pression — que par une réelle volonté d'ouverture démocratique, si ce n'est leur intelligentsia nationale, qu'ils n'ont de cesse à œuvrer pour la réduire au silence, lorsqu'elle n'est pas carrément poussée au départ.
    Dans ces pays, il en est ainsi, malheureusement, jusqu'aux organisations terroristes qui en émanent, en ce que certains parmi eux les financent, entraînent, arment et abreuvent de leur idéologie humainement destructrice. N'a-t-on pas vu, en effet, l'organisation terroriste islamiste Daech s'excuser auprès d'Israël d'avoir, par inadvertance, tiré quelques obus de mortier sur les hauteurs du Golan syrien occupé..?
    Israël ne constituant une menace ni pour les terroristes ni pour les trônes, il ne saurait incarner l'ennemi… Encore moins, l'Occident protecteur ! Je ne prétends point dans cette modeste contribution donner une solution à ce drame qui est le nôtre en tant qu'ensemble culturel et géopolitique. Il me semble toutefois indécent d'accabler les autres pour nos malheurs ou pour leur indifférence à notre égard lorsque nous les vivons.
    Ceci constitue, on ne peut plus, une forme de fuite en avant tant la responsabilité de tout ce qui nous arrive nous incombe en premier. Nous sommes les artisans de nos propres déboires et de notre arriération multidimensionnelle, scientifique, technologique, culturelle, sociale et politique. Et, si nous vivons mal nos indépendances nationales, c'est que, quelque part, nous ressentons un déficit de liberté que seule la démocratie est à même d'offrir. Que l'on se détrompe. L'unique rempart pour préserver notre dignité et nos peuples de tant d'affres n'est pas atomique, il est démocratique. Contre le rempart démocratique, l'ennemi extérieur est impuissant et l'ennemi intérieur, ne pouvant plus être instrumentalisé, ne peut que perdre de sa pertinence.
    Il s'agit là d'un constat sur le degré de déliquescence du corps social arabo-musulman en général et arabe en particulier, lequel, meurtri par un déficit désormais chronique de confiance entre gouvernants et gouvernés, n'a de cesse de trouver en les seules lamentations et en la violence un recours. Ceci ne saurait être, à terme, sans danger. Nous sommes en train de vivre les prémices d'une crise aux dimensions insoupçonnées tant, pour paraphraser le philosophe, «en haut, on ne peut plus convaincre et en bas, on ne peut plus accepter».



    De l'abstentionnisme actif

    Ghediri Ali Publié dans El Watanle 24 - 06 - 2017

    Les Algériens ont avant, et peut-être plus que tous les autres pays du monde arabe, voire musulman, pris le chemin des urnes. Ils l'ont fait bien avant l'indépendance. Ils l'ont fait femmes et hommes, affiliés au collège indigène ou citoyens à part entière.
    C'est dire qu'en la matière, notre expérience est appréciable… Pourtant, depuis un certain temps, les joutes électorales, quelles qu'elles soient, ne nous emballent plus, tant le niveau d'indifférence de la population à leur égard, aussi bien lors des campagnes que par l'acte de voter lui-même est on ne peut plus patent.
    En témoignent les taux d'abstention aux élections législatives, non pas ceux avancés par l'opposition, mais bien ceux annoncés par le Conseil constitutionnel, lesquels, depuis 2002, caracolent au-dessus de 50% pour culminer en 2017 à plus de 70% (votes blancs et bulletins nuls inclus), s'érigeant ainsi en une réelle tendance lourde dont il serait hasardeux de ne pas en prendre la mesure, ne serait-ce que sur le plan de la représentativité.
    Cette abstention, qui consacre dans un certaine mesure une rupture entre un pays réel et un pays virtuel, n'est pas sans porter en son sein les germes d'une recomposition déjà entamée du paysage politique, que le pouvoir va devoir subir à défaut d'avoir pu, ou su, la susciter. Il est en effet dans l'histoire de toute nation de ces soubresauts qui résonnent comme des appels à une renaissance dans l'ordre, pour autant que l'intelligence politique s'en saisisse. De telles opportunités historiques, le Mouvement national a su les faire siennes pour inverser le cours de l'histoire dans le sens qu'il lui a imposé.
    Pareille réaction ne saurait être assimilée à un caprice démocratique comme on en voit dans les pays occidentaux. En la matière, le parallèle relève d'une vision autant étriquée que partiale des choses, tant la notion de citoyenneté, de part et d'autre, est autrement appréhendée et les prismes de la pensée politique au niveau populaire sont différents.
    Pour notre cas d'espèce, il s'agit bien d'un véritable mouvement qui ne devrait laisser, en toute logique, indifférent tout observateur de la scène politique nationale, a fortiori ceux qui président au destin de ce pays, tant est qu'il était notamment attendu des dernières élections d'être, à la faveur de la nouvelle Constitution, les joutes du renouveau démocratique. Force est de constater que ce ne fut pas le cas.
    Pareille posture est en soi révélatrice, si ce n'est d'un mépris manifeste du peuple de la chose politique telle qu'elle lui est servie, de l'existence de contradictions majeures qui agitent la société et la «travaillent» en profondeur. Ceci ne saurait, de par sa nature, quel que soit le système électoral en place, ne pas interpeller au plus haut niveau les pouvoirs publics et la classe politique dans son ensemble. Cette interpellation prend une signification toute particulière dans un système électoral tel que le nôtre, où le rapport entre l'électeur et l'élu est direct, voire personnalisé, où la dimension morale prédomine plus que partout ailleurs.
    Partant de ces considérations, on peut estimer que cette abstention, de par son ampleur, est davantage à appréhender comme une forme ostensible de désistement collectif réfléchi d'un droit citoyen fondamental, constitutionnellement consacré. Il suffit pour s'en convaincre d'accorder l'attention qu'il mérite au contenu des réseaux sociaux pendant la dernière campagne pour y percevoir les signes objectifs d'un abstentionnisme actif, voire militant, qui n'est pas sans dénoter une attitude collective consciente et concertée.
    Sauf à être inconscient et faire preuve d'irresponsabilité manifeste, tant d'indices devraient, en toute logique, inviter à une réflexion profonde sur les tenants et les aboutissants d'un pareil comportement aussi manifestement négatif et potentiellement porteur de signes avant-coureurs qui ne prêtent en aucune manière à l'optimisme. En effet, pareille attitude ne saurait ne pas présager l'existence d'un malaise, si ce n'est, plus grave encore, d'une forme de désapprobation et de rejet populaires autant de la classe que de l'action politiques en tant que telles, dont il conviendrait de rechercher les causes, car il y a potentiellement péril en la demeure.
    Et, si la raison ne peut pas rendre raison de tout, elle le fait objectivement lorsqu'il s'agit de répondre à des questionnements inhérents à des comportements sociaux de masse conscients et réfléchis, pour autant qu'on se donne la peine de faire l'effort de transcender le carcan hermétique dans lequel, souvent, nous enferment nos propres certitudes. Le fil d'Ariane dans pareils cas, c'est l'histoire qui nous le tend…
    Le pouvoir politique, sûr de lui et fort de ses hypothèses, a opéré des choix pour engager ses réformes avec une opiniâtreté et un caractère d'évidence, tant à leur bien-fondé qu'au processus devant aboutir à leur application qui n'admettaient aucune mise en cause. C'est ainsi que l'homologation de nouveaux partis politiques, présentée par ses initiateurs comme un gage de bonne foi du pouvoir et une réponse à des revendications prétendument citoyennes, est, sur le terrain de la réalité, appréhendée par une population dubitative, parce que fortement désabusée, et par une opinion par trop vindicative, parce que produit de son histoire, comme une forme de légalisation administrative d'associations sans ancrage tangible dans la société, perçues beaucoup plus comme des greffons à la société que comme de véritables relais politiques potentiellement capables de contribuer à l'émergence d'une réelle citoyenneté.
    Une attitude similaire est à attendre à l'égard de tous les textes consubstantiels à la nouvelle Constitution. Pourtant, le pouvoir n'est pas sans savoir qu'aussi bien la consécration que la crédibilité de toute démarche politique, a fortiori réformatrice et se voulant démocratique, sont intimement liées à la nature même du processus de décision, dont les élections constituent l'un des principaux maillons, si ce n'est le principal.
    Et, c'est par rapport à ces manquements anodins, d'apparence, que la défiance s'installe, car, en dernière instance, les peuples jugent davantage sur les actes que sur les intentions, les promesses et les professions de bonne foi des gouvernants et de leurs affidés. C'est parce qu'une réforme politique de cette envergure n'est potentiellement pas sans engendrer des conséquences substantielles sur le fonctionnement institutionnel et susciter des réactions et des comportements allant de l'adhésion totale à l'opposition frontale avec tout le spectre de positionnements intermédiaires, que ses initiateurs, au stade même de son élaboration, doivent veiller à sa cohérence d'ensemble.
    Car, en règle générale, plus elle est cohérente, moins d'incongruités elle renferme et, partant, moins de réactions de rejet elle crée et, inversement. Il est ici d'une règle de droit constitutionnel se dégageant de l'action politique, étant entendu que tout système politique est sous-tendu par d'authentiques règles de droit dont la Loi fondamentale a vocation à en être la meilleure des expressions.
    Par ailleurs, dès lors que toute démarche politique se nourrit des intentions de ses initiateurs, l'indifférence affichée par la population à l'égard de ces élections qui est, le moins qu'on puisse dire, l'expression manifeste de sa défiance par rapport au pouvoir politique — ou à ce qui en fait office — est à appréhender comme étant leur propre échec. Il serait, à mon avis, inhérent, entre autres, au modus operandi que ce pouvoir a choisi pour « réformer » le système et impulser une nouvelle dynamique à la société.
    Aux lieu et place d'un débat politique réel, global et inclusif, il a opté, en termes d'ingénierie politico-institutionnelle, pour un débat fractionné dans le choix des interlocuteurs et segmenté dans la thématique. A l'évidence, ceci ne pouvait susciter, au minimum, que circonspection et défiance par rapport à ce qui en était attendu : s'agissait-il de la survie du régime en tant que tel ou du devenir de la nation et des perspectives de son évolution à court, moyen et long termes ? La réponse à l'abstentionnisme est à rechercher dans ce sillage, tant le gap communicationnel et générationnel entre les deux pôles que sont le consultant et le consulté est important.
    Comment pouvait-il, en effet, en être autrement face à une génération abreuvée au discours dénonciateur, legs d'octobre 1988, et à une population marquée au fer rouge par les stigmates des années de violence que lui a imposés, sans la convaincre, encore moins la soumettre, l'islamisme radical ? Il aurait fallu en faire, en toute intelligence politique, un partenaire car, lorsque telle est la nature des rapports, la confiance prime sur tout le reste.
    A contrario, on persiste à voir en ces strates générationnelles, pourtant démographiquement majoritaires, des mineurs immatures, et à se considérer investi, à leur égard, par l'histoire, du mandat de tuteur éternel. C'est de ces postulats, aux contours paternalistes, que le discours débité tire son essence et, à ce titre, il n'est pas sans porter en son sein les éléments objectifs de son rejet par une population qui lui est désormais, tout simplement, insensible.
    Il ne peut en être autrement, tant les slogans scandés sonnent faux, notamment aux oreilles d'une jeunesse dont le pouvoir ne se rend pas compte qu'elle lui tourne le dos, arc-boutée qu'elle est sur elle-même, davantage préoccupée par ses propres problèmes et, surtout, totalement investie dans le développement de son propre langage, de ses propres codes et de ses propres réseaux de communication qui n'ont de virtuel que l'appréhension de ceux qui n'arrivent pas à en saisir ni le sens ni la portée, encore moins le potentiel autant mobilisateur que dévastateur qui est le leur.
    On aurait eu raison d'ignorer cette jeunesse et laisser le fossé entre elle et les gouvernants s'élargir si elle ne représentait pas la majorité écrasante de ce peuple. Aussi, serait-il dangereux de la laisser livrée à elle-même, suivant sa propre trajectoire, car il y va de notre devenir à tous. S'il fallait chercher les preuves de cette posture de dos-à-dos qui est celle du pouvoir d'un côté et de la jeunesse de l'autre, l'analyse du contenu de ce que ces réseaux sociaux offrent est on ne peut plus édifiante.
    Et, s'il en fallait une autre, les résultats des dernières élections illustrent on ne peut mieux cette figure de trajectoires de deux mondes parallèles qui, bien que partageant le même espace, ne sont pas sans progresser dans deux sens opposés, s'ignorant l'un l'autre, où chacun bat la mesure qui ne fait avancer que les cohortes qu'elle «emballe».
    Le clivage n'est plus entre les «nationalistes» et les «autres», comme semble le laisser transparaître le discours des partis se prévalant de la majorité, mais entre tous les «encartés», tous partis confondus, et la véritable majorité, celle des abstentionnistes, que les chiffres officiels annoncés par le Conseil constitutionnel créditent d'être représentative de pas moins de sept citoyens sur dix !
    Sauf à être autiste, car sourd on répond à la gestuelle, il y a matière à voir en cela, non seulement l'expression d'une véritable déchirure dans le corps social, mais, surtout, les prodromes d'un réel désir de changement — plutôt de rupture — revêtant les allures d'une revendication pour une véritable refondation républicaine. Que les mots ne nous fassent pas peur ! Il s'agit tout simplement d'adapter la politique pour la mettre en phase avec son temps et la rendre plus attrayante pour cette majorité, pour un temps, encore silencieuse.
    Somme toute, le changement et l'adaptation, dès lors qu'ils répondent à une demande populaire, fût-elle de la minorité, sont les règles fondamentales de toute gouvernance se prévalant d'essence démocratique. Cette aspiration, indéniablement légitime d'un peuple qui continue à voir, plus d'un demi-siècle après le recouvrement de son indépendance, son sang encore couler, ne saurait être, en aucune manière, appréhendée, sauf à être adepte du statu quo et de la stagnation mortifère, autrement que comme un signe révélateur de la vitalité de son corps social.
    Et, c'est parce qu'en démocratie, l'indifférence est péché et son entretien est porteur de périls, qu'elle dispose, en tant que système, d'outils à même d'assurer à tout un chacun le sentiment de son existence en tant que citoyen en lui offrant les voies et les moyens pour faire part de son point de vue sur les problèmes inhérents à la gestion de la Cité. Parmi ces outils, les élections font figure de matrice principale de par leur régularité temporelle et le consensus qui les entoure quant à leur fiabilité pour garantir les transitions politiques pacifiques, pour autant que les règles d'éthique et de transparence et la loi, censées les régir, soient respectées.
    A défaut, ce que confirme le corps entier de l'histoire, elles n'ont de cesse de se pervertir en alibi pour perpétuer des situations de rente politique dont, souvent, seul le pouvoir en place use et abuse, jusqu'à s'isoler irrémédiablement du peuple, avec toutes les conséquences qui peuvent découler d'une telle situation, pouvant aller jusqu'à l'effacement de l'Etat. Montesquieu avait, en son temps, déjà averti que «lorsque dans un gouvernement populaire les lois ont cessé d'être exécutées, comme cela ne peut venir que de la corruption de la république, l'Etat est déjà perdu».
    En démocratie, quel que soit le système électoral en place, il doit répondre en premier à ce qu'il en est politiquement attendu par le pouvoir constitué qu'incarne le peuple… Il était attendu de ces élections de nous aider à nous entendre entre nous Algériens, à abattre le mur de la méfiance entre gouvernants et gouvernés, à rétablir la confiance entre les générations pour une meilleure synergie des actions et une transition politique en douceur, à contribuer à nous sortir de l'impasse économique, sociale et surtout politique, aux allures crisogènes, dans laquelle nous nous trouvions.
    Force est toutefois de constater qu'en l'état actuel des choses, de tout cela il n'en est rien. Bien au contraire, elles nous engouffrent dans une autre impasse aux dimensions historiques. Pessimiste, me diriez-vous ? Je ne demande qu'à être démenti par cette même histoire, pour le bien-être de mon pays.



    Un général à la retraite répond à Boukrouh
    Ghediri Ali Publié dans Le Quotidien d'Algérie le 04 - 09 - 2017


    Général-major à la retraite
    Dans sa dernière contribution parue sur les réseaux sociaux, sous le titre «L'armée algérienne : une muette qui ne veut rien entendre», monsieur Boukrouh Nouredine s'est permis certaines digressions qui ne sauraient laisser indifférent plus d'un, tant le contenu contraste avec l'intitulé. J'ai estimé qu'il fallait lui répondre sur certains points qui me concernent es-qualité. Qu'il n'y trouve pas sujet à polémique, car tel n'est pas mon dessein. L'essentiel étant ailleurs.
    Monsieur Boukrouh. J'ai toujours lu avec une attention et une assiduité particulières vos contributions. C'est plaisant de vous lire. La succulence des sujets que vous abordez n'a d'égale que la beauté du verbe dont vous maîtrisez si bien le maniement. Succulents, vos thèmes le sont, parce qu'il nous importe, en tant que citoyens, de constater que nous ne sommes pas les seuls à ressentir, impuissants — autant que vous —, les meurtrissures que ce pays, pour lequel autant de sacrifices ont été consentis, endure.
    Voyez-vous, le sentiment de partage est en soi réconfortant. Il l'est en ce sens qu'on se surprend à croire profondément que, quelque part, tant qu'il existe des Algériens qui ont cette Algérie chevillée au corps et qui, plus est, l'expriment aussi vaillamment et en de si «belles lettres», comme vous le faites, nous sommes en droit de nourrir de bons espoirs pour ce pays. Somme toute, si abrupte la pente soit-elle, sa remontée, ensemble, la main dans la main, est à notre portée...
    Je vous lis, monsieur Boukrouh, et je ne suis pas sans suivre la trajectoire de votre pensée où j'y perçois beaucoup d'amertume et d'inquiétude par rapport à l'état de notre pays et à son devenir. Je partage avec vous ces sentiments et je ne suis pas le seul à le faire. Je peux même, sans grand risque de me tromper, que c'est ce que ressent la majorité écrasante du peuple, y compris ceux que vous avez qualifiés dans votre contribution de déserteurs de la scène publique et de lâches en précisant toutefois, à qui veut l'entendre, que c'est aux «ex-ceci cela» que vous vous adressez. De ceux-là, je fais partie et je vous réponds en tant que tel. Les «autres» sont assez puissants et qualifiés pour vous répondre à leur manière.
    Décidément, dans notre pays, il est devenu une habitude, voire de bon aloi, de tirer de tout feu sur les «ex-ceci cela». J'ai eu à dénoncer par le passé, à travers les colonnes de ce même journal, cette tendance qui se profilait déjà, lorsque ceux qui, après avoir bu le calice jusqu'à la lie et tiré toute la volupté que procure le compagnonnage des désormais ex., rien que pour s'en démarquer et se rapprocher du maître de céans, se sont mis à mordre la main qui a étanché leur soif. A vous, qui semblez si friand d'adages du terroir, je résume la chose par «Ekh ya maâza, ma fik hlib» (va-t'en chèvre, tu ne donnes plus de lait). Il m'est difficile — et je m'interdis — de vous aligner parmi cette vermine parce que, ne serait-ce que sur le plan intellectuel, vous les surclassez.
    Néanmoins, traiter de lâches ces «ex-ceci cela», c'est non seulement aller vite en besogne, mais c'est faire preuve d'incorrection et de méconnaissance de la réalité nationale, voire de malhonnêteté intellectuelle. Et ce serait insulter votre intelligence que de vous rappeler que par la force de la loi dont vous avez évoqué la promulgation, ces «ex-ceci cela» ne sont plus des citoyens à part entière dans cette Algérie du XXIe siècle... Vous, vous l'êtes. Le droit de s'exprimer sur la chose publique leur est désormais interdit, au risque de poursuites pénales... Malgré cela, ils continuent à dénoncer ce qu'ils considèrent attentant à ce pays et à son peuple. Ils le font publiquement, ici, en Algérie, à Alger. Ne croyez surtout pas, Si Nouredine, qu'ils n'en payent pas le prix ! Ils le payent chèrement. Y compris leur progéniture et leur famille y passent. Vous, monsieur Boukrouh, qui ne courez pas ce risque, osez ! Sacrifiez vos enfants et vos proches comme nous le faisons et traitez-nous par la suite de lâches, ou plus, si ça vous chante ! Ces «ex-ceci cela», s'ils tenaient à leur confort matériel, comme vous les accusez, ils auraient agi comme tant d'autres.
    Et, contrairement à ce dont vous semblez être convaincu, ils ne se sont pas enrichis, ils vivent de leur pension de retraite pour la plupart. Ils vivent ici dans leur bled, citoyens, parmi leur peuple, leur «ghachi» avec lequel ils se confondent, et dont ils partagent le bonheur, les vicissitudes et les inquiétudes. Ils vivent avec la certitude du devoir accompli après avoir assumé leur rôle d'élite, dignement, sans tapage, avec responsabilité, refusant la platitude et l'asservissement. Ils n'ont fait allégeance à personne.
    Leur seul crime est d'avoir refusé de faire partie de l'orchestre jouant la symphonie des louanges qui n'a d'autre fin que celle de faire mouvoir le bal des ego. Que ceux qui n'ont de cesse d'accorder leurs instruments pour jouer la bonne partition n'y aillent pas de main morte dans ce monde de paillettes où l'apparat l'emporte sur la consistance. Et, si tel est leur choix, nous ne pouvons que le respecter. Qu'ils y excellent et que grand bien leur fasse. Quant aux autres, ces «ex-ceci cela», s'ils ne l'ont pas fait, c'est par conviction. Car telle est l'expression de leur honneur militaire, de leur courage de soldat, de leur dévouement à la patrie et de leur conscience nationale que vous semblez ne percevoir que par la négation. Ne serait-ce que par égard à une aussi noble posture, ils ne méritent pas qu'on attente aussi violemment à leur dignité. Les mots sont porteurs de sens.
    Décidément, la sagesse semble avoir pris la terrible décision de déserter nos contrées. Tournant le dos à la nation, elle l'a laissée livrée au désarroi et au désespoir... Désemparées, les masses succombent facilement dans la crédulité. Désormais, on leur fait tout admettre. C'est ainsi que l'envers se substitue à l'endroit, le pire au meilleur et la subsistance à la vie. Et, dans pareil décor, que l'on ne s'étonne pas de voir que les héros d'hier soient traités de lâches !
    Monsieur Boukrouh, les «ex-ceci cela» ne sont pas les «suppôts» du pouvoir. Ils ne sauraient l'être pour les raisons objectives, qu'en tant qu'ex-président d'un parti politique et ex-ministre sous ce même régime, vous ne pouvez prétendre les ignorer. Vous voyez, monsieur l'ex-ministre, de ce pouvoir que vous n'avez de cesse de décrier, qu'en matière d'«ex-», vous faites partie du lot de l'infamie. Pourtant, personne n'a osé vous traiter de lâche. Réfléchissez à la question. Peut-être que le champ de la lâcheté n'est pas celui que vous avez désigné dans votre écrit.
    Ce n'est sûrement pas à un homme de votre trempe que je vais faire un descriptif du pouvoir. Vous en avez fait partie. Aussi n'êtes-vous pas sans ignorer que le régime, s'il survit, ce n'est pas tant parce qu'il est porté par une base populaire majoritaire, encore moins par la fidélité sans faille de ceux qui se prévalent d'en être les partisans inconditionnels, mais davantage par l'esprit de servilité qui anime ces derniers, mus qu'ils sont par l'appât que constitue la rente dont le pouvoir seul détient les cordons.
    Somme toute, ils n'en sont qu'une excroissance, des pseudopodes sans d'autres horizons que celui qui les maintient en vie. Laudateurs, leur hauteur de vue ne peut dépasser la taille du rocher vivier... celle de leur maître du moment. Ils l'érigent en leur source d'inspiration. Ils épousent les contours de son discours, veillant toujours à l'amplifier sans se soucier de sa consistance. C'est le terreau par excellence d'où ils puisent leurs idées pour embellir davantage leurs propres discours forcément flatteurs, monoproduction vivrière de leur terre stérile.
    Quant à l'ANP, j'aurais aimé ne pas en parler. Elle a ses tuteurs, que vous semblez avoir pris grand soin à ménager, préférant vous attaquer aux ex-. Mais, si j'en parle, c'est parce que vous avez lié sa puissance aux seuls aspects technologiques. C'est donc sur un plan strictement technique que je vais aborder le sujet. J'y ai passé quarante-deux années de ma vie. Pour y avoir passé vingt-six mois et avec le background intellectuel qui est le vôtre, vous n'êtes sûrement pas sans savoir que toute armée nationale est une institution et, en tant que telle, elle repose sur un socle de valeurs.
    Celles dont se prévaut l'ANP sont les valeurs que la glorieuse ALN lui a laissées en legs. Elle les a faites siennes. Et ce n'est nullement un hasard qu'elles aient été sanctifiées par le statut général des personnels militaires. Il s'agissait, dans l'esprit de ses initiateurs, de consacrer statutairement une fidélité aux idéaux de la grande Révolution de Novembre. Sans être exhaustif, j'en cite les plus déterminantes tels que l'esprit de sacrifice, l'abnégation, le don de soi et le désintéressement matériel.
    Ce sont les valeurs qui par leur caractère mobilisateur amplifient les déterminations des individus et des groupes sociaux. Elles leur font transcender leur faiblesse, y compris d'ordre technologique. Grâce à elles, les nations, dont la nôtre, se sont libérées et qui, une fois l'indépendance acquise, ont servi de ferment à leur développement économique et à leur évolution sociale. La technologie n'est qu'un moyen que la volonté des nations d'aller de l'avant finit, nonobstant les difficultés, par maîtriser. Les exemples à travers la planète sont légion. Quant à l'usage qu'on en fait, ceci relève d'une autre problématique. Il en est autant d'ailleurs des peuples.
    «Les choses qui vont sans dire allant mieux en les disant», aviez-vous postulé dès l'entame de votre contribution, avant d'appeler que des voix fortes appellent à la sagesse et à la conscience patriotique des responsables. Le ton dont vous usez pour vous adresser à ces derniers contraste singulièrement avec celui auquel ont eu droit les «ex-ceci cela», quoique les premiers, en toute logique, sont plus à même de mériter votre ire pour leurs manquements à l'égard de l'Etat, de la nation et de l'Etat-nation qui pâtissent dangereusement de leur mode de gouvernance, que vous n'avez d'ailleurs de cesse de dénoncer.
    Il s'agit de toute évidence d'un recul, tactique ou stratégique, c'est selon votre trajectoire. Je vous l'accorde. Il est plus aisé de tirer à boulets rouges sur des ex- que sur les maîtres du moment. Où est l'honneur et où est le courage dont vous avez pourtant dénoncé l'absence chez les ex- ? Tel est mon constat. Je vous le livre tel que je le ressens.
    Quant à votre appel devant émaner «min djiblina wa min soudourina», à mon avis, l'Algérie, contrairement au Nouveau Monde et à d'autres contrées, n'est le fait ni d'explorateurs, ni de pionniers, ni de quelque responsable vivant si vaillant soit-il. Son peuple n'a pas jailli ex-nihilo. Il était là sur cette terre, sa mère nourricière, la cultivant, la travaillant et la défendant lorsque l'étranger voulait la lui ravir. Il l'a abreuvée, depuis Gaïa, de son sang.
    Du sang, elle en regorge. Elle est le fait d'une lutte continue d'un peuple pour sa liberté. C'est précisément cette continuité qui a forgé en lui cette humeur collective que Germaine Tillion, dans une approche comparative avec nos voisins maghrébins, qualifie d'extrêmement revendicative et peu portée à l'abdication. Autrement dit, cet esprit de résistance, ce germe de rébellion qu'il porte en lui et qui, tel un gène, est transmis de génération en génération. Cet esprit de vaillance et de rébellion n'est pas sans forcer l'admiration des autres à notre égard, nonobstant nos défauts. Pour ma part, je reste persuadé que c'est cet esprit qui prévaudra lorsque l'heure des grands choix sonnera.
    Ceci étant, s'il fallait qualifier quelque groupe social de lâche, l'attribut aurait convenu davantage à toute une génération — la vôtre, la mienne — qui n'a pas su — ou pu — assumer le rôle historique qui lui échoit. Cette génération qui a, sans cesse, tourné le dos à l'histoire. Elle s'est toujours dérobée derrière des subterfuges que seuls les lâches sont capables de produire à satiété pour justifier leur manquement face à ses sempiternelles interpellations.
    Aussi, monsieur Boukrouh, s'il fallait à tout prix faire endosser ce vil qualificatif à une catégorie, c'est bien à notre génération, notamment à son intelligentsia, qui n'a pas su faire montre de responsabilité. Vous en faites partie autant que moi. C'est derrière ce rempart que se terrent le désordre constitutionnalisé et le despotisme institutionnalisé que vous dénoncez. Nous sommes tous responsables devant l'histoire d'avoir accepté — car qui ne dit rien consent — l'accaparement de notre identité nationale par une minorité, de notre religion par une bande d'illuminés enragés, de notre histoire par une génération et de nos richesses par une oligarchie.
    Pour ma part, je reste convaincu que nul n'a le monopole de l'amour de ce pays, autant les individus que les générations et que, s'il fallait reconnaître une pérennité, après celle d'Allah, c'est celle de l'Algérie. Œuvrons, par-delà nos différences et nos convictions, à sa sauvegarde, même s'il faille consentir le sacrifice suprême. Telles sont les limites que ceux que vous qualifiez de «lâches» sont prêts à franchir.
    Je termine par une citation d'Albert Camus, que j'estime bien «coller» au sujet : «Pour qu'une pensée change le monde, il faut d'abord qu'elle change la vie de celui qui la porte. Il faut qu'elle se change en exemple.»




    Lettre aux aînés

    Ghediri Ali Publié dans El Watanle 22 - 11 - 2018

    Mon introduction sera longue. Il ne s'agit point d'une option. La nature du sujet implique que l'on déroule le passé avant d'aborder l'avenir. Et, il est toujours difficile d'évoquer le passé sans heurter les sensibilités, notamment lorsqu'il s'agit d'énoncer des vérités, que d'aucuns ne manqueront pas de trouver blessantes…
    Il l'est autant d'affranchir les autres, a fortiori ses aînés, tant l'ancien, de tout temps, a incarné dans notre imaginaire la figure du sage, et, chez nous plus qu'ailleurs, celle du sauveur, du libérateur. En notre for intérieur, nous sommes convaincus que nous leur devons beaucoup, si ce n'est tout.
    Peut-être est-ce pour cela que nous cultivons à leur égard tant de révérence et déférence. Telle est notre histoire. Nous l'assumons et nous en tirons l'indicible fierté. Est-ce pour autant une raison pour leur taire la vérité ? Ce serait, à mon sens, trahir les commandements et les valeurs qu'ils nous ont eux-mêmes inculqués et que nous avons fini par faire nôtres.
    Si je m'adresse à vous, en ce moment précis de notre vie nationale, c'est parce que je considère que l'heure de se dire autrement les choses est venue et qu'il est impératif de le faire aujourd'hui, car demain il sera trop tard. Notre pays est à la croisée des chemins.
    Ceci implique des postures dont chacun de nous sera comptable devant l'Histoire. Nous nous devons d'agir pour que l'Etat soit ! Pour que l'Algérie soit ! Pour que la flamme qui naguère avait éclairé le chemin de la liberté pour notre peuple et donné corps à notre nation puisse continuer à le faire pour toutes les générations d'Algériens, présentes et à venir !
    Cet appel, qui se veut davantage un cri du cœur que je lance à votre attention, vous, la génération de Novembre, celle de nos aînés, celle des artisans de notre passé, commandeurs de notre présent et potentiels garants de notre avenir, j'en suis convaincu, vous le comprendrez !
    Pères et frères aînés,
    Votre génération était là lorsque l'histoire l'a interpellée. C'est tout à son honneur. Elle a arrosé de son sang les graines de liberté que d'autres générations avant elle, depuis 1830, avaient semées à tout vent. Le 8 Mai 1945 les a fait germer, la Révolution du 1er Novembre 1954 les a fait éclore.
    Œuvre titanesque, que les Pères fondateurs, visionnaires, ont, d'emblée, refusé d'en faire supporter le poids qui allait être le sien à la poignée d'hommes qu'ils étaient et à leur génération. L'auraient-ils fait, elle aurait été assujettie à la temporalité…
    En toute humilité, ils l'ont voulue impersonnelle et intemporelle, pour qu'elle leur survive et que son esprit imprègne les générations à venir. En toute conscience, ils l'ont fait endosser au peuple. «Un seul héros, le peuple !» ont-ils décrété et il en a été ainsi.
    La foi, l'engagement, l'abnégation et l'esprit de sacrifice, tel a été leur credo. Ils ont cru en leur cause au point de tout mettre à son service, leur jeunesse, leur vie et leurs biens. Ils se sont érigés en exemples. Connaissant profondément leur peuple, de l'exemple ils ont fait une véritable stratégie, l'essence même de cette grande Révolution.
    Pères et frères aînés,
    Toute Révolution est par définition féconde par sa dynamique historique et l'espoir du meilleur dont elle est potentiellement porteuse. Les géniteurs de la Révolution du 1er Novembre 1954 en ont fait, dans l'élan nationaliste et l'engagement sincère qui étaient les leurs, une œuvre grandiose, d'un grand dessein, transcendant les époques, les générations et les hommes.
    Une entreprise de longue haleine, un héritage éternellement inachevé, que chaque génération qui le reçoit en legs, dans l'impossibilité de la parachever, était dans l'obligation morale de le passer, tel un relais, à la suivante, pour qu'elle le marque de son sceau avant de le transmettre à celle qui lui succède, pour en perpétuer l'esprit et la lettre. Ils l'ont imaginée en modèle de lutte d'un peuple pour sa liberté.
    Ils l'ont conçue libératrice, fondatrice d'une nation, d'un Etat, d'un Etat-nation, à la fois libre, prospère, social et fondamentalement démocratique. Elle a transcendé leur dessein premier, pour devenir un modèle d'émancipation, d'espérances et d'édification pour tous les peuples victimes d'oppression et de déni. Elle s'est désormais inscrite dans la trajectoire de l'universel… de la pérennité.
    Ces valeurs avaient façonné la nation algérienne et l'Etat national naissant. Elles ont constitué le socle idéologique du système politique de l'Algérie indépendante et largement contribué au maintien de l'équilibre social au lendemain de l'indépendance. Ce marquage révolutionnaire a été relativement saillant et n'a pas été sans déteindre sur le fonctionnement de l'appareil de l'Etat, toutes institutions confondues, notamment pendant les toutes premières décennies.
    La collégialité dans la prise de décision – qui n'exclut nullement l'existence de divergences et de tiraillements internes – était de mise. Le «nous» subrogeait alors le «je» du tenant du pouvoir du moment. Les «qararna !» (Nous avons décidé !) résonnent encore dans l'oreille de ceux qui ont vécu cette période.
    Et, s'ils s'en délectent encore, c'est parce que, systématiquement, l'action n'était pas sans suivre la parole. L'«esprit pluriel» s'imposait en culture dans le discours politique de l'époque au point où l'usage du singulier devenait problématique, voire appréhendé comme une expression de déviationnisme de la trajectoire révolutionnaire.
    Il s'agit d'appréhender cette posture dans le contexte de l'époque où, notamment en Afrique, en Asie et dans le monde arabe, des leaders étaient portés aux nues… divinisés, pourrait-on dire ! En Algérie, nous les raillions tant la Révolution avait cultivé en nous l'esprit de la collégialité …
    Dans notre imaginaire politique collectif, il n'y avait pas de place pour l'homme, quel qu'il soit… Notre sujet était idéologiquement pluriel. Les «Six Immortels», conscients du poids de leur œuvre et soucieux de la pérennité de ses effets, en avaient décidé ainsi et les dirigeants et le peuple algérien de l'époque s'y sont conformés.
    Peut-être était-ce là l'une des raisons de la réussite de nos gouvernants dans les premières décennies de l'indépendance. En effet, cette période difficile, où tout manquait, n'en était pas moins féconde en réalisations, tant l'engagement de l'élite politique, par-delà le caractère anti-démocratique de son avènement, était total et ses convictions sincères.
    Elle a su rendre le peuple partie prenante dans tout ce qu'elle a entrepris. En l'associant à ses choix, elle a su insuffler en lui l'espoir, qu'il lui a rendu en l'investissant de sa confiance et de son soutien indéfectible dans l'effort collectif de l'édification nationale, caractéristique indélébile de ces années.
    Cette période a indéniablement fortement déteint sur le rapport des Algériens envers le pouvoir et l'Etat. Et, peut-être, est-ce là l'une des raisons qui font, qu'à ce jour, le peuple algérien continue à percevoir le premier à travers sa pluralité, et le second à travers sa dimension de puissance publique et, peut-être plus qu'ailleurs, celle de régulateur social.
    Et, parce que les Algériens vivent l'Etat comme une émanation de leur Révolution, leur marge de tolérance par rapport aux manquements de ceux qui sont censés le servir est réduite.
    D'eux, le peuple attend exemplarité, vertu et respect des valeurs. Ce peuple ne peut concevoir, encore moins tolérer, son Etat national atrophié, personnel, corrompu, défaillant ou absent. Ce sont là les exigences de tout grand peuple. Et, c'est parce que les peuples sont par définition réactifs qu'un grand peuple est en droit d'exiger de son Etat d'être à la mesure de ses aspirations.
    Pères et frères aînés,
    Ce serait faire preuve d'une impardonnable ingratitude que de ne pas reconnaître les saines ambitions que vous avez nourries à l'égard de ce pays et les réalisations portées à l'actif de votre génération. Devrait-on pour autant taire les déviances que notre pays est en train de vivre sans s'inscrire en faux avec les fondamentaux de notre Révolution, ceux-là mêmes que vos propres compagnons chouhada vous ont laissés en legs ? Si tel devait être le cas, le silence relèverait de la pure trahison.
    Pères et frères aînés,
    Autant nos vaillants martyrs se sont inscrits dans la postérité par le sacrifice suprême, autant la majorité de ceux qui ont contribué à la libération de ce pays se sont investis avec dévouement et abnégation dans le processus de son édification, autant une minorité, se prévalant de leur appartenance à cette honorable génération, par leurs agissements, donnent l'impression qu'ils s'inscrivent charnellement dans l'anhistoricité.
    Ils s'érigent en éternels gardiens du temple, propriétaires exclusifs d'un récit national que le Mouvement national avait pourtant entamé avant de le transmettre à leur génération, pour, qu'à leur tour, ils en fassent de même avec leurs descendants. De ce récit, ils se sont emparés, par-devers la majorité silencieuse au sein de leur propre génération, pour perpétuer leur règne, dussent-ils transcender les lois de la nature.
    Séduits par le seul pouvoir et emportés par le tumulte que produit l'orchestre des thuriféraires à leur adresse et l'ivresse que leur procure leur discours dithyrambique, ils ne se sont pas rendu compte que leurs carrières, après avoir érodé celles de leurs propres enfants, emboîtent celles de leurs petits-enfants qui, de plus en plus, cultivent le sentiment de ne pouvoir les remplacer un jour…
    La trajectoire de leurs parents, sexagénaires et septuagénaires, mis souvent prématurément au rebut, est là pour les pousser au désenchantement. Désorientés et désespérés, ils prennent le chemin de l'exil, qui, diplôme en main, par le vol régulier, qui, nourri par le désespoir, par la harga dans une felouque de fortune !
    Au lieu d'insuffler en eux l'espoir en un avenir meilleur, ils persistent à leur tenir le même langage que celui dont ils ont abreuvé leurs parents, partis à la retraite, convaincus, de guerre lasse, qu'ils étaient encore trop «jeunes» et que la chefferie, en toute légitimité, revenait à ceux-là mêmes qui les ont recrutés. Dans tout ce magma générationnel, c'est la persistance dans l'erreur qui pose problème beaucoup plus que l'erreur en soi. Qu'on en juge !
    Pères et frères aînés,
    A l'orée du soixantième anniversaire de l'indépendance et dans la perspective des joutes électorales de 2019, jouant sans retenue aucune les codes de l'histoire, nous voilà, peuple algérien dans toute sa splendeur, faire figure de Diogène le Cynique, ce philosophe grec, qui, en plein jour, sa lanterne à la main, parcourait les rues d'Athènes à la recherche de l'homme-providence.
    Cette minorité, qui par ses déclarations intempestives sonnant la fausseté et ses agissements frisant l'indécence n'est pas sans altérer l'image de cette génération d'exception qui est la vôtre, a transcendé le pari de la mort, déifiant l'homme et réifiant Dieu, au motif d'une fidélité affichée qui cache mal les desseins des uns et des autres.
    Le peuple n'est pas dupe, encore moins amnésique. Il connaît les siens. Il sait qu'ils seront, le moment venu, les premiers à crier haro sur le baudet et user de leur talent de laudateurs pour fustiger celui qui n'est plus et porter aux nues le nouveau maître de céans, en faisant mine de n'être en rien responsable de quelque passif que ce soit.
    Contrairement à ceux-là, les Algériens authentiquement nationalistes sont convaincus que la terre qui a enfanté Gaïa, Massinissa, Jugurtha, Takfarinas, El Kahina, Lalla Fatma N'soumer, Abdelkader, les «Six Immortels», le million et demi de martyrs et ceux qui ont suivi leur voie pour que ce pays ne tombe pas dans les ténèbres du Moyen Age, et tous ceux qui se sont sacrifiés et continuent chaque jour à le faire, pour que cette nation soit, ne saurait devenir subitement stérile et qu'elle est tout aussi féconde de patriotes intègres, compétents et chérissant ce pays par-dessus tout. Ils sauront le défendre et défendre ses acquis, si nécessaires, au prix de leur vie. Des Hommes, l'Algérie en a enfantés et elle en enfantera !
    Pères et frères aînés,
    Ailleurs, sous d'autres cieux, face à des situations similaires, on dresse les bilans pour situer les responsabilités. Pour ma part, je ne parlerai ni de l'érosion de nos valeurs, ni du désespoir de notre jeunesse, ni de la fragilisation des institutions, ni de l'état dans lequel se trouve l'école algérienne, ni de notre système de santé avec le surgissement de pathologies relevant d'autres âges, de l'insalubrité de notre environnement, ni de l'insécurité à laquelle sont exposés quotidiennement nos concitoyens, ni du trafic et de la consommation de drogues de plus en plus dures, ni du phénomène de la harga, ni de la dépréciation historique du dinar face aux monnaies nationales de nos voisins – encore moins face au dollar ou à l'euro –, ni du taux de chômage, ni de l'inflation galopante, ni de la fuite des cerveaux, ni du fléau endémique de la corruption qui ronge notre société et nos institutions, ni du népotisme, ni de la fraude électorale, ni des restrictions des libertés individuelles, ni de l'effilochement du lien social, ni du déphasage générationnel qui place dos à dos gouvernants et gouvernés ; ni de la crise économique, ni de, ni de… Ma génération n'étant pas fondée pour le faire. Vous en avez décrété l'immaturité. J'opte pour le silence.
    Pour autant, s'il est admissible de vous avoir laissés seuls juges et acteurs de tout ce que vous avez entrepris, il ne l'est point, pour ce que certains, d'entre vous, comptent entreprendre.
    Il y va de notre présent, de l'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants, autrement dit de celui de vos propres enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants qui risquent de payer les frais d'un choix qu'une minorité tente, si rien n'est fait pour l'en empêcher, de lui imposer, ouvrant les portes du pays à une crise dont on évalue mal l'ampleur.
    Cette crise, dont nous vivons déjà les prémices, ne constitue pas une fatalité en soi. Et, qu'on se détrompe, elle n'est pas due à l'effondrement du système politique mis en place depuis l'indépendance. Elle est surtout due à l'incapacité – ou à la volonté – de ceux qui en ont été à l'origine, de lui avoir prévu un autre en substitution.
    C'est le vide ainsi créé qui est en train de faire le lit de cette crise multidimensionnelle dont les contours, sans préjuger de ses retombées, se précisent chaque jour qui passe. C'est dire que la myopie politique, dont certains font preuve, est en soi dévastatrice !
    Pères et frères aînés,
    Les signes annonciateurs de l'épuisement de ce système sont pourtant là. Depuis plus de trois décennies, il n'a eu de cesse de donner les signes avant-coureurs de ses limites. Son sauvetage aurait été possible si votre génération avait pensé, à temps, à sa régénération intelligente et diligente en l'ouvrant à la jeunesse.
    Il aurait été ainsi mis en phase avec son temps et adapté en conséquence, pour mieux répondre aux exigences de son environnement. L'option pour sa fermeture l'a mis hors temps et exposé à l'archaïsme qui a fini par le rogner. Entropique, incapable de se réformer et d'assurer sa propre régénérescence, il est mort de sa belle mort !
    Cette minorité qui s'agite à tout vent est la seule à en ressentir encore le souffle et ce n'est certainement pas l'acharnement de ce qui lui fait office de vecteur idéologique, convaincu qu'il est que, parce qu'il a tenu, il tiendra, qui le ressuscitera. Arrivé désormais lui-même au terme de son histoire, il a perdu ses conditions de possibilité de quelque mobilisation que ce soit. Coupé de sa base et réduit à un appareil à la composante populairement contestée, il n'œuvre qu'à veiller un corps en totale décomposition.
    Et, ce n'est pas la seule opacité qui caractérise ce système, qui entoure aussi bien ses acteurs que son mode de fonctionnement, qui conditionne le positionnement de ses défenseurs les plus zélés. C'est, fondamentalement, la rente dont il est le distributeur exclusif qui motive au premier degré ceux qui s'entêtent à vouloir le ressusciter.
    La grande majorité considère, quant à elle, qu'il suffit d'identifier les acteurs de ce système, d'analyser les interactions qui s'y produisent, de déceler la nature et l'incohérence qui les caractérisent et d'apprécier les conditions dans lesquelles elles s'opèrent, pour se convaincre de sa finitude.
    Pères et frères aînés,
    Je reste fermement et intimement persuadé que tel n'était pas le dessein de votre génération. Néanmoins, bien que ce soit une infime minorité des vôtres qui en soit responsable, c'est à votre génération que l'histoire, dans son entêtement légendaire, fera endosser cet échec.
    Si le mot est trop fort, vous êtes en droit légitime de le récuser. Si j'en use, c'est par défaut. Sinon, comment qualifier cette démarche suicidaire dont cette minorité, forte d'une logique dont elle est la seule à en apprécier le bien-fondé, est déterminée, non seulement à ne pas s'en départir mais, pire encore, à chercher à l'imposer au peuple ? Ses choix et ses points de vue font figure, elle les clame en axiomes que le peuple, à ses yeux, immature, est tenu d'accepter comme tels.
    Ces égocentristes sont loin de se rendre compte qu'ils sont aux antipodes du courant éminemment nationaliste et qu'ils sont en train d'obérer les chances de l'Algérie d'être là où son histoire, sa géographie, ses ressources avérées et son potentiel stratégique la prédestinent.
    Sont-ils conscients que, par ce qu'ils sont en train d'entreprendre, ils ne font rien d'autre que d'élargir, au point de le rendre infranchissable, le fossé entre l'Algérie et son environnement, accentuant dangereusement notre déphasage politique, social, culturel, scientifique, technologique et économique par rapport au reste du monde ?
    La stratégie pour laquelle a opté cette minorité est celle du pouvoir et non celle de la gouvernance. Elle agit comme si les deux stratégies étaient inconciliables alors que, d'évidence, si la seconde est bien menée, elle n'est pas sans consolider ce qui la préoccupe en premier, le pouvoir.
    En guise de gouvernance, elle use de la rente comme moyen privilégié de sa politique, corrompant délibérément les esprits et sapant par là même la valeur capitale sans laquelle aucun peuple ne peut se relever de sa condition première : l'effort. Elle a dispensé le peuple algérien du travail en contrepartie de ses applaudissements approbateurs et de sa prosternation devant le donateur.
    Naguère rebelle, elle l'a asservi et perverti. Et, c'est non sans peine et serrement de cœur que nous le voyons verser dans le lyrisme pour déclamer les vertus du tenant des cordons de la bourse nourricière, lui naguère si fier. Ainsi, en se démenant à défendre son régime nourricier, elle a enfermé la société civile dans le carcan avilissant de l'approbation.
    Ce faisant, elle a vidé la nation de sa substance créative et érodé ses capacités de réprobation et de résilience. Elle a inoculé au pays le conservatisme et l'immobilisme jusqu'à l'overdose. Plus est, par la marginalisation du peuple, elle en a fait un fardeau inerte dont l'Etat peine à supporter la charge. N'étant pas partenaire, il n'a de cesse de contribuer davantage à l'érosion de son autorité qu'à la raffermir.
    Notre cohésion nationale est mise à rude épreuve. De notre patrimoine, nous en sommes dépossédés tant notre identité est happée par les forces centrifuges et nos valeurs, qui ont naguère fait notre force et tenu le pays debout contre vents et marées, vacillent. L'Algérie est sous l'emprise du doute.
    Aucun domaine n'est épargné. La stagnation et le miasme, source de désespoir et de reniement, appréhendés comme fatalité, sont en train d'envahir notre imaginaire collectif. Et ce n'est pas sans angoisse, regret et amertume que nous assistons, impuissants, à des pays insignifiants nous tailler des croupières et jouer le rôle que le destin nous a pourtant si généreusement dévolu.
    Pères et frères aînés,
    Notre Patrie a besoin d'un souffle nouveau, de sang nouveau, d'alternatives courageuses que les anciennes recettes ne peuvent lui procurer. Elles ont montré leurs limites. Elles ont anémié la nation et mené le pays à l'impasse.
    L'Algérie a besoin d'être mise en phase avec sa destinée et c'est en toute légitimité que son peuple aspire à un changement salvateur que seule une réelle rupture, sans reniement, est capable de lui apporter. Cette République a besoin d'une réelle refondation démocratique et d'une totale reconfiguration institutionnelle dans le moule d'un projet de société, dont le peuple aurait participé à la définition de la philosophie autant qu'à la mise en œuvre.
    Il s'agit de refonder l'Etat national pour en rationaliser le rôle et rendre le fonctionnement de ses institutions authentiquement démocratique ; d'insuffler et de raffermir la culture citoyenne ; de placer le droit au centre des rapports entre citoyens et entre gouvernants et gouvernés ; d'élaborer et de mettre en œuvre une véritable politique territoriale équilibrée et inclusive ; de redresser, moderniser et transformer l'économie nationale pour la rendre réellement productive, compétitive, diversifiée et mettre fin à sa dépendance exclusive des hydrocarbures ; de réformer l'école pour en faire le véritable creuset de la citoyenneté et la rendre performante, moderne, ouverte sur la société et sur le monde ; de libérer les initiatives ; de rendre l'espoir à notre jeunesse et la réconcilier avec son «moi» national en encourageant sa promotion sociale et professionnelle et en lui facilitant l'accès aux postes de responsabilité, sans exclusive aucune, au vu des seuls critères de compétence et de performance ; de réformer le système national de santé ; de promouvoir la culture nationale ; de doter l'Algérie des attributs de sa puissance régionale pour qu'elle puisse assurer son intégrité et contribuer à la paix mondiale et, par-dessus tout, réhabiliter nos valeurs nationales sans lesquelles aucune action salvatrice ne saurait être envisagée. Telles sont les exigences du moment que seul un passage de flambeau entre générations dans un climat apaisé est à même de réaliser.
    Car, dans un environnement aussi dangereux que volatil, où le danger mue en menace sans transition aucune, où la variable de l'incertitude s'impose comme constante, l'affronter avec pour seul viatique un passé, si glorieux soit-il, c'est exposer la nation à la disparition.
    Pères et frères aînés,
    Vous vous posez certainement la question sur les raisons de ma démarche et la rudesse du discours. Il s'agit d'un appel du cœur, que j'ai voulu direct, franc, sincère et loyal, en totale opposition avec ce dont vos thuriféraires vous ont habitué. J'espère, par son biais, éveiller en vous, à la veille de l'élection présidentielle de 2019 qui s'annonce d'une importance capitale, voire vitale, pour le pays, l'indispensable compréhension dont il vous appartient de faire preuve envers ce peuple que les feux du désespoir sont en train de consumer et, par là même, vous faire prendre conscience des retombées néfastes qu'un entêtement à vouloir lui imposer quelque choix que ce soit pourrait produire.
    La construction ou la destruction d'un avenir désiré par les générations de vos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, car c'est de ceux-là qu'il s'agit, dépendent de cette échéance et restent, dans une large mesure, attelées à votre niveau de conscience. De votre aptitude, de votre sens de la responsabilité, de votre capacité à vous assumer en tant que génération, dépend l'avenir de notre pays. Votre responsabilité historique est encore une fois, et plus qu'auparavant, totalement engagée.
    Je reste convaincu que vous êtes les seuls, tant qu'il est encore temps, à pouvoir changer le cours des choses avant que le feu ne prenne. Vous êtes les seuls à pouvoir prodiguer vos sages conseils à ceux, parmi les vôtres, qui, disposant encore des clés pour une douce solution à cette grave crise multidimensionnelle qui s'annonce, sont à même d'éviter le pire à ce pays. Vous êtes les seuls à pouvoir les faire sortir de cette posture d'entêtement génératrice de violence. Vous êtes les seuls à pouvoir les convaincre de transcender leurs egos respectifs au profit d'une transition générationnelle pacifique du pouvoir.
    Vous avez été les maîtres d'œuvre d'une Révolution qui a fait école, l'opportunité historique se présente – une ultime fois – à votre génération pour apposer son sceau pour l'éternité sur le parchemin de l'histoire de cette nation. Faites que ce soit dans le bon sens. Certains pays amis nous ont montré la voie, nous pouvons l'emprunter pour le salut de notre nation et… pourquoi pas, ne pas leur ravir l'exemple.
    Le naufrage de l'Algérie ne peut être conjuré que par l'effort et la volonté et tous ses enfants. Plaçons l'avenir de nos descendants et le destin de l'Algérie par-dessus tout et, la main dans la main, amorçons l'indispensable refondation de cette Algérie, qui nous est à tous si chère.
    Si vous êtes, en toute légitimité, en droit de vous prévaloir du monopole du combat libérateur, l'amour de cette Algérie, nous l'avons tous en partage ! Agissons ensemble pour la préserver !
    Gloire à l'Algérie ! Gloire à nos martyrs !



    Lettre au Frère Président Abdelaziz Bouteflika

    El Watan du 06 décembre 2018
    Si je m’adresse à vous précisément en ce moment par le biais d’une lettre ouverte, c’est que la situation le requiert. Je ne pouvais en effet faire taire davantage ces pulsions qui nourrissent mes insomnies, tant l’avenir de ce pays m’importe autant qu’à tout le peuple algérien. Il ne peut en être autrement eu égard aux perspectives qui se présentent et aux enjeux dont elles sont porteuses qui ne sauraient ne pas alimenter le débat.
    Frère Président, il y a bientôt quinze ans, lors d’un entretien que vous aviez permis à l’occasion d’une séance de travail avec Votre Excellence, je vous ai parlé de la nécessité de la rupture et de celle d’investir le corps de la jeunesse de votre confiance… Vous aviez alors fait montre de réceptivité franche et de bonnes dispositions à l’égard de ce segment de la nation, sain et prometteur et de l’idée de changement.
    Je vous le redis maintenant, dans d’autres circonstances et en d’autres termes, mais toujours avec la même conviction, parce que je persiste à croire obstinément que telle est la voie du salut pour ce pays. En 2012, votre discours, qui a porté sur la nécessité et l’inéluctabilité de la transition générationnelle m’avait alors donné espoir, comme à des millions d’Algériens, que l’ère du changement était enfin advenue. Vous étiez sincère et tel était le fond de votre pensée.
    Vous l’auriez fait, le peuple en est persuadé, n’étaient les aléas de la vie… Ce sont ces arguments qui font qu’il soit fondé de refuser d’admettre que vous seriez, à quelque titre que ce soit, un obstacle au changement et ce sont les mêmes raisons qui vous poussent à vous opposer à ceux qui échafaudent des stratégies de pérennisation d’un règne dont vous-même aviez dénoncé les limites.
    Le peuple, vos convictions, il les a faites siennes. Il se fait votre porte-voix, témoignant ainsi devant l’histoire que la revendication pour le changement, vous en avez été le précurseur.
    Frère Président, vous avez assez fait pour ce pays pour lequel vous avez sacrifié votre jeunesse et, adulte, votre santé, pour qu’une minorité se serve de votre image, de votre passé et de l’affect populaire à votre égard pour monter des stratagèmes qui n’ont d’autre finalité que d’assouvir des desseins d’accaparement d’un pouvoir qu’elle sait hors de sa portée par les voies normales.
    C’est là où se situe la déviance. Cela ne saurait se faire sans péril pour la nation, traversée qu’elle est par de graves incertitudes quant à son avenir et à son unité et, paradoxalement, plus que jamais déterminée à mettre à profit les joutes électorales de 2019, pour amorcer ce changement qui transcende les personnes et auquel vous aviez appelé. Cette aspiration à la rupture que recelait votre discours est désormais celle du peuple.
    C’est dire que le peuple est en phase totale avec votre appel de Sétif et s’il s’en fait l’écho à la veille des élections projetées, c’est qu’il l’endosse comme cause. Telle est sa posture et, parce qu’il en est ainsi, il serait dangereux pour la stabilité du pays de ne pas en tenir compte. Vous avez toujours été à son écoute, je reste convaincu que vous demeurerez attentif à ses réactions.
    Frère Président, vous méritez mieux que de servir de gué pour des aventuriers sans scrupules, rôle que certains, nullement représentatifs de ce peuple, semblent vouloir vous assigner. Votre passé vous place au-dessus de la mêlée. Votre destinée vous prédispose pour être ce lien, ce trait d’union historique, ce pont entre deux générations, celle qui a fait Novembre et de l’Algérie une nation et celle qui, imprégnée de son esprit, œuvre à en perpétuer le message.
    Vous êtes le dernier de votre génération à présider aux destinées de ce pays. C’est dire que l’histoire vous a choisi et que l’honneur vous échoit, parmi tant d’autres de vos frères d’armes, pour que vous assigniez à la trajectoire de cette Algérie le sens que lui ont tracé nos valeureux chouhada, vos compagnons de combat. Faites qu’il en soit ainsi. Dans un ultime geste salvateur, empêchez qu’on détourne le fleuve de son lit et que votre état de santé ne soit pas mis à profit par certains pour mener ce pays vers le péril.
    Il s’agit, Frère Président, d’user de l’autorité légale dont le peuple vous a investi et, surtout, de l’autorité morale et du capital de sympathie qui sont les vôtres auprès de lui, pour que la transition se fasse dans les règles, à travers des élections propres et honnêtes, seules à même d’éviter à notre pays un désastre potentiel.
    Il est important aussi que vous sachiez que les manigances des uns et des autres qui, conviendrait-il de le souligner, n’auraient jamais eu lieu si votre état de santé était autre, font figure de livre ouvert aux yeux de ceux qui ont à cœur de voir l’Algérie réussir cette transition générationnelle sans heurts et qui œuvrent pour qu’il en soit ainsi.
    Evitons à notre Algérie une redescente aux enfers. Elle a assez souffert depuis le recouvrement de son indépendance. Ses enfants sont en droit de vivre une rupture qui réponde à leurs aspirations, à leur rêve.
    Frère Président, il y a des hommes qui sont prêts, en ces moments difficiles, à consentir le sacrifice suprême pour ce pays, pour que la trajectoire de Novembre reprenne son cours et que la rupture sans reniement se fasse. Ils sont déterminés. Et, parce qu’ils le sont, ce ne sont pas les menaces, voilées ou franches, qui les en dissuaderont.
    Celles de ceux qui n’envisageant aucune distanciation par rapport au pouvoir, n’ont d’autres desseins que de s’en accaparer, le moment venu, par-devers la volonté populaire, pour l’exercer ad vitam au mieux de leurs propres intérêts, avant de le transmettre en legs aux leurs. Faites, Frère Président, tant qu’il est encore temps, que ce sacrifice ne soit pas pour le pire, mais pour le meilleur, celui de la renaissance de l’idée nationale, celui de l’espoir pour toute une jeunesse, celui du renouveau.
    Frère Président, je me suis permis ce cri du cœur à l’adresse de votre honorable personne, à l’adresse du moudjahid que vous êtes, étant convaincu qu’il trouvera en vous l’écho attendu par ce peuple, parce que votre destinée vous a prédisposé pour être l’acteur, pour être ce pont vers ce monde meilleur auquel il aspire. L’histoire ne manquera pas de le porter à votre actif, parce que vous l’aurez écrite.
    Faites-le, Monsieur le Président.
    Salutations militantes.
    Par Ghediri Ali , Général-major à la retraite


    Ali Ghediri. Général-major à la retraite
    Gaïd Salah face à une responsabilité historique

    Watan du 25 décembre 2018
     «Je ne pense pas que le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah puisse permettre à qui que ce soit de violer d’une manière aussi outrageuse la Constitution. Il n’est pas sans savoir qu’il est le dernier de sa génération et que l’histoire est fortement attentive à ce qu’il fait ou fera. Je reste persuadé qu’il sera au rendez-vous de l’histoire, comme il l’a été hier, alors qu’il n’avait que 17 ans.»
    – Vous avez publié trois tribunes successives dans lesquelles vous vous êtes adressé aux «aînés, au frère Bouteflika…» Qu’est-ce qui a motivé ces interpellations ?
    Depuis que je suis à la retraite et à chaque fois qu’il y a eu un événement qui m’a interpellé, j’ai tenté d’apporter mon point de vue. Il en a été ainsi lorsque la moudjahida Zohra-Drif Bitat a été attaquée d’une manière aussi violente qu’incorrecte.
    J’ai pris sa défense. J’ai donné mon point de vue lors de l’incarcération du général Hocine Benhadid et également lorsque l’on s’est attaqué au DRS (Direction du renseignement et de la sécurité), non pas pour défendre des individus mais l’institution.
    S’agissant des tribunes que vous venez de citer, je ne peux rester indifférent à ce qui se passe dans mon pays et sur la scène politique. Je fais partie des millions d’Algériens qui n’ont pas de pays de rechange. Et si je me suis exprimé, c’est parce que j’ai estimé que la situation est grave et requiert autant un avis qu’une prise de position de ma part.
    Voilà ce qui a motivé mes appels. Pour ce qui est de l’élection présidentielle de 2019, je considère que, plus que toutes les autres précédentes, les joutes à venir sont d’une importance capitale, en ce sens qu’elles sont à la fois porteuses d’espoir et de péril.
    Elles placent l’Algérie sur une ligne de crête, entre ubac, le côté sombre, et adret, le côté ensoleillé. Si nous arrivons à les organiser sans encombres, nous aurons réussi notre pari, à défaut, le pays risque gros. Mais je demeure optimiste.
    – Pourquoi interpeller les aînés ?
    Parce que j’estime qu’ils ont leur poids historique, affectif et culturel et qu’ils peuvent de ce fait influer sur le cours des choses dans le bon sens. Parce qu’ils sont censés être le relais du message du 1er Novembre 1954 et des valeurs qu’il incarne dans notre imaginaire collectif. Ils sont aussi empreints de la sagesse qui a été le trait dominant de cette génération.
    J’entends par sagesse, cette culture qui a fait de  la collégialité la marque de fabrique de la Révolution algérienne et qui n’a eu de cesse de déteindre sur notre système politique depuis l’indépendance jusqu’à un passé tout récent.
    J’ai interpellé mes aînés, ou plutôt nos aînés, afin qu’ils usent de leur poids au sein de la société et du pouvoir pour appeler les uns et les autres à reconsidérer leurs positions et pour ne prendre en considération que le bien de cette nation, de ce pays, de ce peuple. Le bien de notre Algérie.
    – Pensez-vous que l’interpellation adressée au président de la République trouvera un écho ?
    Celle adressée au Président, c’était pour lui rappeler un engagement qu’il avait pris devant moi lors d’un entretien qu’il avait bien voulu m’accorder dans le cadre de mes fonctions.
    Il m’avait alors semblé percevoir, à travers ses paroles, une volonté de changement au profit de la jeunesse du pays. Son rappel du discours de Sétif m’avait convaincu que telles étaient ses convictions.
    Et je reste persuadé que s’il avait la plénitude de ses capacités physiques, il aurait peut-être opéré les changements qui s’imposent. Ce n’est plus un choix, mais une impérieuse nécessité, le seul à même d’espérer un sauvetage du pays.
    – Mais, entre-temps il est demeuré au pouvoir en se présentant pour un 4e mandat. A-t-il changé d’avis depuis ou bien les dynamiques du pouvoir en ont-elles décidé autrement ?
    Je ne veux pas revenir sur les conditions dans lesquelles il avait brigué un 4e mandat. Un proverbe bien de chez nous dit : «Celui qui revient sur ses pas s’épuise», aussi, je préfère focaliser sur l’avenir et comment l’envisager autrement, au moment où certains parlent d’un 5emandat. C’est cela le problème.
    – Mais on a l’impression que cette question est évacuée du débat et on susurre l’idée d’un report carrément de la présidentielle…
    Je dis à ceux qui sont en train d’œuvrer ou de manœuvrer pour qu’il y ait autre chose que la tenue d’une élection présidentielle dans les délais et conformément à ce que prévoit la Constitution : dans quel cadre s’inscrivent-ils ? Forcément dans un cadre anticonstitutionnel. Je considère qu’il serait dangereux pour l’Algérie d’entrevoir quoi que ce soit en dehors du cadre constitutionnel.
    Il faut impérativement respecter la Constitution. Le pouvoir a été remis au président Bouteflika en 1999 dans un cadre constitutionnel, je ne pense pas que cela l’honorerait, historiquement parlant, de partir et de céder le pouvoir en dehors de ce cadre.
    Que ceux qui parlent en son nom se posent la question suivante : si tel devait être le cas, qui va assumer cet échec politique ? Et, il s’agirait bien d’échec et pas d’autre chose.
    Qui va l’assumer face à l’histoire ? Eux ou le Président ? Le pays a été sorti d’une décennie sanglante grâce à des sacrifices que les Algériens avaient consentis et le pouvoir lui a été remis en bonne et due forme, il lui appartient aujourd’hui de faire en sorte pour qu’on ne sorte pas du cadre constitutionnel, à défaut, deux décennies de règne n’auraient servi à rien.
    Qu’on respecte la légalité et qu’on ne cède pas aux caprices des uns et des autres. Il y va de notre stabilité sociale et de notre image à l’international.
    – C’est tout de même curieux, à moins d’un mois de la convocation du corps électoral, que rien ne laisse transparaître que nous sommes à la veille d’une présidentielle…
    Le problème de l’alternance est devenu subsidiaire pour la classe politique au pouvoir. Ils ne l’envisagent qu’après épuisement biologique alors que dans les Constitutions de 1996 et de 2016, l’alternance se situe dans un cadre bien précis. Un cadre politique et non biologique.
    Il y a une minorité qui considère qu’il ne peut y avoir d’alternance que lorsque l’actuel Président ne serait plus de ce monde. Ce n’est pas normal. Il faut que la raison prévale sur toute autre considération de quelqu’ordre que ce soit, personnel, clanique ou autre. Que ceux qui prônent la continuité ou le prolongement assument publiquement les retombées de leur obstination.
    Et ce serait insulter leur intelligence que de croire qu’ils ne sont pas conscients du risque potentiel qu’ils feraient courir à la nation dans pareil cas. Lorsque j’entends certains affirmer que le peuple algérien est échaudé par la décennie noire et donc il ne peut recourir à la violence, je leur rappelle que les jeunes qui ont aujourd’hui moins de 30 ans n’ont pas vécu cette période.
    – Y a-t-il un risque d’explosion sociale violente ?
    Je ne le souhaite pas pour le pays. Mais j’estime nécessaire et vital de prendre en considération ce risque là. En politique, l’intention est variable, mais en tant que potentiel elle est constante. Le risque potentiellement est là.
    – Quel regard portez-vous sur le pays sur le plan politique et géostratégique ?
    Je voudrais répondre en parlant de ce que l’Algérie n’est pas. Elle aurait pu être une puissance régionale. Tout la prédestine à ce rôle.
    Sa position géopolitique, son histoire, ses ressources naturelles, son potentiel humain. Elle aurait pu être cette puissance régionale qui aurait pu contribuer à la stabilité de toute la région, le Maghreb, le Sahel et la Méditerranée, être un Etat-pivot avec lequel les grandes puissances auraient pu compter dans le cadre de la sécurité globale. L’Algérie aurait pu être la locomotive économique de toute l’Afrique.
    L’Algérie appartient à un ensemble régional où elle aurait pu – si elle avait transformé son potentiel en puissance – avoir une place de choix et imposer ses points de vue et contribuer de manière efficiente à stabiliser toute la région.  Malheureusement, elle n’est pas du tout cela. Affirmer le contraire, c’est se voiler la face. Je ne suis pas de ceux-là, je suis réaliste et pragmatique.
    – Est-ce à cause de son système de pouvoir qu’elle n’est pas ce qu’elle doit être ?
    Pour moi, le système politique qui a fait fonctionner ce pays depuis l’indépendance, bon ou mauvais c’est selon, avait une certaine cohérence d’ensemble, il avait ses acteurs, son mode de fonctionnement, sa logique et une finalité. Ce que nous sommes en train de vivre dénote d’une manière flagrante la finitude de ce système.
    Et ceux qui prétendent le contraire, je leur réponds que pour qu’il y ait système, il faut que ses attributs soient ; sans ces derniers, on ne saurait parler de système. Pour faire court, je dirais tout simplement qu’un homme, quel qu’il soit, ne saurait faire système. Je précise. Que le pouvoir qui a, volontairement ou non, cassé le système en place, est en soi louable.
    Ce qui ne l’est pas, c’est de n’avoir rien prévu en substitution. Il a créé un vide. La crise que le pays est en train de vivre émane justement de ce vide. La cacophonie qui entoure l’élection  présidentielle, les va-et-vient des uns et des autres et le désemparement qui caractérisent la scène politique nationale dénotent la légitimité des appréhensions qui nourrissent le débat sur la place publique.
    – Pour nommer les choses, vous faites référence à trois hommes, qui sont le président Bouteflika, le général Toufik et le chef d’état-major Gaïd Salah. Le premier est en retrait en raison de sa maladie, le second est rentré chez lui, il reste le troisième…
    Au-delà des personnes, ce qui a prévalu jusqu’à un passé récent, c’est le fonctionnement par solidarité générationnelle. Tant que le système avait ses trois pieds, il pouvait prétendre à un équilibre. Mais une fois qu’il n’a plus ses trois pieds, son équilibre est devenu bancal. Tout le reste n’est que conséquence.
    – Dans ce dispositif à trois, il ne reste que le chef d’état-major, le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, comme seul pilier et c’est le seul que vous n’avez pas interpellé jusque-là. Son rôle sera-t-il décisif dans la période politique actuelle ?
    D’après ce qui s’écrit et se dit, certains demandent un report de la présidentielle, d’autres, la continuité. Tous les schémas anticonstitutionnels sont mis sur la table. Connaissant de près le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, je me défends de croire qu’il puisse avaliser la démarche d’aventuriers.
    Il peut être conciliant sur nombre de choses, mais lorsqu’il s’agit de la nation, de la stabilité du pays, là il redevient le moudjahid et reprend sa figure de maquisard. Je ne pense pas qu’il puisse faire le jeu de ceux qui sont nourris par des instincts autres que nationalistes.
    Je m’interdis d’imaginer que le général de corps d’armée Gaïd Salah puisse permettre à ces gens-là de transcender ce qui est prescrit par la Constitution pour assouvir leur désir, leur instinct et leurs ambitions. Je ne pense pas qu’il puisse trahir sa devise qu’il ne cesse de nous répéter : «Le pays avant tout.»
    – Vous lui adressez là un message, une interpellation forte ?
    J’exprime un sentiment profond. J’ai servi sous ses ordres pendant de longues années. L’Algérie lui est chevillée au corps. Il ne saurait la laisser choir entre les mains de gens qui n’ont d’autres desseins que de sauver leur tête, en se servant de l’institution dont il assure le commandement.
    Je peux aussi affirmer qu’il recèle suffisamment de bon sens et surtout de patriotisme et qu’à ce titre, d’instinct, il ne saurait terminer toute une vie consacrée au service de la nation pour sortir de l’histoire par la petite porte, rien que pour faire plaisir à des aventuriers dont l’unique objectif est de rester au pouvoir et de profiter de la rente.
    – Il est le garant de la Constitution, le dernier rempart ?
    Au point où en sont les choses, il reste le seul, en tant que chef de l’armée. Il pourrait s’inscrire dans l’histoire. Il ne pourrait pas laisser l’armée faire le jeu d’un clan au détriment du pays. Il ne le ferait pas. Je crois pouvoir dire que s’il lui advenait de faire intervenir l’armée, c’est pour consolider les acquis démocratiques en mettant en place un dispositif à même de garantir un scrutin transparent.
    Seule l’armée, en l’état actuel des choses et face à la déliquescence des autres institutions et au conditionnement dans lequel est mis l’administration, serait capable d’empêcher les uns et les autres de toucher aux urnes pour frauder et faire passer leur candidat. Je reste convaincu que le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah ne permettra à qui que ce soit de violer d’une manière aussi outrageuse la Constitution.
    Il n’est pas sans savoir qu’il est le dernier de sa génération et que l’histoire est fortement attentive à tout ce qu’il fait ou fera. Je reste persuadé qu’il sera au rendez-vous de l’histoire, comme il l’a été hier alors qu’il n’avait que 17 ans.
    Ahmed Gaïd Salah connaît finement les hommes. Malgré tout ce qu’on peut raconter sur sa personne, il demeure un moudjahid. Ne serait-ce que sur ce point précis, il mérite la confiance de tous ceux qui ont à cœur de voir l’Algérie réussir son pari.
    – L’affaire des 701 kg de la cocaïne et ses conséquences sur les appareils sécuritaires avec des limogeages n’a-t-elle pas impacté l’image de l’armée ?
    Jamais. L’armée n’est pas responsable de cette grave affaire. Il faut que la justice fasse son travail et que l’enquête aboutisse à des conclusions pour situer les responsabilités.
    Je ne peux pas anticiper sur le travail de la justice. Cependant, cette affaire de cocaïne déstabilise le pays. Elle est d’une extrême gravité. La drogue et la corruption sont une menace pour la sécurité nationale du pays.
    – Parlons justement de sécurité nationale, l’Algérie est-elle réellement menacée parce qu’entourée de frontières instables et hostiles ?
    La menace est réelle, tangible et elle se manifeste. Le danger est potentiel, il couve. A partir du moment où notre voisinage est instable, il faut redoubler de vigilance. De ce point de vue, l’armée est en train de pleinement jouer son rôle.
    Mais si l’Algérie se portait mieux politiquement et économiquement, la charge sur l’armée serait moindre. Je termine par vous dire à ce propos que notre armée est véritablement moderne. Très peu d’armées dans notre environnement régional peuvent égaler la nôtre en termes de potentiel humain.
    L’Algérie a formé tous azimuts, et ce, depuis la Révolution. Nous avons d’excellents officiers et de valeureux soldats. Notre armée peut prétendre au titre d’armée professionnelle. Disons que ce pari, l’armée l’a gagné, il lui reste l’engagement démocratique. 


    Ali Ghediri répond à Gaïd-Salah et explique pourquoi il ne se retire pas
    mars 7, 2019

    Par Houari A. – Le candidat à la présidentielle Ali Ghediri a réagi aux discours du chef d’état-major de l’ANP à travers un «discours» adressé au «peuple algérien». «Je suis résolu à aller jusqu’au bout pour la rupture et pour l’instauration de la deuxième République», a asséné le général à la retraite, dont l’intervention contenait de nombreuses insinuations.
    «Le retrait et l’abandon du navire qui coule ne font pas partie de ma culture», a déclaré Ali Ghediri, en réaction, sans doute, à la décision de deux éléments importants de son staff, son directeur de campagne, Mokrane Aït Larbi, et l’animatrice du mouvement Mouwatana, Zoubida Assoul, de se séparer de lui. «Les batailles perdues sont celles qui ne sont pas menées», a argué le candidat sur un ton militariste, estimant que «la bataille pour le changement a commencé» et que «les prémices de la victoire commencent à poindre à l’horizon».
    Répondant à Ahmed Gaïd-Salah sans le nommer, l’ancien directeur central au ministère de la Défense nationale a soutenu que «les menaces brandies par certaines parties sont obsolètes» et qu’«elles visent à permettre aux artisans du quatrième mandat de se maintenir sous la férule d’un Président malade et de continuer d’agir comme s’ils étaient les tuteurs de la nation». L’allusion de Ghediri à son ancien chef hiérarchique est claire lorsqu’il ajoute que «l’opinion des individus ne représente pas forcément celle des institutions». «Le peuple est la seule source de légitimité de tout responsable, quelle que soit l’institution qu’il dirige», a-t-il dit, dans ce qui semble être un dangereux appel à la désobéissance.
    Revenant sur sa décision de se maintenir dans la course «avec ou sans Bouteflika», Ali Ghediri a affirmé qu’il «respectera» la décision du peuple. «Ma décision de me présenter à la présidentielle est dictée par ma conviction que ce régime est corrompu et qu’il doit disparaître», a-t-il affirmé, sans que l’on comprenne si cela signifie qu’il pourrait se retirer si le peuple le lui demandait. «J’ai dit textuellement lors de ma toute première conférence de presse que c’était soit moi, soit le système», a-t-il ajouté, tout en précisant qu’il «demeure fidèle à cet engagement».
    Ambiguïté voulue ou discours mal rédigé ?

    L"éloge du REP

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    Il y a 64 ans tombait au champ d'Honneur Lyazid MOUATS...c'était le 13 janvier 1956...

    Un extrait d'un ouvrage mémoriel accompagné d'une capture d'écran prise sur le site de la Légion Etrangère...où il est explicité les circonstances de la mort de Lyazid....ce douloureux épisode a fait l'objet d'un film documentaire de JP Liedo, film qui a été censuré par Khalida Toumi...et dont j'avais dénoncé les dérives de l'auteur, qui depuis, a retrouvé sa véritable nature de sioniste convaincu...puisqu'il a abandonné la nationalité Algérienne et qu'il vis actuellement en Israel où il sert souvent de guide à des pseudo intellectuels algériens...Voici un passage du livre en construction:


    "Ce cruel chef de bande n’est autre que son propre oncle maternel. Ainsi, donc, plus de 50 ans après sa mort, Lyazid continue de servir de trophée à la première compagnie du 2ème Régiment d’étrangers parachutistes. Ces retrouvailles inattendues vont plonger Guellal dans une profonde méditation. La question qui lui a toujours taraudé l’esprit revient avec plus de cruauté. Sa vie durant, Guellal évitera d‘en parler. Ce traumatisme, il l’aura vécu dans sa chair. Très proche de son oncle Lyazid, le redoutable maquisard, il avait assisté à son enterrement durant le rude hiver de cette année là. Partout, la neige avait recouvert la montagne. Les routes ont été coupées à travers tout le massif montagneux. C’est sans doute pour ça que l’année 1955/56 restera l’hiver le plus froid du Nord Constantinois. Pour ramener le corps de son fils, son grand père Belkacem avait du vendre deux vaches pour soudoyer des intermédiaires afin de disposer de la dépouille de Lyazid. Et procéder à son inhumation dans le cimetière de Djenane Djemaoun. Un puissant fermier algérien de la région se proposa de servir d’intermédiaire. Tombé sur les terres de sa belle famille, non loin de la carrière de Saint Antoine, le corps avait été ramené sous bonne escorte jusqu’au village colonial. Il sera déposé dans la morgue de la caserne. Lorsqu’il parvint enfin à obtenir les permis de transfert et d’inhumation, Belkacem se rendit à la caserne du 2ème REP.
    Lorsqu’il se présenta chez l’officier avec ses documents, ce dernier lui dira qu’il ne fallait pas se donner toute cette peine. C’est lui et ses soldats qui allaient se charger du transfert du corps jusqu’à la mechta de Saf-Saf, sur les hauteurs de Grand-Plage. Ce jour là, il pleuvait des cordes sur le massif de Collo, la région la plus arrosée de l’Algérie. Dans le cortège funèbre, outre une Dodge dans laquelle était posé le cercueil qu’entourait une double rangée de légionnaires, il y avait une jeep, une traction de la PRG de Philippeville avec le sanguinaire Roger Kadida et trois de ses agents. Dans la jeep du Deuxième Bureau, avaient pris place Issolah et Misery, les plus proches collaborateur d'Aussaresses. Depuis sa ferme du Béni Mélek, Roger Balestrieri était venu avec sa camionnette. A l’arrière de la Peugeot 403 grise, avaient pris place Yamina et Kahia, la sœur de Lyazid. C’est Yamina qui avait longuement négocié et obtenu cette faveur auprès de Roger. Pour rien au monde, Kahia n’aurait raté les funérailles du plus brave de ses frères. Guellal qui avait été confié à son grand père pour faire office de berger, était présent. Se faufilant entre les rangs des présents à la cérémonie funéraire, il avait perçu quelques bribes de paroles échangées entre sa mère et B’chirya, la veuve de Lyazid. Informée de la mort de son mari, elle avait bravé la montagne et la forêt sur pas moins de cinq kilomètres pour venir assister à l’enterrement de son époux. Elle a failli se faire arrêter par les soldats de la caserne de Zarzour. En fait de caserne c’est une école qui devait ouvrir à la rentrée d’octobre 1955. L’insurrection du 20 aout en avait décidé autrement."

     Aziz Mouats, Université de Mostaganem.
    Le beau frère de Lyazid lors du tournage du documentaire, sur le lieu de l'embuscade où Lyazid a été tué

    JP Lledo lors du tournage dans la région de Fornaka



    Capture d'écran site de la Légion Etrangère

    Le Hirak est un moment de Rupture

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    Voilà onze mois que le HIRAK occupe la rue...et les esprits. Ce mouvement révolutionnaire a fait l'objet de nombreuses et parfois honteuses tentatives de récupération de la part de nombreuses mouvances. Sans aucun succès palpable. Ensuite, il fera l'objet des intimidations et autres incarcérations, avec guère plus de succès. Voilà que depuis quelques semaines, il est la cible de pseudo intellectuels en mal de vengeance sur un mouvement qui refuse toute tutelle...et qui s'obstine à ne pas désigner de représentants officiels, alors que les officieux sont légions. Ils sont dans ses rangs...et se recrutent dans toutes les couches sociales, à l'exception de l'élite...traditionnelle qui n'a pas jugé opportun de se mêler à la masse...Boukrouhn cette rachitique excroissance du ggénial Malek Bennabi dirait au Rachis...Ghachi toi meme...alors, dans le silence assourdissant de la bien pensance indigène, voilà un historien, enfant d'Aïn Béïda et Constantinois endurci, qui s'en mêle...dans un article d'une rare lucidité, Benjamin Stora donne une image apaisée et sereine d'un HIRAK flamboyant...C'est à ça aussi qu'on reconnait les véritables intellectuels et les véritables amis de l'Algérie. Moi même n'étant pas un inconditionnel de cet universitaire iconoclaste, je trouve normal que ce texte qu'il publie sous la forme d'un entretien à l'un des plus lucides journaux français, le journal La Croix, que ce texte soit repris ici sur Boussayar...où il côtoiera sans jamais les distraire, Gilbert Meynier - paix à son âme-, Olivier Le Cours Grandmaison et Mohamed Harbi...



    « L’Algérie est une société du refus »
    Entretien Ave Benjamin STORA
    Le Hirak, le mouvement de contestation qui secoue l’Algérie depuis onze mois, a profondément changé la société algérienne estime l’historien Benjamin Stora qui publie « Retours d’histoire, l’Algérie après Bouteflika » 

    La Croix : le Hirak, le mouvement de contestation en Algérie, peut-il être qualifié de révolution ?

    Benjamin Stora : Le Hirak constitue un moment de rupture. Pour la première fois depuis l’indépendance de l’Algérie, un président en exercice est contraint de quitter le pouvoir par un mouvement populaire. Des personnages clés du système, deux anciens premiers ministres, des oligarques et surtout les chefs des services de sécurité, le général Médiène dit Toufik et Athmane Tartag son successeur, ont été arrêtés et incarcérés.
    Il était inimaginable, au vu de leur prestige et de la peur qu’ils inspiraient, que de tels puissants personnages finissent un jour derrière les barreaux. Toufik était si craint qu’on ne prononçait même pas son nom. Et pourtant tout ce système s’est effondré très vite à la grande surprise des manifestants.

    Comment l’expliquer ?

    B. S. : La France pose un regard d’immobilisme absolu sur l’Algérie. De sorte que lorsque la révolution éclate le 22 février on n’y croit pas. Combien l’ont jugée impossible, y ont vu un complot ou une manœuvre de l’appareil d’État ?
    Or le mouvement était d’une extraordinaire profondeur, nourri par un mouvement social, chronique, depuis des années. Pour paraphraser la situation française, il y a eu convergence des luttes. Des millions de personnes sont sorties dans la rue, et continuent à le faire, et le président a été chassé. Si cela ne s’appelle pas une révolution, alors comment l’appeler même si le centre du pouvoir, l’armée, peut paraître identique ?

    Vous soulignez la tradition révolutionnaire de l’Algérie…

    B. S. : La révolution française, la révolution kémaliste, la révolution nassérienne constituent la matrice idéologique de l’Algérie. Les leaders politiques ont baigné dans un imaginaire révolutionnaire. Depuis l’indépendance, et même avant, l’histoire du pays est une succession de soulèvements, de répressions sauvages, de manifestations, de radicalités. La conquête coloniale française a été une guerre de trente ans de 1832 à 1871 avec des résistances ininterrompues ! En 1916 encore, la révolte des Aurès a été réprimée dans le sang. Non le pays n’était pas pacifié comme le croient tant de Français. L’Algérie est une société du refus.
    Les Algériens n’ont pas connu l’état de droit, ni à l’époque coloniale, ni après l’indépendance. Cette conquête de l’état de droit, ancienne, ne peut exister que par des démarches de rupture. D’où cette radicalité de la société que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Mais la médaille a un revers : comment, dans cette culture révolutionnaire, installer une stabilité politique démocratique, comment accepter la pluralité ? Dès que quelqu’un manifeste un désaccord, il est qualifié de traitre, il est mis à l’index.

    Onze mois après son déclenchement, le Hirak est-il un échec ou une réussite ?

    B. S. : En l’espace d’un an de combat politique, ce mouvement n’a pas pu désigner de représentants ni se structurer pour apparaître comme un contre-pouvoir crédible. Pourtant c’est une réussite si l’on mesure combien il a bouleversé la société. Face à l’extrême opacité du pouvoir, le Hirak est une demande de transparence, une volonté de déchirer le rideau pour mettre à nu les réels acteurs du théâtre politique cachés derrière. La peur a disparu. La liberté de parole existe. L’armée n’a pas tiré sur la foule. Après des années d’humiliation, affublés d’un président invisible représenté par un portrait auquel on offrait des cadeaux, les Algériens ont renoué avec la fierté d’être algérien. Un seuil a été franchi sur lequel il sera très difficile de revenir en arrière.

    Vous évoquez néanmoins une unanimité de façade pour le « dégagisme » qui cache de profondes fractures au sein de la société algérienne…

    B. S. : Parmi les nombreuses fractures, deux me semblent déterminantes. Tout d’abord la hantise de la « congolisation », cette peur très forte de la partition de cet immense pays. Ce n’est pas un hasard si les Algériens arborent le drapeau national dans leurs manifestations, comme le ciment qui leur permet de se sentir ensemble, pour braver la peur de la dislocation du pays. Les tentations de séparatisme, de régionalisme perdurent car, il n’y a jamais eu de volonté de définir, sur la base d’une nation centralisée, le respect des minorités. Cette demande de pluralité toujours refusée s’exprime dans la révolution. Pourquoi celui qui brandit l’emblème amazigh irait-il en prison s’il revendique son « algérianité » ?
    Ensuite l’énorme fracture sociale, le chômage endémique. Les jeunes si nombreux - plus de la moitié de la population a moins de 30 ans - se sentent mis à l’écart de la société. Alors qu’une classe sociale supérieure s’est fortement enrichie avec les hydrocarbures et la corruption sans se soucier de développer l’économie.

    Les trois nouveaux dirigeants, le président Tebboune, le premier ministre Djerad et le chef d’état-major Chengriha ne sont-ils pas des hommes du système peu prometteurs de changement ?

    B. S. : On ne peut pas se lancer dans le jeu des pronostics. À l’intérieur du sérail, de l’armée, il y a aussi des tensions. Bien malin celui qui pourrait dire ce sont toujours les mêmes hommes, rien n’a changé. Il y a un an, on était persuadé que tout continuerait à l’identique. Mais il est vrai que, si aucun contre-pouvoir s’organise, le risque de déboucher sur un système à l’égyptienne, avec une armée pleinement aux commandes, arguant de la menace aux frontières avec la Libye, le Mali et le Niger, ne peut être exclu.

    Avec le commentaire de Hosni Kitouni, ; Hirakiste sincère, convaincu et convaincant :
    Kitouni Hosni
    On connait B. Stora, son parcours et ses prises de position, préjugés mis à part, il développe dans son analyse du HIRAKdes idées très intéressantes, en tous les cas plus intéressantes que celles de nos Douteux nationaux qui faute de parrainer le HIRAK lui prédisent une fin programmée. A lire donc Stora pour ce qu'il est, un historien bon connaisseur de l'Algérie.

    L'Islam de la colonie à la place de la république

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     Au moment où l'Islam de France fait l'objet d'une attaque en règle, la parution du livre d'Olivier Le Cour Grandmaison arrive à point por remettre les pendules à l'heure. L'historien et le juriste nous éclaire sur le sinueux parcours de la colonisation française en vue d'amadouer le nationalisme et la résistance populaires afin de le rendre soluble dans la république de Jules Ferry...Ici, une récension de cet ouvrage parue dans la revue                          DIACRITIK


                       — Le magazine qui met l'accent sur la culture —

     le texte est signé de Afifa Bererhi



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    Irréversibles représentations de l’islam dans la société française : Olivier Le Cour Grandmaison




    lien : https://diacritik.com/2020/01/30/irreversibles-representations-de-lislam-dans-la-societe-francaise-olivier-le-cour-grandmaison/ 


    Spécialiste des questions liées à la colonisation et l’histoire coloniale, Olivier Le Cour Grandmaison a publié en octobre 2019 aux éditions de La Découverte, « Ennemis Mortels » Représentations de l’islam et politiques musulmanes en France à l’époque coloniale. L’ouvrage est dense et sa démarche prospective, dressant un état des lieux de ce qui s’est écrit à propos de l’islam et des musulmans des colonies, tout particulièrement l’Algérie, au XIXe et au XXe siècle.



    Présent lors de l’édition de 2015, Olivier Le Cour Grandmaison verra certainement son nouveau livre en bonne place lors du prochain Maghreb des livres qui se tiendra du 7 au 9 février 2020 à la mairie de Paris, dans les salons de l’Hôtel de ville. Cette manifestation, œuvre majeure de l’Association « Coup de soleil », en sera à sa 26èmeédition. Le succès rencontré au cours des précédentes années ne s’est jamais démenti tant les programmes proposés font la place large aux productions des deux rives de la Méditerranée. Lieu d’échanges et de dialogues exemplaire, le Maghreb des livres, est depuis devenu « Maghreb-Orient des livres ». Changement de dénomination qui souligne l’unité culturelle et civilisationnelle de ces deux espaces accueillis en France.

    A qui découvrirait Olivier Le Cour Grandmaison avec Ennemis mortels, il est utile de rappeler que précédemment à cet ouvrage, Olivier Le Cour Grandmaison, professeur en sciences politiques et philosophie politique à l’université d’Evry-Val d’Essonne, spécialiste de la question coloniale, est l’auteur de plusieurs ouvrages consacrés à ce sujet, dont, entre autres, Coloniser. Exterminer. Sur la guerre et l’État colonial, en 2005. 

    Plus récemment en 2014, cet autre livre remarquable, L’empire des hygiénistes, dans lequel il démontre par la force de l’argumentation, comment l’intérêt porté à la santé et l’hygiène dans les colonies, notamment en Algérie, n’était guidé que par le souci permanent de promouvoir la colonisation, source d’enrichissement de la Métropole. Le bien-être des colons et accessoirement celui des indigènes, la force de travail nécessaire et indispensable au développement économique de la France, est perçu comme un paramètre fondamental participant d’une politique à mener dans l’édification d’une « colonisation réussie ».


    Une « colonisation réussie » s’appuie également sur la prise en considération – avec un souci de hiérarchisation par rapport à l’Occident chrétien – de la culture et du culte de l’indigène, en l’occurrence, l’arabo-berbère musulman. C’est l’objet du dernier paru, Ennemis mortels. Représentations de l’islam et politiques musulmanes en France à l’époque coloniale. L’ouvrage est tout aussi dense que L’empire des hygiénistes et sa démarche prospective, semblable ; un état des lieux de ce qui s’est écrit à propos de l’islam et des musulmans des colonies, tout particulièrement l’Algérie, durant les XIXe et XXesiècles. Les références très abondantes relèvent de différents domaines, ainsi sont cités : anthropologues, géographes, sociologues, historiens, politistes, académiciens, militaires, écrivains… dont les propos entrent en résonnance même lorsqu’il y a discordance d’approche. Dans le système d’échoïsation des voix ainsi créé par la démarche observée par Olivier Le Cour Grandmaison, l’exposé thématique est  systématiquement  adossé aux citations bibliographiques massives et tient lieu à la fois de thèse se conjuguant à l’antithèse, de démonstration par recoupement et d’argumentation qui, tous ensemble, donnent à la dissertation que présente l’auteur un caractère irréfutable.
    Durant ces siècles de colonisation, la hiérarchisation des races est au fondement du principe décrété de la supériorité de la race blanche occidentale qu’il fallait ériger, par tous moyens, discursif, institutionnel, actions sur le terrain… en « Vérité » justifiant et légitimant la « nécessité » coloniale dite émancipatrice, rédemptrice, porteuse de progrès humains et civilisationnels.
    Dans cette perspective, la politique coloniale bute sur cette majorité écrasante d’indigènes musulmans dont tous les péchés et travers dérivent de leur religion. L’islam est perçu comme rétrograde, obscurantiste, faisant obstacle à toute possibilité d’évolution et est source de dépravation généralisée. Il n’est que de citer le maître à penser de la IIIème République, Ernest Renan, dans sa conférence « L’islam et la science » :
    « Toute personne un peu instruite des choses de notre temps voit clairement (…) la nullité intellectuelle des races qui tiennent uniquement de cette religion leur culture et leur éducation. Tous ceux qui ont été en Orient ou en Afrique sont frappés de ce qu’a de fatalement borné l’esprit d’un vrai croyant, de cette espèce de cercle de fer qui entoure sa tête, la rend absolument fermée à la science, incapable de ne rien apprendre ni de s’ouvrir à aucune idée nouvelle ».

    Et de conclure : « Pour la raison humaine, l’islamisme n’a été que nuisible… Il a fait des pays qu’il a conquis un champ fermé à la culture rationnelle de l’esprit ».


    Partant de ces préconçus, générateurs d’une stéréotypie de la stigmatisation dont s’emparent toutes les disciplines, la littérature du dénigrement généralisé s’installe, suscité par le rénanisme triomphant. De par sa prééminence, l’exotisme fait florès avec l’estampille de la caractérisation. S’en suit la hiérarchisation des races, des religions, des aptitudes intellectuelles, des comportements moraux et sociaux. La discrimination et l’ostracisme convergent dans la visée de la dégradation avilissante du « sujet musulman ». Tout se conjugue pour qu’au final se trouve irrémédiablement actée l’islamophobie.

    Pour les besoins de la démonstration, cinq chapitres y sont consacrés, chacun développant un aspect particulier. Chacune des caractérisations du musulman, invariablement négatives, plaident pour une politique coloniale coercitive et ségrégative.
    La perception toute négative de l’islam, ressenti comme « un péril », fait l’unanimité. Partagée par tous, elle incline à faire croire que cette religion constitue un frein à la domination coloniale qui, elle, est persévérante et sans faille. Cette vision outrageante est généralisée, parfois modulée lorsque, par ruse stratégique, la reconnaissance formelle de l’Autre musulman est jugée favorable à la stabilité et la sécurité nécessaires à la pérennité de l’implantation coloniale triomphante. Des exemples en sont donnés, dont la politique du maréchal Lyautey exercée au Maroc selon le principe de diviser pour régner, ici retranscrit en ses propres termes :

                Je n’ignore pas que dans le domaine religieux comme dans le domaine politique, nous avons intérêt à diviser plutôt qu’à unifier.


    Aussi préconise-t-il de travailler à l’«unité de l’islam français », « seule garantie contre un mal bien pire : l’unité de tout l’islam, y compris le nôtre sous la primauté d’un chef étranger ou hostile ». Pour l’effectivité de cette action, il y avait tout lieu de reconnaitre au sultan sa qualité de chef religieux et politique, et Lyautey de souligner que ce dignitaire est le « plus efficace de (leurs) atouts, il « deviendra l’instrument de la politique française ».
    Politique de bonne convenance, s’il en est, mais dont les arrières pensées ne font guère de doute tant « les colonialistes rivalisaient d’ardeur dans l’asservissement et la dislocation de l’islam » comme le note Ferhat Abbas dans La nuit coloniale.
    Autre exemple de rapprochement tactique, l’édification en 1922 de la Grande mosquée de Paris au motif de rendre hommage aux milliers de musulmans morts durant la Grande Guerre. Un geste honorifique, certainement louable dans l’absolu et qui par ailleurs cadre parfaitement avec l’objectif de Lyautey d’un « islam français » en conformité avec la République coloniale. Dans le même sens, il y a lieu de noter la création à Alger du Cercle des Oulémas réformistes reconnus pour être ouverts à un islam « émancipateur » souhaité par les pouvoirs coloniaux parce que susceptible de faire reculer l’insécurité dont ils font état. Sur le plan de l’éducation, sans déroger aux principes d’un Jules Ferry, fréquemment cité du fait de sa qualité d’architecte du modèle éducatif dans l’Algérie coloniale où l’on distingue école publique et école indigène, des lycées franco-musulmans sont ouverts dont la finalité est de former des élites musulmanes – courroie de passation – porteuses des idéaux français et susceptibles de les transmette à leurs coreligionnaires.

    Une main semble tendue vers l’indigène musulman à la manière d’un Machiavel auteur de son œuvre célèbre, Le Prince, cité en texte, pour encore mieux décrire la politique coloniale à l’égard de l’islam et de ses adeptes qu’on voudrait remodeler pour en faire un partenaire tout en le maintenant dans son statut de sujet et pour fonder, avec son assentiment, « l’islam d’Occident » comme on prône aujourd’hui « l’islam de France » dans un contexte géopolitique certes autre, mais dont les concernés demeurent les mêmes : les émigrés musulmans dont la présence de plus en plus massive représente, aux yeux des occidentaux, « une menace », « un péril ». Entre hier et aujourd’hui,  il y a un invariant, le musulman et les funestes représentations dont on l’affuble. Il suffit de collationner ce qui s’écrit et se dit aujourd’hui pour faire l’amer et regrettable constat de la persistance séculaire de l’islamophobie comme le fait remarquer l’auteur dans sa « Remarque » : De l’islamophobie savante à l’époque coloniale à l’islamophobie contemporaine ». Lisons :

    « Savante puis littéraire, et sans doute assez populaire, l’islamophobie de la République impériale présente de nombreuses analogies thématiques avec l’islamophobie contemporaine. Aujourd’hui quelques-uns de ses plus virulents représentants redécouvrent certains textes de cette période qu’ils éditent de nouveau pour lester leurs diatribes antimusulmanes d’une légitimité pseudo scientifique. Depuis les attentats du 11 septembre 2001 commis par les terroristes d’Al Qaïda aux Etats-Unis, parfois avant, la situation a beaucoup évolué. C’est dans ce contexte a été réhabilitée la fiction réaliste du Capitaine A et Yvons de Saint-Gouric,  Mektoub, publiée en 1923 qui narre les amours malheureuses d’une Française et d’un musulman algérien. Le 8 juillet 2015, sur le site d’extrême droite Jeune Nation, l’auteur anonyme d’une note consacrée à ce roman rappelle qu’il est essentiel de « se plonger » de nouveau « dans des livres anciens pour comprendre la situation actuelle (et ses conséquences) ».

    « Ô phobie ! »

    L’étude d’Olivier Le Cour Grandmaison porte certes sur la période coloniale. Elle est toutefois, implicitement, une invitation à observer le contemporain pour constater que, d’une certaine manière, nous sommes dans la continuité des perceptions des siècles passés. Le présent se décline au miroir du passé, un passé qui se reproduit tragiquement et à une plus grande échelle géographique. Le conflit des civilisations est mis en exergue après la perte des colonies. Comme pour s’en venger, croirait-on, on fabrique activement des représentations du musulman, au mieux rétif aux principes républicains, et au pire, terroriste, opérant de la manière la plus sanglante en Afrique et en Orient, là où précisément la colonisation s’est implantée ; opérant aussi et partiellement en Europe. Cette autre image du musulman sanguinaire apparaît sournoisement comme une nécessité pour agir sur la psychologie des foules et justifier l’internationalisation des guerres conduites par les puissances de l’Occident. L’ingérence serait de bon droit ; elle se profile aussi derrière les ONG paradoxalement au service des politiques gouvernementales occidentales et agissant au titre de la mondialisation, de la globalisation, qu’accompagne une législation adossée aux principes nobles des libertés et droits de l’homme, l’indiscutable argument qui ouvre la voie à l’ingérence et aux pires scènes de massacres humains… entre musulmans !
    A une échelle plus petite, nationale, la perception du musulman fanatique est utile car elle sert d’argument pour le nationalisme tout aussi radical de l’extrême droite qui, montant en puissance, en vient à faire fi des principes républicains intangibles dont elle se réclame.
    Ainsi, le livre d’Olivier Le Cour Grandmaison, par son exposé et les conclusions qu’on en vient à tirer, pointe surtout, nous semble-t-il,  le paradoxe dans lequel se confine les politiques mises en œuvre, régissant le rapport à l’Autre, qui, au final, constituent non pas un adjuvant à la paix dans le monde, si recherchée, mais bien un obstacle. De fait, rien de révolutionnaire, rien de fondamentalement changé dans les postures politiques depuis la IIIème République. Le focus sur l’islamophobie n’étant que l’exemple le plus parlant parce que le plus voyant. Plus profondément ce livre est une incitation, aujourd’hui, à réfléchir autrement la relation entre les sphères endogène et exogène. Quelle philosophie à naître pourrait répondre à cette attente ?





    Olivier Le Cour Grandmaison, « Ennemis mortels » – Représentations de l’islam et politiques musulmanes en France à l’époque coloniale, Paris, La Découverte, 2019. 23€

    Regards ardents sur les camps de concentration

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     Un article de Samia Henni sur les camps de concentration durant la guerre d'Algérie...L'autre face de l'horreur coloniale...Grace à cet  entretien avec Hassina Méchaï...publié dans Middle East Eye

     Lien: https://www.middleeasteye.net/fr/entretiens/samia-henni-ce-qui-sest-passe-est-un-crime-contre-lhumanite

     Samia Henni : « Ce qui s’est passé est un crime contre l’humanité »



    Après les combats dans la région des Aurès, entre Batna et Arris, le 30 novembre 1954, les parachutistes de l’armée française ont capturé dix-huit combattants algériens (AFP)
    Date de publication: Mercredi 27 novembre 2019 - 08:21  
     C’est une réalité historique souvent ignorée. L’existence de « camps de regroupement » pendant la guerre d’indépendance algérienne. Samia Henni, historienne et théoricienne de l’architecture, revient sur ce pan méconnu qui est aussi une histoire française


    C’est un ouvrage dense, pointu, exigeant que Samia Henni, maîtresse de conférences à l’Université Cornell aux États-Unis, vient de publier. Tiré de sa thèse, Architecture de la contre-révolution. L’armée française dans le nord de l’Algérie (éditions B42, 2019) examine, point par point, comment l’armée française a façonné l’architecture du pays afin de contrôler la population. Au risque de camps de regroupement. Au risque de déplacements massifs de populations. Au risque de crimes de guerre et crimes contre l’humanité ?
    Bien que ces camps aient été organisés dans les Aurès très vite après le début des « événements d’Algérie », leur existence n’a été révélée qu’en 1959. Il aura fallu la « fuite » du rapport rédigé par le tout jeune inspecteur des finances, Michel Rocard. Combien d’Algériens ont été soumis à ce traitement ?
    Les chiffres varient mais selon les travaux historiques de Michel Cornaton, 3 250 000 personnes ont été enfermées dans des camps de regroupement – sur 9 000 000 d’« Indigènes » ou Arabes que comptait l’Algérie coloniale. Chiffre auquel il faut ajouter les Algériens assignés à résidence, en prison, en centres divers.
    Samia Henni creuse, étaye et documente ce fait historique, retrace le fil aussi d’autres politiques d’urbanisme, d’autres stratégies architecturales. Des politiques qui avaient pour but, selon l’avancée de la guerre, de casser la solidarité de la population avec les combattants indépendantistes, de transformer durablement la société algérienne en masse atomisée et captive et, enfin, de maintenir sous des formes diverses un semblant de présence française après une indépendance qui semblait de plus en plus inéluctable. Au risque d’une rupture anthropologique profonde qui a durablement handicapé l’Algérie post-indépendance ?



    Samia Henni est maîtresse de conférences à l’Université Cornell aux États-Unis (Bill Staffeld, Cornell AAP)
    Middle East Eye : Dès le prologue, vous parlez d’« autocensure de prévention » et de « censure institutionnalisée » sur le sujet traité par le livre. Que voulez-vous dire ?

    Samia Henni : Je me suis heurtée à quelques difficultés dans la traduction de ce livre [de l’anglais au français]. Mais déjà avant, les difficultés rencontrées pour l’exposition« Discreet violence » sur les camps de regroupement français en Algérie, tirée de ce travail universitaire, avaient été une source de réflexion pour moi.
    J’ai présenté cette exposition en Suisse, en Allemagne, aux Pays-Bas, en République tchèque, aux États-Unis et en Afrique du Sud. Mais en France, des difficultés sont vite apparues. Cette exposition a suscité des intérêts certains. Des institutions culturelles publiques françaises ont été sollicitées pour accueillir l’exposition.
    Le fait que des institutions françaises publiques n’aient pas voulu prendre le risque, était-ce une autocensure ou une censure institutionnalisée ? Je n’ai toujours pas de réponse
    Mais de refus en réticences, personne n’a voulu prendre la responsabilité de montrer ce travail. Les commissaires rencontrés m’ont ouvertement dit que le risque était trop grand. Heureusement que l’artiste Kader Attia a vu l’exposition à Berlin et a voulu la présenter à La Colonie à Paris, un espace culturel privé.
    Le fait que des institutions françaises publiques n’aient pas voulu prendre le risque, était-ce une autocensure ou une censure institutionnalisée ? Je n’ai toujours pas de réponse. Ces difficultés m’ont poussée à écrire ce prologue.

    MEE : À partir de quelles sources avez-vous travaillé ?

    SH : Ma famille, moi-même avons vécu dans les constructions issues de cette architecture de contre-révolution. J’ai grandi en voyant les traces persistantes de ces politiques coloniales en Algérie. Mais je me suis tenue à une stricte démarche universitaire avec un travail dans les archives militaires en France et en Algérie.
    J’ai mené de nombreux entretiens avec des gens qui ont vécu dans ces camps mais aussi avec ceux qui ont pensé ces politiques d’architecture ou d’urbanisme, qu’ils soient civils ou militaires. J’avais pensé au début citer des extraits de leurs propos dans le livre. J’y ai renoncé très vite car j’ai senti que le sujet était trop sensible pour ces personnes et leurs réponses trop chargées de rancune, traumas, mauvaise conscience, censure.
    Je ne voulais pas filtrer leur parole, pas plus que la retranscrire telle quelle. Certains étaient encore dans le déni total, comme ceux à qui je parlais de fil barbelé entourant ces camps de regroupement et qui niaient ce fait.
    En travaillant avec des archives, la démarche a été très différente. Plus nuancée. Je pouvais révéler et étayer – en me basant sur des documents officiels, bien sélectionnés bien sûr – que ces camps existaient dès 1954. Et non 1957, comme certains chercheurs le prétendaient.


     
     
    Un parachutiste contrôle l’identité d'’n paysan algérien dans les Monts Foum Toub, le 10 novembre 1954, lors d’une opération de nettoyage de l’armée française dans les Aurès (AFP)




    MEE : Effectivement, l’objectivité académique de votre livre est solide. Était-ce aussi pour éviter toute disqualification de vos recherches ?

    SH : Ce livre a été écrit sur une longue période. Je savais qu’on allait voir dans ce travail celui d’une Algérienne écrivant sur la France. Je ne voulais pas qu’on disqualifie ce livre en France en y voyant une entreprise de victimisation ou d’accusation. Il s’agit d’Histoire et de faits. Des archives ouvertes au public permettent de les découvrir.
    Il s’est agi pour moi de faire un travail scientifique et, ce faisant, de passer de la colère humaine à une transmission de faits avec la possibilité de plusieurs interprétations de ces faits. Il m’a fallu constamment recouper ces faits. Tout ce travail m’a permis de poser enfin que le colonialisme est un fait à déconstruire et à rendre accessible à tous.

    MEE : Pour revenir aux sources utilisées, vous ne citez que des sources françaises, mais aucune algérienne. Pourquoi ?

    SH : L’objectif, en utilisant majoritairement ces sources, a été de comprendre, selon le mot de Frantz Fanon, « la psychologie du colonialisme » de la part des institutions coloniales. J’ai voulu me concentrer sur ces sources pour mieux saisir aussi ce que la révolution algérienne ou la guerre d’Algérie a signifié pour la France. Car la guerre d’Algérie a été aussi ce que j’appelle une guerre française en Algérie.
    Selon moi, le coup d’État avorté de mai 1958 [le coup d’État mené à Alger par des généraux français partisans de l’Algérie française] a été aussi et surtout une question française. Il y a eu la chute de la IVe République, puis la Ve est advenue, tout cela à cause de – ou grâce à – la guerre d’Algérie. Je voulais entendre la seule voix française, des mémoires de Jacques Soustelle et du général Charles de Gaulle aux documents officiels des institutions civiles et militaires françaises.
    Je n’aimerais pas être la personne qui révèlerait les politiques révolutionnaires. Il est clair que les Algériens ont lutté contre l’armée française car cette guerre a duré de 1954 à 1962. Prenez le film La Bataille d’Alger. Le réalisateur a voulu rendre hommage à la révolution algérienne, dont il a montré la lutte.


     
     
     
    Image de La Bataille d’Alger, célèbre film de Gillo Pontecorvo, réalisé en 1966 (Universal)






    Mais il a dévoilé aussi les techniques contre-révolutionnaires françaises. Or, ce film a pu être projeté par la suite dans des écoles militaires pour enseigner les techniques contre-révolutionnaires et révolutionnaires. Je n’aimerais pas que mon travail soit utilisé de la même façon, même si je sais que la vie d’un livre ne dépend pas de son auteure.

    MEE : En quoi les politiques d’urbanisme ont-elles été, en Algérie, des politiques contre-révolutionnaires ?

    SH : Ce mot contre-révolution est important car il était utilisé par l’armée française. Elle a parlé de guerre révolutionnaire/contre-révolutionnaire, guerre moderne, guerre subversive, guerre psychologique et même de guerre totale. Mais après la révolution algérienne, elle a utilisé les termes d’insurrection et contre-insurrection.
    À travers des politiques urbaines, on a visé, organisé des populations civiles pour leur contrôle et dans un but de guerre
    Pourquoi ce changement ? Car révolution signifiait la chute d’un pouvoir et d’un système établis. L’insurrection suppose juste un soulèvement temporaire et le terme est dépolitisé. J’ai utilisé le mot contre-révolution pour honorer et retrouver son pendant, le mot révolution. Je voulais montrer cette intersection entre les opérations militaires, les pratiques coloniales, l’architecture et l’urbanisme.
    L’architecture est l’art de bâtir mais il est aussi celui d’organiser des terres et des populations. À travers des politiques urbaines, on a visé, organisé des populations civiles pour leur contrôle et dans un but de guerre.

    MEE : Vous montrez que la guerre d’Algérie et les politiques coloniales contre-révolutionnaires sont aussi d’abord une bataille sémantique…

    SH : L’armée française refusait de parler de camps et de concentration et utilisaient les mots centres et regroupement. On parlait d’événements et non de guerre. S’illustre là « l’écriture cosmétique » dont parlait Roland Barthes. Cette cosmétique qui faisait utiliser le mot pacification pour parler de guerre.
    Même les militaires eux-mêmes, dans leurs écrits, usaient d’un langage particulier. Plus on montait dans la hiérarchie militaire, plus le langage se faisait cru et parlait de révolution, contre-révolution, guerre subversive – sans filtre.

    MEE : Vous montrez aussi la confusion constante entre civil et militaire et entre population et combattant. Est-ce cette confusion qui explique cette architecture et cet urbanisme contre-révolutionnaires ?

    SH : Absolument. La stratégie militaire est très intéressante car elle montre cette confusion. Par exemple, le plan de Constantine est présenté comme un plan de développement économique et social et de relance de l’industrie française en Algérie. Mais le général de Gaulle dit aussi que ce plan va aider à exploiter les richesses souterraines du Sahara algérien (pétrole et gaz).
    J’ai voulu démontrer que ce plan était aussi une stratégique militaire, une relance de la guerre, mais autrement.

    MEE : L’architecture et l’urbanisme comme continuité de la colonisation et de la colonialité par d’autres moyens ?

    SH : Oui, et cela est très frappant avec l’arrivée de de Gaulle. Tous les plans d’urbanisme, les constructions diverses sont stratégiquement pensés pour maintenir et prolonger la présence de la France en Algérie. Même après l’indépendance, il s’est agi de pouvoir continuer à exploiter les ressources naturelles par ces divers plans non pas postcoloniaux mais néocoloniaux.
    La signature des accords d’Évian n’a pas signifié la fin du colonialisme. Il fallait rester pour l’exploitation mais aussi pour les essais nucléaires […] Le colonialisme a pris le nom de coopération


    MEE : Vous remontez le fil rouge d’une histoire algérienne qui passe par la guerre d’Indochine, puis par la Seconde Guerre mondiale. Vous le faites à travers les militaires et fonctionnaires français qui ont connu ces trois moments. Le cas le plus emblématique est celui de Maurice Papon...

    SH : Papon a été fonctionnaire et collaborateur de Vichy. En tant qu’individu, il fait le lien entre nazisme et colonialisme. Après le régime de Vichy, il sert dans les colonies, en Algérie, puis il revient en France, nommé préfet de police de Paris. C’est lui qui ramène en métropole les officiers des Sections administratives urbaines utilisés en Algérie afin de faire la résorption des bidonvilles [relogements, officiellement, pour cause d’insalubrité, mais aussi pour lutter contre le développement du nationalisme] à Paris, Nanterre...

    MEE : Ces politiques expérimentées en Algérie ont-elles essaimé ailleurs, en France métropolitaine puis dans d’autres pays ?

    SH : J’ai essayé de montrer le rapport entre la résorption des bidonvilles en Algérie et celle en France, qui se sont quasiment faites en même temps. J’ai étudié le parcours de Paul Delouvrier. C’est lui qui a été chargé de la mise en application du plan de Constantine en Algérie. Puis il est nommé à Paris et est chargé de réaménager Paris et ses alentours. On lui doit la création des nouvelles villes, des grands ensembles et de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région parisienne. C’est la continuité de politiques expérimentées en Algérie et ramenées dans l’Hexagone, où elles sont officialisées et généralisées.
    Pour l’international, l’école française de la contre-insurrection [doctrine militaire qui vise à obtenir le soutien de la population dans le cadre d’un conflit opposant un mouvement insurgé à une force armée, théorisée pour la première fois par l’armée française pendant la guerre d’Algérie] a vu certains éléments rejoindre l’OAS [l’Organisation de l’armée secrète, organisation politico-militaire clandestine française, créée le 11 février 1961 pour la défense de la présence française en Algérie par tous les moyens, y compris la violence à grande échelle].
    Ils ont essaimé ailleurs, des États-Unis en Amérique du Sud, exportant leurs méthodes et « savoir-faire ». En pleine bataille d’Alger, une réunion avait été organisée à Buenos Aires entre officiers français, nord-américains et sud-américains pour internationaliser les méthodes développées en Algérie.
     J’ai voulu faire une démonstration en partant des textes militaires. Ceux-ci développaient d’abord une pratique qu’ils théorisaient ensuite. Ces politiques de contre-insurrection ont persisté, exportées aux États Unis, en Afghanistan, en Irak, en Bosnie et au Kosovo. Ce sont des politiques qui existent encore. Cela trace un lien entre fascisme d’une part, et colonialisme et impérialisme d’autre part. Faire ce lien est une façon de faire cesser les refus de voir ce qui, dans le présent, relève de ces politiques coloniales.

    MEE : Vous citez d’ailleurs Michel Rocard qui, à l’occasion de la guerre d’Irak de 2003, republie son rapport sur les camps de regroupement en Algérie...

    SH : Michel Rocard republie le rapport de 1959 car il comprend le lien entre la guerre d’Irak s’annonçant et les politiques coloniales déployées en Algérie. Il écrit alors que les problèmes politiques ne peuvent pas être résolus par des opérations militaires et qu’il ne faut surtout pas répéter les erreurs et violences du passé, un passé très proche.

    MEE : Au passage, vous déboulonnez une figure de l’anticolonialisme qui semblait pourtant solide, celle de Germaine Tillion...

    SH : Cette partie a été difficile à écrire pour moi. Je voulais interroger le fait que cette ethnologue internée à Ravensbrück [camp de concentration nazi en Allemagne], où sa propre mère est morte, n’ait pas vu les camps de regroupement dans les Aurès, où elle avait été missionnée par les autorités françaises. Je me suis plongée dans ses livres avec une seule question : pourquoi ? Pourquoi cette ancienne résistante, qui a lutté contre l’univers concentrationnaire nazi, n’a pas voulu dire.
    On a pu lui poser cette question et Germaine Tillion a répondu qu’elle ne se considérait pas comme « témoin ». Or, les Aurès ont accueilli les premiers sursauts révolutionnaires et les premiers camps. Elle était présente dans cette région à l’époque. Plus tard, elle parlera de la torture mais pas des camps. Mais elle n’est qu’un exemple parmi d’autres de ceux qui ont refusé de voir et dire.


     
     
     
    Un soldat français utilise un détecteur de mines sur les passants à Alger, le 16 janvier 1957, pendant la guerre d’indépendance (AFP)








    MEE : Quelles ont été les conséquences de ces politiques sur la jeune Algérie indépendante mais aussi après ?

    SH : Ce qui s’est passé a été un crime contre l’humanité. Les conséquences se font sentir encore. Le nombre de gens déplacés est énorme. Trois millions de personnes ont été déplacées, en exode interne provoqué ou regroupées dans des camps. C’était un tiers d’une population qui comptait neuf millions d’Algériens en 1954 pour un million d’Européens.
    Je fais référence aux chiffres proposés par Pierre Bourdieu et Michel Cornaton. L’armée française avait aussi quelques chiffres. Mais ils ne restent pas fiables. Comme ne le sont pas ceux des massacres du 8 juin 45 [dans les régions de Sétif et Guelma, considérés rétrospectivement comme le début de la guerre algérienne d’indépendance] et ceux d’octobre 61 [répression meurtrière, par la police française, d’une manifestation d’Algériens organisée à Paris par la fédération de France du Front de libération nationale].
    Ceux qui ont échappé aux camps ont été mis dans des logements dits semi-urbains, mal construits, comme des cellules. Ces politiques ont défiguré le paysage urbain et rural du pays mais surtout déraciné des millions de personnes. Cela a eu des conséquences sociales, économiques mais aussi anthropologiques et psychologiques. Cela a déstructuré les cellules familiales.
    Il s’agissait de casser les solidarités. Réduire l’espace habitable signifiait réduire les tailles des familles, leur imposer un modèle de vie à la française
    Les logements du plan de Constantine, par exemple, étaient des appartements très petits. Or, les familles algériennes sont intergénérationnelles. Ce modèle familial était impossible dans ces tout petits logements. Mais les autorités françaises étaient très stratégiques avec ce plan : il s’agissait de casser les solidarités. Réduire l’espace habitable signifiait réduire les tailles des familles, leur imposer un modèle de vie à la française. Il y a eu aussi une déculturation de ces familles déplacées.

    MEE : Voyez-vous un lien entre les débats actuels en France sur le voile, la place de l’islam, etc. comme les symptômes d’une histoire algérienne passée, mais qui ne passe pas ?

    SH : J’essaie de comprendre le présent à travers l’évolution des mots. En Algérie, on a appelé les Algériens les indigènes, avec le code de l’indigénat. Après la Seconde Guerre mondiale, après la chute du fascisme, ce n’était plus tenable de maintenir un tel code. Mais le terme « musulman » est venu remplacer le terme indigène.
    Cette obsession de la femme musulmane aussi se retrouve dans des directives militaires qu’ils appelaient « Action sur les milieux féminins en Algérie ». C’est un processus colonialiste, raciste et orientaliste qui se retrouve dans diverses directives coloniales qui ne concernaient que les femmes algériennes.
    Il me semble évident que l’islamophobie est en lien avec la colonisation, cette guerre de la France en Algérie et cette guerre globale contre le terrorisme.

    Le Coronavirus et les mangeurs de patates

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    Mes AMIS
    Toute ma vie j'ai cultivé la rigueur scientifique et l'esprit de tolérance.
    Jamais je n'ai fait étalage de mes États de services, nombreux parmi VOUS s'en sont chargés avec élégance. Lorsque mon pays a fait appel a moi, (cf M le Ministre Noureddine Bahbouh), j'ai répondu au pied-levé, lorsque ce même pays a dissous L'ITA, j'ai continué mon métier d'enseignant chercheur...dans mon parcours académique et professionnel j'ai été confronté à des maladies contagieuses chez les animaux d'élevages, comme la tuberculose, la brucellose, la fièvre aphteuse, les strongyloses, la Newcastle et la Bursite infectieuse ou maladie de Gumboro, qui est une forme de SIDA aviaire...rien qu'en élevage bovin, ovin et caprin, j'ai personnellement procédé aux traitements et a la vaccination de plus de 50.000 animaux. Dans mes études doctorales, j'ai utilisé les techniques de séparation par chromatographie, la technique Elisa qui est encore usitée pour l'identification du N Covid 19 et la RIA, une technique Radio-immunologique du double anticorps qui permettait de mettre en évidence quelques picogrammes (10-12 ) de substance peptidique, hormonale ou enzymatique...cette belle expérience m'a beaucoup aidé pour prodiguer des enseignements en :


    -Physiologie et régulation de la reproduction
    -Maladies contagieuses et santé animale
    - Immunologie
    - Immunité fœto-maternelle
    - Cellules souches et génie génétique
    - Génétique du développement et gènes architecturaux
     

    C'est un peu grâce a cette tonitruante carrière à laquelle je viens de mettre un terme définitivement, que je me sent très concerné par cette PANDÉMIE qui nous menace. Et c'est pourquoi, sans aucune prétention, je donne un avis sur cette redoutable PANDÉMIE dont j'avais sous estimé la violence de la PROPAGATION...et comme tous mes confrères je ne connaissais pas cet élément déterminant dans la propagation, à savoir la Grande Concentration en virus des postillons, ce qui suppose une vitesse de multiplication très rapide. Ceci entrainant chez le néo CONTAMINÉ une infection rapide et IRRÉVERSIBLE. C'est pour cela que la durée d'incubation qui était de 12 à 14 jours est désormais ramenée, chez certains patients, à seulement 4 JOURS. N'étant pas virologue, je suppose que cette caractéristique est en partie responsable de la propagation fulgurante de la maladie....

    Alors, je reviens vers l'essentiel, à partir de mes modestes expériences, je suppose que je peux m'autoriser à donner un avis PERSONNEL...il vaut ce qu'il vaut, son seul mérite est l'honnêteté intellectuelle et l'engagement moral...je le dis sans détours:
     

    Face a cette douloureuse et unique expérience, mon PAYS, L'ALGÉRIE, ne peut pas faire l'économie d'une opération de CONFINEMENT TOTAL...

    Libre à ceux qui sont aux affaires de faire ce qui leur semble être une bonne stratégie...ça n’est ni le moment ni le lieux pour des disputes indigènes...je sais que l'intrusion d'un ingénieur agricole qui maîtrise parfaitement la culture de la pomme de terre, peut gêner aux entournures l'establishment microscosmique central...je n'en ai cure...au point où nous en sommes, je ne pouvais plus me taire...à vous mes amis, je peux vous dire ce soir que dans quelques jours la région de Mostaganem va mettre sur le marché de la pomme de terre à des prix défiant tout bon sens...et que nos fellah ont les moyens de couvrir les besoins du pays pour 3 mois...il est presque certains qu'entre temps, si rien n'est fait pour endiguer Covid 19, beaucoup parmi nos compatriotes ne seront plus là pour gouter à cette embellie patatière ...l'absence de CONFINEMENT en aura décidé ainsi...voilà...


    Désolé pour mes amis que je continuerais de rudoyer afin que nous saisissions cette chance...car il est ENCORE temps d'endiguer le tsunami viral qui avance inéluctablement


    Fait pour servir....
    Mostaganem le 20 mars 2020
    Pr Aziz Mouats

    Mourir pour des petits pois

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    Mourir pour des petits pois

    Depuis le salon, Germaine n’entend rien de la discussion entre son mari et Guellal. Elle les a pratiquement oubliés n’était la présence de Rachid prolongeant indéfiniment sa sieste sur le divan. De temps à autre, elle jette un coup d’œil sur le jardin juste pour s’assurer que les protagonistes restaient sereins. Seules les rares exclamations de Roger lui parvenaient aux oreilles. Très insuffisantes pour lui donner un aperçu sur les sujets traités. Ça la tranquillisait et la rassurait sur la bonne ambiance qui régnait entre les deux compères enfin réunis. Après cette entrée en matière sur les vendanges, Guellal décide de passer à un sujet beaucoup plus dramatique. Un très grave épisode qui l’aura à jamais marqué. Parce qu’il y a eu non seulement mort d’hommes, mais surtout à cause des nombreuses zones d’ombres qui ont caractérisées cette tragique semaine de la fin mars 1960. C’était par un lumineux jeudi printanier. Comme elles le font chaque semaine, tous les jeudis et tous les samedis, les femmes de la tribu étaient autorisées par l’armée française à se rendre sur les terres de Sidi Ahmed afin de les cultiver en l’absence des hommes. Le choix de ces deux journées était justifié par la présence des écoliers qui pouvaient accompagner les femmes du simple fait qu’il n’y avait pas école ces jours là. Grace à la médiation de Roger, elles avaient obtenue un sauf conduit pour quitter la Maison des Kabyles à treize heures et reprendre le chemin du retour avant le coucher du soleil. L’armée avait exigé qu’il n’y ait qu’une seule colonne, à l’aller et au retour. Depuis un mirador installé sur le mamelon d’en face, un soldat suivait sans aucune difficulté la procession. Depuis l’insurrection du 20 Août, l’armée avait fait évacuer la ferme Laouira qui se trouve juste en contrebas du mont Messiouène, pour y installer une caserne. Depuis la Maison des Kabyles, il était loisible de voir les mouvements des troupes. Deux canons pointaient directement la ferme qui se trouve à moins de trois kilomètres à vol d’oiseaux. Dans le mirador qui domine la Prise d’eau et la ferme Messina, on pouvait voir distinctement une mitrailleuse. Le dispositif était très dissuasif pour les réfugiés de Sidi Ahmed…



    (…) Guellal s’est remis à cueillir les petits pois. Comme tous les enfants, il adore la cueillette des petits pois. Surtout cette variété dite « Gros vert » qu’il a lui-même achetée chez les grainetiers Thomas dont le magasin jouxte le marché couvert. Avec sa mère, ils les ont plantés en octobre. Puis ils les ont binés deux fois. Ensuite ils sont allés ramener des branches de bruyère pour en faire des tuteurs. A chaque fois, il allait voir grandir ses petits pois. Les vrilles qui permettent à la plante de s’enrouler autour du tuteur l’ont toujours impressionnée. Puis, au bout du quatrième mois, il a vu sortir les premières fleurs. La semaine d’après, les minuscules gousses encore toutes plates sont apparues. Sous l’enveloppe, il voyait distinctement les petites boursouflures qui se formaient autour des futures graines. A chaque visite, les gousses grossissaient un peu plus.

    (…) Sans même parvenir à leur niveau, Nouaria fait un geste de la main puis ajoute nerveusement:
    - Aya ! Aya ! On rentre !
    Kahia a juste le temps de déposer les dernières gousses dans le grand panier en roseaux. Elle ordonne à Guellal de cacher les bêches dans les figuiers de Barbarie et de la suivre. C’est bien la première fois qu’ils sont obligés de quitter leurs terres dans la précipitation. Pourtant, il fait encore bien jour.

    (…)- Mais non lui réponde Jean, il fait encore jour…ça m’occupera et puis je vais vous laisser travailler toi et ton frère…j’en ai pour une demie heure…
    - Nous aussi nous allons nous arrêter…laisses ça pour demain ou après demain et nous ferons une virée ensemble, moi aussi j’ai envie de voir où en sont nos petits pois…tu n’as pas remarqué que les femmes sont rentrées plutôt que d’habitude ?
    - Normal, puisqu’elles ont fait une très belle récolte, tu n’as rien vu …les petits pois étaient vraiment trop beaux…
    - Ecoute Jean, tu va me saouler avec tes petits pois…il est temps que tu rentres à la maison…la journée a été assez rude…même moi et Rabah nous allons rentrer nous reposer…

    Extraits de moi-même…un texte qui paraitra… peut-être…après le Corona…
    Aziz Mouats 22 mars 2020

    Cheikh Khaled Bentounès à coeur ouvert

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     Voilà bientôt 11 années que cet entretien est paru sur les colonnes d'El Watan Week End. Sans doute l'un de mes entretiens le plus aboutis.

    « On me fait un procès d'inquisition comme on l'a fait pour Copernic »

    « Pourquoi en sommes-nous arrivés à cette situation ' Pourquoi ce glissement vers un rigorisme, vers un Islam d'étroitesse d'esprit, alors que l'Islam est la religion des penseurs »Le destin a rattrapé le jeune Bentounès à 25 ans pour succéder à son père comme guide de la zaouia alawiya qui fête cette année son centenaire. Retour sur un parcours hors du commun en compagnie d'un homme qui a toujours combattu les intégrismes. 


    Propos recueillis par Aziz Mouats
    Publié dans El Watan Week End Edition du 3 juillet 2009
    ******************

    A M: On reconnaît la tarîqa alawya à son ancrage dans la modernité, d'où vient cet héritage ? ' 

    Cheikh Khaled Bentounès : Incontestablement du cheikh El Alaoui en personne. Mon grand-père, mon père et moi-même n'en sommes que les continuateurs. Souvenons-nous, au début des années 1920, cheikh El Alaoui s'affirmait déjà comme un homme des médias. C'est unique dans l'histoire des zaouias qu'un cheikh prenne conscience de la nécessité de communiquer. Il avait créé deux journaux, et lorsque l'administration coloniale avait ordonné à l'imprimeur de ne pas tirer El Balagh, le cheikh a acheté une rotative. Cette dernière est encore là, c'était pour ne plus dépendre de personne et avoir son autonomie. Ma grand-mère me racontait que très jeune, son père l'attachait avec une corde afin qu'elle puisse se baigner sans risque dans une piscine qu'il avait aménagée en bord de mer. Nous sommes en 1920 ! Cheikh El Alaoui n'avait aucun complexe vis-à-vis de l'Occident. Dès le début, il avait acquis la conviction qu'il fallait être au coeur de la modernité et de la civilisation occidentale, de s'interroger et comprendre que les enjeux futurs dépendent de l'harmonie entre l'Orient et l'Occident. Il cherchait un équilibre entre une matérialité humanisée et une spiritualité affranchie des traditions empiriques et rétrogrades. 

    A M : Comment cette ambiance vous a baigné ? '

    Cheikh Khaled Bentounès : J'ai vécu dans cette ambiance, au milieu d'oulémas (savants de la foi) qui m'apprenaient le Coran, la charia, Sidi Khlil' On apprenait par coeur des livres entiers, ce qui nous embêtait un peu en tant qu'enfants, mais il fallait les apprendre ! A côté de ça, nous avions des sages qui remettaient tout en question, voire en dérision ! Ce qui cultivait notre esprit critique, une éducation de l'ouverture, où il n'y avait aucune vérité acquise. Il n'y avait aucun tabou et tout était pétri dans la sincérité, c'est important la sincérité.  

    A M : Ce qui explique cette caractéristique chez la tarîqa, l'absence de tabous, alors que Mostaganem était connue pour son rigorisme ; filles et garçons, dès le jeune âge, apprennent à se côtoyer et activer en mixité ?

    Cheikh Khaled Bentounès : C'est vrai que filles et femmes sont présentes dans nos activités, mais c'est ce qui caractérise une école de la vie. Nous sommes totalement ancrés dans la tradition, mais nous sommes également dans la modernité. C'est un mixage d'une tradition millénaire et d'une modernité assumée. Nous sommes conscients que si on refuse à nos jeunes de vivre dans leur temps, ils vivront cachés. C'est pourquoi nous voulons qu'ils s'assument pleinement, dans une ouverture d'esprit et en toute responsabilité. 


    A M : Il y a également cette absence totale du voile ?'

    Cheikh Khaled Bentounès : Il est préférable de vivre pleinement, dans la société, sans se cacher derrière un habit imposé. Il est préférable pour la femme de s'habiller comme elle le souhaite, avec ou sans voile. Nous voulons lui enlever le voile intérieur, celui qui est dans les esprits, c'est ça l'ouverture que nous enseignons.  Comment expliquer qu'à la zaouia ça marche alors que le voile est imposé par la société ' Parce qu'à la zaouia, nous enseignons la liberté. Nous cherchons à rendre à l'homme sa liberté, Dieu dit « La Ikraha fi Din », « pas de contraintes en religion », Dieu n'impose rien à personne. Comment un homme peut-il s'arroger ce droit ' Pourquoi notre société s'est figée ' Tout le monde sait que partout tout le monde boit de l'alcool, prend de la drogue, et la société fait semblant de ne pas savoir, alors que les maux sociaux sont une réalité ! 

    A M : A la disparition de votre père, vous aviez 25 ans, étiez-vous préparé à ce lourd héritage ? '

    Cheikh Khaled Bentounès : Préparé ' Je n'en sais rien. J'avais quitté le pays pour ne jamais y revenir. J'avais construit ma vie ailleurs.  En faisant quoi ' J'étais en France et j'avais mes salons de prêt-à-porter. J'avais mes mannequins et je produisais en Turquie et vendais en Afghanistan, en Inde, au Pakistan, en Grèce, au Mexique, au Maroc. J'avais obtenu la représentation de marques françaises et j'envisageais d'ouvrir des boutiques dans le Golfe. En 1973, les prix du pétrole ayant flambé, j'aurais pu finir « bêtement » comme un richissime homme d'affaires, j'aurais gagné beaucoup d'argent et gâché ma vie.  


    A M : Ça devait être très dur, à 25 ans, de laisser tomber autant de projets ?

    Cheikh Khaled Bentounès : Au début, ce fut très dur ! D'abord, j'ai refusé de succéder à mon père, mais la décision avait été prise par les sages, à mon insu, bien avant que je n'arrive de l'étranger. Puis, une fois l'enterrement effectué, on est obligés de désigner un successeur par la remise par les grands sages de leurs chapelets. A ce moment, je fus stupéfait, je leur disais : « Vous vous trompez de personne », et je le criais haut et fort ! J'avais alors des cheveux longs, je portais un jean et un blouson en cuir comme les jeunes de l'époque, et je leur disais que je n'en voulais pas ! J'étais convaincu que je n'avais plus rien à faire avec eux, dans ce pays' Puis voilà, je me retrouve avec cet héritage sur les bras. Je ne savais pas par où commencer, puis il y avait ces sages qui m'entouraient de leur bénédiction et de leur affection. Ce sont eux qui vont m'aider à comprendre ma nouvelle mission. J'allais vivre une année avec un feu dans ma poitrine. La nuit, je hurlais de douleur, ma femme en est témoin, je vomissais tout ce que j'avalais, j'ai consulté plusieurs médecins, sans que personne ne trouve de remède. Puis progressivement, je rentrais dans mon nouveau destin, ce fut une sorte de renaissance ou de réincarnation. Un être s'éteignait et l'autre renaissait dans un même corps. J'acceptais ce rôle malgré moi, car je ne suis pas un savant ni un intellectuel, je ne suis que ce que l'on m'a appris, un serviteur ! C'est ma place, je la connais, Dieu merci.  Dans l'histoire, y a-t-il un antécédent où un si jeune disciple succède au maître ' Oui, mon propre père, El Hadj El Mehdi ! Il a été cheikh à 24 ans et c'était le premier cheikh sans barbe ! Il est mort à 47 ans. 

    A M : C'est très jeune pour mourir ?

    Cheikh Khaled Bentounès : En effet, après avoir vécu toute la guerre d'Algérie, puis l'indépendance et la construction du nouvel Etat algérien, il y eut les brimades et l'humiliation, la prison et l'exil forcé à Jijel. Après tant d'injustices, on cherchait à le « casser » et on y est parvenu. Il est mort dans la solitude et le dénuement, sans jamais céder. Il a toujours gardé le cap dans l'espoir que ce pays retrouve son héritage et sa dignité et osera revenir à lui-même.  

    A M : Vous voulez dire vers la vérité ? 

    Cheikh Khaled Bentounès : Oui ! Notre peuple doit impérativement faire le constat des longues années d'échec qui l'ont amené à cette terrible situation où l'Algérien tue l'Algérien, où les enfants innocents sont égorgés, où les filles, les femmes innocentes, les vieillards périssent par une sorte d'absurdité généralisée, une folie collective. Détruire son pays, détruire les siens, au nom de principes qui n'ont aucun sens.  C'est au nom de ces mêmes principes qu'un groupe fait pression pour faire retirer votre livre ' Faudrait-il qu'ils le lisent ! C'est trop facile de jeter l'opprobre sur une oeuvre sans l'avoir vu ni consulté.  On est loin de la modernité, ces gens-là sont-ils porteurs de modernité ' Si je donne un sens à la modernité en disant qu'elle est d'abord responsabilité, je dirai qu'ils sont irresponsables. On ne peut pas juger ou mal juger quelque chose parce l'on n'aime pas quelqu'un. 

    A M : En l'occurrence ces miniatures persanes, c'est un patrimoine du monde musulman, où est le problème ? '

    Cheikh Khaled Bentounès : Tout à fait. J'ajouterai qu'elles sont exposées dans les plus grands musées du monde, comme Topkapi (en Turquie), et ce, depuis leur création. 

    A M : Alors que vous vous reproche-t-on ?'

    Cheikh Khaled Bentounès : Ce ne sont pas ces miniatures qui sont visées, elles ne sont qu'un prétexte. Ce qu'on me reproche, ce sont ces photos du XIXe siècle, prises pour perpétuer les instants les plus précieux de notre patrimoine commun. Ce sont les photos des mausolées qu'on a détruits, et moi je demande seulement ce que sont devenus les mausolées des martyrs d'Ouhoud ' Où est le mausolée des martyrs de Badr ' Où sont les mausolées de Sayyda Khadidja et de Sayyada Aïcha, la première musulmane et la mère des croyants ' Où est la maison du Prophète Sidna Mohammed ' C'est ça qui dérange en réalité ! Cette histoire que l'on nous cache, dont on ne veut pas parler. C'est notre histoire, et nos enfants sont en droit de la connaître pour mieux se préparer à un monde qui ne pardonne pas aux faibles. Sous prétexte d'une religion qu'ils ont transformée en une idéologie manipulable. Au service de qui ' De quels intérêts '

    A M : Qui est derrière ces actions ? '

    Cheikh Khaled Bentounès : Je le dis avec sérénité, regardez d'où vient le salafisme et vous comprendrez tout. Prenons nos responsabilités et lisons l'histoire. Cheikh Khaled n'a rien inventé, il a tout simplement retrouvé des documents qu'il met à l'appréciation des musulmans. Je les mets également entre les mains des chercheurs, afin qu'ils s'en emparent et qu'ils disent ce qui s'est réellement passé. Pourquoi en sommes-nous arrivés à cette situation ' Pourquoi ce glissement vers un rigorisme, vers un Islam d'étroitesse d'esprit, alors que l'Islam est la religion des penseurs, des philosophes, des lumières. Avec cette cabale, nous sommes revenus au Moyen-Âge chrétien, avec ses procès en inquisition. On me fait un procès d'inquisition comme on l'a fait pour Copernic.Mais tout ça est fini ! C'est fini ! Je ne pense pas que l'Algérie d'aujourd'hui puisse accepter ça. Les Algériens ont envie de retrouver l'Islam de leur terroir, celui des leurs aïeux, tolérant, ouvert, qui prépare l'homme par une éducation responsable, ouverte sur la modernité sans rien renier de son patrimoine. 

    A M : Qu'enseignez-vous à vos disciples pour les éloigner du salafisme ? '

    Cheikh Khaled Bentounès : Que la vie est sacrée. La vie de la soeur, du frère, du voisin, celle d'un Noir, d'un Japonais, d'un Russe, elle est sacrée. Ensuite, il faut qu'il apprenne la raison critique, que ça vienne de lui-même, de son for intérieur. Enfin l'altérité, l'autre c'est notre miroir, il peut nous guérir de nos propres maux. Puis il y a la préservation de la nature, Dieu nous a confié un paradis, nous devons le préserver. A travers ce centenaire du Cheikh El Alaoui, nous avons invité de nombreux universitaires, afin qu'ils nous parlent des dangers que nous faisons courir à notre environnement.  Justement, pourquoi avoir organisé ce colloque à l'université, alors que la zaouïa dispose de suffisamment d'espace ' Parce que l'université est la maison du savoir. Contrairement à d'autres, nous voulons aller au-delà des limites et des tabous et nous ouvrir sur l'universel. Nous aimons les provocations positives, celles de mettre face-à-face nos universitaires et ceux venus de trente-quatre pays amis nous faire partager leur expérience et leur optimisme. Je veux une Algérie vivante, une Algérie libre, je souhaite que mes concitoyens vivent dans un pays libre, sans aucune contrainte. « Pas de contrainte en religion » : c'est le Coran, ce n'est pas cheikh Khaled qui le dit ! Je veux que mon pays ne vive plus dans l'hypocrisie. J'ajouterai enfin que l'Islam n'est la propriété de personne, chaque musulmane, chaque musulman est responsable. Je le souligne avec force : sans la femme, aucun avenir pour l'Islam !
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     Bio express : Président d'honneur de « Terres d'Europe », fondateur des Scouts musulmans de France et membre de la consultation de l'Islam de France, président honoraire de l'Association internationale des amis de l'Islam, cheikh Khaled Bentounès est sur tous les fronts du dialogue interreligieux. Il est également auteur de L'homme intérieur à la lumière du Coran et Le soufisme, cœur de l'Islam.

    Eloges des anciennes pratiques agricoles

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     Un entretien avec Michel Ducrocq, expert en développement rural

    « Le monde agricole est nettement plus complexe que le monde urbain ou industriel »


     



    Ingénieur du génie rural, à la retraite depuis 2 ans, Michel Ducrocq a travaillé pendant 20 ans au Maroc. De retour en France, il rejoint l’association française pour l’irrigation et le drainage qui a la charge au titre du ministère Français des AE, de suivre le projet Sirma (Système d’Irrigation au Maghreb) dont une variante algérienne est en chantier dans le périmètre du Bas Chéliff (Relizane). Ayant une grande et riche expertise du Maghreb, il vient d’effectuer une première mission en Algérie dans le cadre du premier colloque international sur l’économie de l’eau et les systèmes d’irrigation, organisé récemment à Mostaganem. Dans cet entretien, il nous fait un bilan comparé des expériences maghrébines dans le domaine de l’hydraulique, de l’agriculture dans les périmètres irrigués, de l’importance des sols salés et de la nécessité de maîtriser la salinité par des techniques culturales.
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    Après votre longue expérience au Maroc, comment trouvez vous l’Algérie, notamment au niveau de l’eau et de l’irrigation ?

    Il faut par expérience être très prudent lorsque l’on veut porter un jugement sur une situation. Il est vrai qu’un ingénieur ayant de l’expérience, a des réflexes professionnels qui le poussent à porter des jugements très vite.  Il est plus prudent de se laisser apprivoiser par le paysage agricole  et écouter les gens à travers les régions. Il me sera très difficile de porter un jugement définitif après un séjour si court.

    D’autant que c’est votre premier contact ?

    En effet, c’est le premier séjour que j’entame par la région du Bas Chéliff. Il apparaît très nettement que la situation hydrographique du Maroc diffère profondément de celle de l’Algérie. Pour des raisons climatiques, de paysages et de relief ; il est vrai que le château d’eau que représente le Haut Atlas, est une spécificité qui n’a rien à voir ni avec le Maroc ni avec l’Algérie. Cependant, il apparaît à l’évidence une plus ancienne tradition d’irrigation en Tunisie et au Maroc, plus ancienne qu’en Algérie. Le Maroc se singularise par la présence d’offices de mise en valeur qui dépendent de gros barrages, contrairement à l’Algérie où les barrages sont nettement plus petits, obligeant au stockage de petites quantités d’eau. Ce qui diffère avec l’aisance et la souplesse d’utilisation chez les Marocains.

    Et sur les aspects climatiques, y a-t-il des différences ?

    Les conditions climatiques sont aussi contraignantes en Algérie qu’au Maroc. Par contre la contrainte majeure que je viens de découvrir en Algérie, c’est le problème des salures. Alors qu’au Maroc on les rencontre au grand sud, ici, elles sont à moins de 100 Km de la mer,  avec une influence maritime.  J’apprends qu’il tombe environ 200 mm/an dans la vallée du Chéliff, ce qui nous situe dans la sphère du climat aride à semi-aride.

    Cela semble vous surprendre ?

    Grandement ! En atterrissant sur Oran, j’ai observé la présence de chotts dans la région. D’où ma réserve de plus en plus nécessaire quant à livrer un jugement sur de simples observations. Avec l’âge et l’expérience, j’apprends à mieux cerner les problématiques, car des chiffres que l’on croit irréfutables renseignent mal sur les situations qui sont plus complexes. Au travers de l’expérience et surtout des échecs, j’ai la conviction que le monde agricole est nettement plus complexe que le monde urbain ou industriel.

    Y- a-t-il des explications à cela ?

    Oui pour une raison toute simple : on y est beaucoup plus soumis aux aléas climatiques ; car sur le terrain, au niveau de toute exploitation agricole, c’est le résultat d’une stratégie entre un être humain, l’agriculteur, avec ses compétences, sa technicité, qui est plus ou moins intelligent,  avec ses ressources financières et sa stratégie de cultivateur, qui est confronté aux contraintes du terrain, du climat et des ressources hydrauliques – comme ici dans le Bas Chéliff-, ainsi que les difficulté à l’aval de sa production. Notamment les contraintes de la commercialisation qui sont souvent très aléatoires. Qui peut de nos jours conseiller utilement l’agriculteur et surtout lui assurer un marché d’ici 20 ou 30 ans, sans risques de se tromper ?

    ça n’est jamais simple de tout prévoir, surtout sur une si longue période ?

    Cela est tout à fait juste. Lors de la construction des gros barrages au Maroc, nous avions les meilleurs experts et les meilleures études lors du lancement des projets. Pourtant, sur certains sites, alors que toutes les expertises nous assuraient d’une disponibilité en eau, qu’elle ne fut notre surprise lorsqu’au bout de quelques années, alors que les barrages devaient être remplis à jamais, nous étions pris de court par une cruelle mise à sec qu’aucune science n’avait imaginée. Des barrages sont restés vides pendant plusieurs années. Le monde rural est véritablement complexe  car il est très difficile à mettre dans une équation. C’est un monde en perpétuel changement.

    D’où la complexité à donner un sens à un développement durable ?

    Que ce soit au niveau du pays ou au niveau mondial, l’environnement est extrêmement changeant. On voit arriver une crise sur les principales productions agricoles de base comme le riz et les céréales, avec en plus un coût de l’énergie de plus en plus élevé ; l’approche du développement agricole apparaît de plus en plus complexe. Pourtant j’y vois une constance à travers tous les pays du monde : lorsqu’un ingénieur rencontre un agriculteur, il doit oublier ce qu’il a appris jusque là et écouter le paysan avec gravité. Y compris dans des raisonnements qui paraissent surprenants à première vue. Rares sont les paysans qui agissent de manière inconsidérée. Ils peuvent se tromper comme tout le monde. Il ne faut pas s’imaginer que tous les fermiers sont au top ; chacun a sa stratégie et tant qu’on n’a pas compris quels étaient les fondements de cette stratégie, il est très délicat de prodiguer des conseils ou de donner des recettes.

    Ceci complique davantage la formation de l’agronome. En quoi le projet Sirma permet de mieux former les cadres du terrain ?

    A travers le projet Sirma, les étudiants et les enseignants ont l’opportunité de voir un large échantillon d’exploitations et de situations  agricoles au niveau des différents pays. Il y a également une réelle diversité dans les exploitations -des petites, des plus grandes, celles en sec, d’autres en irrigué, avec une forte ou une faible mécanisation-, et dans les systèmes fonciers. De ce coté là, j’attache un grand intérêt au projet Sirma, surtout sur le long terme.  Plus sans doute que le produit final du projet. Car le problème n’est pas simple et la salinité n’est pas simple. Si on pouvait la régler aussi facilement, il y a longtemps qu’on l’aurait fait. Le fait est que les gens se rendent compte malgré les théories : la salinité est très complexe à régler. Qu’il faut parfois vivre avec. Si on n’arrive à çà, ce sera absolument fabuleux pour ce projet  et pour l’ensemble des pays concernés.

    Y-a-t-il des perspectives agronomiques contre la salinité ?

    Il est indéniable qu’un certain nombre de cultures, dans des conditions de salinité et de ressources hydriques données, résistent mieux que d’autres. En ce sens qu’elles donnent une production commercialisable. Mais il faut savoir qu’en matière de salinité, il faut agir sur beaucoup de facteurs. D’abord la mesurer et savoir si elle varie dans le temps. Ensuite il faut combiner un choix de cultures, chercher le meilleur équilibre au niveau des sols et des rotations, sans perdre de vue la commercialisation. Il y a également la combinaison de techniques d’irrigation et de drainage.

    Le système du goutte à goutte qui se généralise progressivement dans le Bas Chéliff, est-ce la panacée ?

    Au début, le goutte-à-goutte permet une bonne végétation. Mais à la longue, le bulbe qui se forme autour de la plante commence à être saturé par les sels et la plante a de la peine à pousser. Il faut alors lessiver avec de l’irrigation gravitaire. La technique apporte de la souplesse dans les terrains salés, toutefois, en absence de pluie, il faut un réseau pour lessiver avec de l’eau claire. Dans ce domaine, il serait très instructif de s’inspirer des pratiques anciennes.

    Aziz MOUATS        Mostaganem le 11/06/08 

    La preuve par la Courgette

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    Plongé dans mes souvenirs, entre deux corrections du dernier manuscrit, probablement le plus intime...voilà que la conjonction des étoiles du confinement et du Ramadhan m'incite à revisiter un vieux manuscrit que j'avais un peu délaissé. Pourtant, il constitue, sans aucun doute, une généreuse contribution à une meilleure connaissance de l'agriculture indigène...Juste pour souligner avec forces arguments, que nos ancêtres n'ont pas attendus la venue d'un quelconque envahisseur, pour subvenir aisément à leurs besoins alimentaires. L'ouvrage est bien entendu ouverts à l'ensemble des fellah et des agronomes qui ont une expérience particulière à faire partager. Moi même, j'y apporte ma modeste contribution, en focalisant sur des aspects inédits de la pratique agricole...

    Pourquoi illustrer cette contribution par un légume somme toute, banal? Tout simplement parce que la courgette est le végétal le plus rapide du règne végétal...et que pour sa fructification, il a besoin d'un auxiliaire...car le végétal porte deux fleurs...c'est juste pour vous ouvrir l'appétit...car, cet exemple est symptomatique de la trame de cette ouvrage: donner des recettes d'une élégante simplicité...afin d'améliorer très sensiblement les rendements...et pas uniquement en surdosant les pesticides et les engrais chimiques...

    En voici une partie de l'avant propos.









    Rentré presque par hasard dans l’agronomie, du temps où, l’Algérie, mon pays, mais aussi le vôtre, cultivait de très grands espoirs. Avec d’autres jeunes de ma génération, nous avons formés les premières brigades d’ingénieurs agricoles dont le pays avait grandement besoin. C’était la grande aventure de l’ITA de Mostaganem qui commençait dans une euphorie introuvable de nos jours. Un matin de février 1971, alors que nous venions de rentrer précipitamment au bercail -écourtant alors le stage d’imprégnation, d’une dizaine de jours-, nous sommes conviés à accueillir feu Tayebi Larbi, le ministre de l’agriculture. Alors que plus de 400 élèves ingénieurs de la seconde promotion lui faisaient une somptueuse haie d’honneur, lui affichait une mine des jours sombres. Un contraste saisissant que je me faisais un grand honneur d’éterniser grâce mon appareil photo soviétique que j’arborais fièrement. Accompagné de Hadj Benabdallah Benzaza, le DG, de Si Ahmed Si Salah, le DP, de Djenidi Ayachi, le directeur des stages, de Mohame Sennoussaoui, le wali et du longiligne Dr Djelloul Benderdouche, en sa qualité de maire de Mostaganem, il si dirigeât droit vers le studio 2 de la télévision interne à l’ITA. Grace à mon appareil photo, je me suis fait admettre sans peine dans le studio, tandis que mes camarades rejoignaient les salles de classes pour écouter l’allocution du ministre. L’air grave comme s’il présidait une cérémonie funéraire, il ajusta ses lunettes sur son nez, redressa d’un geste sec les pans de son burnous et entama son discours par un percutant «Messieurs, je suis déçu » qui fera se glacer le sang dans mes veines, à tel point que sans que personne ne vienne m’apostropher, j’ai rangé subrepticement mon appareil photo et me suis tenu droit comme une règle, non loin de la porte insonorisée que j‘avais interdiction d’ouvrir, si bien que j’ai eut à subir son discours dans un silence religieux, regrettant de m’être introduit dans le studio. Me reviennent encore ces paroles «nous voulons des hommes, purs, sûrs et durs », une tirade et une profession de foi qu’aucun ingénieur de la seconde promotion n’oubliera de sa vie. La libération ne viendra qu’à la fin d’un discours historique, dont personne n’avait encore compris les motivations et les intentions. Mais tout le monde savait que l’instant était gravissime.


     Une fois libéré de cette douche froide à laquelle personne n’était préparé parmi les élèves ingénieurs, nous nous sommes retrouvés sur l’immense esplanade, les regards fuyants, les esprits hagards ! Le discours était d’une telle violence que nous nous sommes mis à culpabiliser sans vraiment savoir les tenants et les aboutissants. Certes, nous avions un indice depuis la veille, à l’arrivée restaurant pour le diner, nous avions constaté qu’aucun camarade de la première promotion, nos prédécesseurs, n’était là. Nous avions mis ça sur le système de la formule de « l’alternance entre les couts théoriques et le terrain », les structures pédagogiques n’étant pas encore prêtes pour accueillir plus de 500 élèves, soit une promotion à la fois, d’où un chassé-croisé à travers les stages dans les domaines de l’autogestion. Le jour même de notre retour, ce sont nos camarades de la première « promo » qui étaient envoyés en stage. Dans la réalité, ce stage n’était pas prévu, tout comme le notre avait été écourté d’une dizaine de jour. La raison, c’est que nos ainés avaient organisé une grève qui n’avait pas été appréciée en haut lieu. J’apprendrais plus tard, de la bouche de Hadj Benabdallah Benzaza, que Boumediene avait piqué une crise en apprenant ça et qu’il avait ordonné que les 500 élèves ingénieurs de la P1 rejoignent les casernes pour y effectuer leur service national. L’armée avait tout prévu et c’est un miracle si Tayebi Larbi était parvenu à convaincre Boumediène de sursoir à sa décision. Après réflexion, sur proposition de Benzaza, on était parvenu à un compromis : envoyer en stage les élèves de la P1 et écourter celui de la P2. Nous n’y avions vu que du feu, jusqu’à cette visite surprise du ministre et son discours martial. C’est donc dans ce climat tempétueux que nous avions entamé une formation pour constituer les premières escouades d’ingénieurs d’application dont le pays avait grandement besoin, d’autant que l’institut d’El Harrach, hérité de la colonisation, ne mettait sur le marché que quelques dizaines d’agronomes, alors qu’il en fallait des milliers pour encadrer l’agriculture et lui assurer un développement à la mesure des ambitions de l’époque, c’est à dire assurer au pays une véritable sécurité alimentaire. 


    Si la formation assurée par l’ITA est parvenue à combler le déficit abyssal en cadres, il est douloureux de constater que malgré des avancées réelles, l’agriculture algérienne, pour des raisons endogènes et exogènes, n’a pas atteint cet objectif. Force est de constater que ni les performances zootechniques, ni les rendements en céréales ne sont parvenus à réduire la dépendance des marchés extérieurs. En effet, mis à part de rares maraichers – pomme de terre, oignons et autres plantes potagères-, le marché algérien accentue chaque année le recours à l’importation. Est-ce à dire que l’affaire est entendue, comme le laissent accroire de nombreux analystes indigènes et exotiques ? Nous sommes quelques uns, pour la plupart des purs produits de l’ITA, à travers de nombreuses expériences et à la lumière de l’émergence d’un véritable entreprenariat agricole national, plus privé que public, à raisonnablement penser que la partie n’est pas encore jouée. Et qu’il y a un réel espoir de contredire les oiseaux de mauvais augures et les sempiternels donneurs de leçons, qui crient sur tous les toits que l’affaire est pliée, que le potentiel agricole du pays est loin de la saturation que l’on évoque à travers une profusion de publications, de conférences et de déclarations dont la rationalité est plus que douteuse. C’est donc avec un groupe d’agronomes chevronnés, dont la plupart comptabilisent plus de 40 années d’expériences à tous les niveaux de la chaine, que nous nous sommes attelés à rédiger cet ouvrage collectif qui retracera la longue et séculaire pratique agricole des paysans Algériens, depuis les premiers balbutiements du néolithique jusqu’à l’avènement de l’irrigation localisée, des engrais solubles, des pépinières de plants maraichers et des cultures d’algues qu’un opérateur avisé est en train de mettre en place dans ses fermenteurs de la plaine de la Mekerra. L’ouvrage s’appuiera autant que faire se peut, autant sur des expériences abouties sans pour autant négliger les échecs avérés. Il se ponctuera par l’esquisse de ce que devrait être l’agriculture algérienne de la prochaine décennie. Les adaptations, voire les changements qui sont suggérés participent d’un bon sens et d’une réelle connaissance de nos forces et  faiblesses. Cette échéance est importante à plusieurs titres. Le pays, en dépit des discours redondants sur la nécessaire sécurité alimentaire continue de consacrer plus de 60 milliards de dollars à l’importation de biens de consommation, dont plus de 10 Mds vont à la seule facture alimentaire ; ceci grâce à une embellie financière que procure l’exploitation soutenue – déraisonnable ?- des hydrocarbures. Une ressource naturelle dont l’épuisement est acté. 

    En dépit des divergences sur les réserves, il apparaît de manière irréfutable que le recours à l’exploitation du gaz de schiste – avec les risques sur l’environnement et la destruction des précieuses nappes aquifères que cela ne manquera pas d’entrainer- n’est qu’un palliatif incertains ; c’est pourquoi, il apparaît la nécessité d’une réflexion sereine sur les rôles des agriculteurs et des techniciens dans la mise en place progressive d’une autre démarche qui tienne compte à la fois de nos potentialités connues et méconnues, que recèle notre agriculture. Ceci ne pourra se faire sans une réappropriation par l’état de ses terres les plus fertiles dont la nation aura hérité suite à l’accession du pays à l’indépendance qui a provoqué le départ synchronisé des anciens colons. Terres qui furent versées au domaine public à travers la promulgation, dès 1963, des textes portant nationalisation des terres agricoles. Un domaine de plus de 2 millions d’hectares, dont une grande partie est actuellement codifiée par un statut hybride qui ne permet toujours pas une exploitation rationnelle, éloignée de tout dogmatisme de façade, d’une ressource considérable qui est largement mal exploitée et trop souvent sous exploitée. Héritage légitime d’un système séculaire d’exploitation collective, ces terres furent l’objet d’un séquestre de la part de la puissance coloniale. Une exploitation qui fera la part belle à une économie de type colonial, qui, profitant d’un soutien généreux du trésor public français, imposera un panel de cultures qui feront le bonheur des exploitants pieds noirs, au détriment de l’agriculture métropolitaine et de celle indigène. Cette dernière se caractérisant – et ce à travers les siècles- par une diversité et une ténacité qui fera souvent les beaux jours des puissances coloniales, depuis l’antique Rome, jusqu’à la colonisation française en passant par l’empire ottoman qui prépara avec abnégation et régularité la colonisabilité du Maghreb au début du XIXème siècle. La déferlante phylloxérique qui emporta le vignoble hexagonal à la fin du 19èmesiècle sera largement mise à profit par la paysannerie pied-noir pour imposer un renforcement sans précédent de la sphère viti-vinicole,au point où entre les deux guerres, l’Algérie parvenait à écouler sur le marché Français, plus de 22 millions d’hectolitres de vins, sans parler de quelques 600.000 tonnes de produits agricoles et plus de 150.000 tonnes d’agrumes, dont la fameuse clémentine, sans doute la première variété apyrène au monde que l’on doit à la perspicacité d’un fellah indigène, contrairement à la légende largement partagée qui en attribue la paternité à un religieux de la région de Misserghin. C’est aussi pour rétablir l’histoire  des réalisations agricoles de ce pays que cet ouvrage collectif devait paraître.
     Aziz MOUATS





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